samedi 7 janvier 2012

Clairière


Il m'a dit, Dans une forêt, tu sais c'est quoi que je préfère ?
Non, j'ai répondu.
Eh bien ce sont les clairières !
Puis il a ajouté :
J'adore les clairières. Ça me fait penser à une île ensoleillée au beau milieu d'un océan sombre. Soudain, ça semble rigoler là-dedans, l'herbe est là, le vert est plus aéré, on a envie de gambader, tu sais, comme la petite dernière dans La Petite Maison dans la Prairie, celle qui court et qui tombe dans l'herbe en éclatant de rire. On la sent moelleuse, cette herbe. Eh ben les clairières, ça me donne la même sensation. On s'y sent bien. On est à l'abri, aussi. Les grandes colonnes d'arbres dessinent des remparts. On a envie de se mettre les joues au soleil, d'écouter le vent dans les arbres, de comprendre leurs chuchotements. On a envie de regarder les fleurs et de sourire aux abeilles. Une biche pourrait passer là qu'on la laisserait faire ses bonds. On trouve ça magnifique dans une clairière. On s'arrête, en fait.
Il prit un air plus grave, suivant sa pensée : alors que la plupart du temps, on ne s'arrête pas. On passe à côté. On ne sait même plus que c'est là. On suit les phares de devant. La courbe des routes. Les plus jeunes, c'est pire : ils ne savent même pas que c'est là, que ça existe, que ça peut exister. Y montrent pas ça à la télé, sur les consoles de jeux. On sait pas ça dans les tours d'immeubles, on peut pas le savoir, c'est pas possible. Et nous, on est des cons. On leur offre des consoles à Noël. On ferait mieux de leur offrir des clairières. On leur dit qu'on veut pas leur acheter ceci, ou cela. On ferait mieux de les conduire dans ces endroits, de les laisser parler ces endroits, d'ailleurs, on fermerait nos gueules. Parce que dans les clairières, c'est comme au bord d'un lac, sur une plage, prêt d'une rivière. Tu sais ce qu'on fait ? Tu sais c'est quoi la première chose qu'on fait ?
Non.
On se tait. On regarde. On écoute. On se laisse imprégner. On prend ses marques. On ressent. 
De nos jours, ce sont les marques qui nous prennent. On ressent rien. On ne ressent plus. Et on est comme des cons avec nos ressentis qu'on ne sait plus nommer. 

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