lundi 29 août 2011

IL EST 5H, NICE SE RÉVEILLE

Il est 4h, le réveil sonne.... je suis bien tentée de l'éteindre.
Quelle mouche m'a piquée! Quelle idée cette histoire de photos de nuit! Et encore, la raison a été la plus forte, au début il était question de faire non stop crépuscule aube!
Tout ça pour une expo!
J'ai la pression, JE DOIS avoir un thème, un sujet à exposer en novembre prochain. Comble de la catastrophe, ces photos accueilleront le visiteur dès son arrivée dans la grande salle de l'Europe à Menton.
Je réveille donc mon homme qui doit me servir de soutien, de garde du corps et de compagnon de galère.
Tel un zombie il déambule dans l'appartement, au radar, en caleçon. Son parcours est rodé pourtant à cette heure ci les gestes sont tellement moins assurés. Café, cigare, salle de bain.
S'il vous plaît, pas de commentaire sur le cigare... c'est déjà assez difficile comme ça à supporter!
4h45, nous entrons dans la voiture;
La veille j'ai bien pris soin de préparer mes affaires, pourtant avant de partir, j'hésite encore à prendre le D60 monté avec le 55-200, celui qui fut mon meilleur allié lors de notre voyage en Inde.... Je suis ingrate, je le renie à présent. Grave erreur! Je m'en rendrai compte que plus tard quand le jour sera enfin levé.
A cette heure ci, bien peu de monde sur la route. Il parait que la nuit, c'est fait pour dormir! Je me mets à les envier tous ceux qui pensent comme ça!
Trouver une place est chose facile, la promenade des anglais nous offre ses places payantes.
Il fait 19 degrés. Nous nous sommes couverts.
5h05, nous sommes garés. je découvre avec étonnement que nous ne sommes pas les premiers. Les antiquaires qui prennent leur quartier hebdomadaire le lundi sont déjà affairés à monter leur stand. Je savais que je les retrouverai ici, mais je ne pensais pas si tôt. C'est un peu eux que je venais voir!
Nous nous enfonçons rapidement dans le vieux Nice, guidés par le bruit des jets d'eau. Les employés de la mairie manient avec vigueur leur lance, les sols sont détrempés et offrent un rendu qui semble assez intéressant pour mon appareil. Je mitraille à tout va. Le labyrinthe du quartier nous révèle sans cesse de nouveaux aspects. A vrai dire, très peu de badauds! Les noctambules sont couchés depuis déjà quelques heures tandis que les lèves tôt ne font qu'émerger de leur sommeil.
J'essaye d'être discrète et de ne pas trop déranger le travail des gens de la voirie, mais je me sens un peu comme une intrus dans ces rues sombres que seuls les réverbères éclairent régulièrement.
Le ciel est encore bien noir mais bientôt il virera, il faut faire vite pour capter des images.
J'étais très enthousiaste la veille, les jours précédents, je le suis bien moins à présent. L'exercice de nuit est difficile.
Je prends conscience de mon manque de technique, et j'ai envie de tout laisser tomber. Alors j'y crois encore. nous remontons une bonne partie du vieux Nice, traversons les rues susceptibles d'être les plus empruntées, car ce sont bien des gens que je cherche....
Je scrute régulièrement le ciel, le jour devrait se lever bientôt.
Nous retournons voir les antiquaires. Déjà, ils sont plus nombreux et chacun a pris ses marques. A vrai dire, je ne regarde pas les objets, je cherche les ambiances, les attitudes.
Nous optons pour un café et un pain au chocolat dans un bar. Le serveur traîne et je m'impatiente, le ciel s'éclaircit, j'ai envie d'aller voir ce que ça peut bien donner sur la mer.
Nous déjeunons à toute allure et partons sur la Promenade des Anglais. C'est beau. Le ciel est bleu. Est-ce ça l'heure bleu, cette fameuse période dans la journée où il fait encore (ou presque) nuit et le ciel bleu superbe?
Ici ça semble s'éveiller tranquillement, les joggeurs font leur apparition, quelques vélos aussi. Nous sourions à la vue d'une superbe blonde, échassière moulée dans une brassière blanche découvrant un ventre extra plat, en mini short transparent assorti, accompagnée d'un homme (peu fière), faisant leur jogging. Sincèrement, ce qui nous fait le plus rire, c'est le torticolis de l'homme qui les croise, juste sous nos yeux. Voyant qu'il est repéré, il nous gratifie d'un large sourire et fait mine d'essuyer la sueur qui perle sur son front. C'est un appel au viol!
Le thermique du matin nous offre une petite brise fraîche mais ça ne semble nullement déranger les premiers baigneurs du matin, un homme qui médite, assis sur les galets, en tailleur face à la Méditérannée, une SDF qui remballe sont camps de la nuit contre la palissade d'une plage privée.
Nous zigzaguons entre la vielle ville et la mer....
Ca y'est la ville s'éveille réellement à présent, les chineurs sont sur le pied de guerre, aux étalages des brocanteurs, les boulangeries ouvrent.
Et pendant tout ce temps je vise, je cadre, je règle.. mais rien n'y fait, la magie n'opère pas. Je ne tiens visiblement pas mon sujet.
Mon mari m'abandonne pour retourner sur un banc face à la mer.
je ne veux pas m'avouer vaincue alors, j'y retourne, encore une dernière fois. Il est 8h. Le soleil est monté assez haut pour dépasser la colline du Château et plonger ses rayons sur le marché.... Il me reste encore quelques photos à faire.. peut être que là...
Je réalise que mon zoom me manque..... je n'avais pensé qu'aux basses lumières (où le D60 aurait été un peu léger). je nvais pas pensé à tous ces petits objets et les gestes et mimiques des visiteurs....
Et je retrouve un copain d'adolescence, je me doutais bien le rencontrer ici. Il s'occupe des marchés et des emplacements. Lui se lever à cette heure ci, c'est son lot quotidien. Comme à chaque rencontre, tous les deux ou trois ans, nous échangeons sur les mêmes choses, les enfants, la vie, le boulot, le passé.
Mais il est encore plus bavard que moi. Je regarde ma montre, il est 8h30.
Tandis que le vieux Nice vie enfin pleinement, il est temps pour nous de rentrer.
Je rejoins mon mari. Je suis un peu déçue, il me sourit.
J'aime sa patience et son abnégation.
Nous aurons eu au moins la satisfaction de partager le lever du jour.... et ces beaux instants de calme.


Comme à priori je n'en ferai pas une expo, je partage avec vous
IL EST 5 HEURES, NICE S'ÉVEILLE

Si des yeux experts passent par là, qu'ils me disent ce qu'ils en pensent. Peut être suis-je trop critique avec moi même, peut être qu'il y a moyen d'en faire quelque chose?

samedi 27 août 2011

Théodore

J'aimerais parfois m'appeler Théodore. Comme Théodore Monod. Comme raconté dans la chanson de Alain Souchon.
Je ne connais pas spécialement cet homme, encore moins ses travaux. Ce n'est pas le botaniste, qui me donne envie qu'on m'appelle Théodore.
Non.
Pas non plus l'aventure.
C'était notre connivence.
Comme Théodore, dépouillé, visant à l'être plus encore, j'arpente un désert et je songe aux hommes.
Comme Théodore, je cherche une sagesse par-delà les siècles et l'instant.
Peut-être que Théodore l'avait trouvée. Il s'est peut-être éteint avec un grand sourire.
Je n'en suis pas là. Je marche dans la ville. J'avance comme lui dans le Sahara.
Avec mon petit gobelet en aluminium.

vendredi 26 août 2011

C’est encore le mois d’août


Un coup d’œil vers l’abri-bus, tout va bien ! Les visages connus de ces inconnus de la semaine m’indiquent que je suis à l’heure.
Ils sont reposés, l’habit est décontracté, chacun semble encore dans ses rêves de la nuit passée. Le silence n’est pas rompu par des voitures qui doivent être ailleurs sur les routes de France.
Je fais quelques pas et malgré moi pose mes pas sur la piste cyclable. Gring gring , juste le temps de me pousser pour voir passer - le mollet alerte- une silhouette connue. Monsieur le Maire est déjà loin…. Tiens, la fille sans bas nylon traverse la route, le bus ne devrait pas tarder.
Un coup d’œil sur les panneaux « déco » me confirment que ce temps hors du temps ne va pas durer : « C’est la rentrée » est-il écrit sur la publicité !
Sans doute mais ici, nous n’en aurons que lundi le ressenti
Voilà, quelques minutes ont suffit pour passer de Cagnes aux portes de Nice par l’ex nationale 7. Confortablement assis, j’ai rédigé sur un post-it ces quelques lignes et en ai oublié mon livre de poche. Bachelard attendra ce soir pour me livrer quelques secrets de sa philosophie et je peux profiter d’ "eau et de rêves" ,encore un peu en traversant le Var.
J’ai le temps, même les débriefes du matin sont décalés….
C’est encore, pour peu de temps le mois d’août dans la ville.

jeudi 25 août 2011

Tout casse

J'aime assez finalement la manière dont simplement, elle a d'abord dit que ça se passait bien et ensuite expliqué à quel point non, ça ne se passait pas bien du tout.
Mon petit doigt me dit que tout aussi simplement, je ne pense pas que ça puisse bien se passer.
L'utopie de la séparation qui se passe comme une fleur est tenace mais ne pèse pas bien lourd, à ce que je peux constater.
Comme si une rupture, une fracture, ça pouvait ne pas faire crac. Comme si ce n'étaient pas bel et bien des vies qui explosaient.
C'est toujours un peu la même chose en fait dans ces situations.
L'un accepte la situation, l'autre pas. L'un a décidé on divorce et l'autre pas. Il est rare que ça chemine vers la paix. Au contact de la justice et des formalités, j'ai même plutôt l'impression que ça entérine la guerre. Les guerres sans mots, puisque la parole revenue s'est muée en gifles. En flèches. Qu'on esquive, qu'on décoche. A se demander qu'elle est la cible.
Vu de loin, on se dit que justement, puisqu'il n'est plus rien à dire, inutile de cracher le chant des regrets. C'est certain, il eut été préférable, en temps voulu, de ne pas se taire. Mais est-ce nécessaire alors d'en rajouter ? Et si c'est nécessaire, qu'est-ce qui, au juste est nécessaire ?

mercredi 24 août 2011

Le gré de l'autre

J'aime assez finalement me dire que si je le pouvais, je consacrerais plus de mon temps à essayer de rendre mes amis moins malheureux. Ce serait une activité comme une autre, économiquement pas si neutre.
Je pense au fameux trou de la sécurité sociale. Mais pas seulement. Qui donne dans le médicament, qui dans le tabac intensif, qui dans le verre d'alcool, qui prend des vitamines, se dope au sport, se noie dans la lecture ou la musique, qui adopte tel régime. La liste est longue, finalement. On se figure sans doute trop qu'on n'y peut rien. Que c'est comme ça. Pourtant, rien n'arrive par hasard et j'ai l'intime conviction que l'air de rien, il n'est jamais trop tard pour faire bien. Qu'est-ce qui retient, alors ? Qu'est-ce qui fait qu'on pique le nez dans son quotidien comme on ferait un roupillon menton sur la poitrine ? La pudeur, je dirais. Le manque d'énergie, aussi. Et l'autre. Celui-là même qu'on aimerait aider et qui ne demande rien. Qui dit ça va. Qui ne veut pas qu'on se mêle, justement. J'ai souvenir d'un ami qui avait renoncé à un amour naissant en disant qu'il n'avait pas la patience d'aimer l'autre contre son gré. Le gré de l'autre. Curieuse époque que le nôtre tout de même qui fait besoin de l'autre sans rien avoir envie de devoir, sans lui laisser de place. Les éponges dégorgent. Les collectifs ont été boutés hors du paysage, laissant la place à des troupeaux d'individus éperdus.

lundi 22 août 2011

Les pales du ventilateur

J'aime assez finalement la manière dont elle a fini par réussir à revenir au bureau. Le courage que j'imagine qu'elle a eu pour faire tous ces pas conduisant ici.
Bien sûr, elle avait les lèvres pincées, les bras croisés et les yeux qui roulaient comme des soucoupes.
Bien sûr, une chape s'installait et il restait quoi ? Un sourire fané ?
Le regard alors n'a rien fouillé.
Quelques mots tout de même. Ni pour donner des nouvelles, ni pour donner des anciennes. Ne pas trop en dire et déjà en dire tant.
Rien ne sera comme avant, voilà ce qui s'est murmuré à ce moment-là, les mots non dits semblant s'éparpiller par la grâce du ventilateur tout proche.
Je me disais que c'était peut-être un mal pour un bien tout cela, et que sans doute, avant d'en rire dans quelques années, nous pouvions au moins en sourire maintenant. Ici même. Là où tout s'est enfui. Là où tant s'est enfoui.

samedi 20 août 2011

Le poster

J'aime assez finalement ses apparitions qui installent le furtif dans une vaporeuse image fixe.
L'autre jour, au bureau.
D'abord une voix dans un couloir.
Ensuite deux mollets.
Qui donnent envie de poursuivre, indéniablement. Comme on longerait un corps du doigt, avec patience.
Voyage voyage.
Les jambes, ensuite. Et un sursaut : nom de zeus, belles les jambes, longues les jambes, bronzées, régulières, toniques, vive l'été !
Puis vient le dos, sans rien louper au passage. Et c'est déjà la  nuque, une chevelure brune, un teint mat.
L'inconnue entre dans le bureau voisin et honore à son rendez-vous.
Elle en a de la chance, la collègue.
Une heure plus tard, elle ressort. Même posture pour saluer. Même poster.
Et puis s'en va.

mercredi 17 août 2011

"Marcher, une philosophie"

Louis-Paul et Claudio ont lu le même livre et ont décidé d'en parler sans s'en parler avant :

Louis-Paul : La marche est-elle vraiment le sujet de ce livre ? L’auteur utilise le verbe dans son titre et précise « Marcher, une philosophie ». C’est encore trop réducteur à mon goût! Je dirais que la marche en est le fil conducteur et tout le contraire d’une « méthode ». N’y cherchez pas de conseils ou des itinéraires, non, cherchez-vous plutôt.

Je me livre à ce petit exercice de parler d’un livre sans l’ouvrir, sans en mettre quelques « morceaux choisis » ni même une citation en exergue.
Mais je n’ai aucun mérite, c’est encore quelque chose que j’ai découvert à la lecture de ce (petit) traité qui m’a passionné de la première à la dernière ligne.
Comme si j’étais allé dans un amphithéâtre : Ecouter les meilleurs conférenciers me parler d’histoire, de géographie, de philosophie, d’art, de psychologie, de spiritualité, de poésie. Propos illustrés par de belles tranches de vie. (Nietzsche, Gandhi, Rimbaud, Kant, Thoreau…)

J’évoquerais donc ici plus mon ressenti que d’écrire une critique - fût-elle élogieuse - de ce livre. Que je résumerais par un bien être à sa lecture et la délicieuse sensation d’être de ceux qui l’ont lu. J’y ai aussi trouvé les mots - très précis- de ce que je ressens lorsque mes pas me mènent dans les rues de ma ville ou sur les chemins de Haute Provence.

Par ces temps de doute existentiel, beaucoup se demandent - souvent dans l’immobilisme - s’il est possible et comment, de donner un sens à sa vie. Au slogan « Habille-toi et sors », Frédéric Gros précise « et Marche » !
Agir dans ce qui nous est le plus naturel, laisser l’alchimie du corps et de l’esprit se réaliser pas à pas.
« Marcher, une philosophie », 300 mots ici pour 300 pages qui m’ont ravi.

Claudio : Dix ans après avoir lu "Marcher, méditer" (M. Jourdan/J. Vigne) j'ai plongé avec délectation dans "Marcher, une philosophie" (F. Gros). La filiation est évidente. La structure différente.
La marche comme prière qui unit l'intellect au corps. La marche comme rythme qui remet tout en place, corps et esprit. La marche comme chemin d'harmonie vers la nature.
On entend ici, marche solitaire qui permet une introspection bienveillante, une méditation éclairante.
Cet ouvrage a ceci de particulier qu'il consacre des chapitres à quelques poètes et penseurs, grands adeptes de la marche. De Nietsche à Gandhi, en passant par Rimbaud et Rousseau, l'auteur nous livre leurs escapades et la philosophie qui y est liée. On lit comme une suite de randonnées en charmante compagnie. Un concentré de richesse spirituelle qui vous transporte dans le sac de Rousseau, sur les pas de Nerval, vers des sommets de spiritualité active.
Difficile de choisir des extraits :
"Il n'y a qu'une performance qui compte, l'intensité du ciel, l'éclat des paysages.
Rechercher le vrai, c'est dépasser les apparences. C'est dénoncer les habitudes, les traditions, le quotidien, comme autant de conventions, d'hypocrisies, de mensonges.
L'utile c'est ce qui intensifie une puissance d'agir, augmente une production d'effets, accroît une compétence. L'inutile, le superflu, c'est tout ce qui demeure concédé à l'appréciation des autres et à sa propre vanité. Juste en-dessous de l'utile, il y a le nécessaire. Il est l'irremplaçable, l'incontournable, le non-substituable.
En marchant, on fait ses comptes avec soi-même : on se corrige, on s'interpelle, on s'évalue.
On se voit marcher bientôt, on se tient juste derrière soi, à quelques mètres, et on se suit"

J'ajoute que j'ai découvert Henry Thoreau et j'ai hâte d'approfondir sa connaissance et que l'idée m'apparait plus pressante d'aller refaire le chemin Nietsche, à quelques kilomètres de chez moi.

jeudi 11 août 2011

Appelons-le E.E.Sch.

Tout commença par un bouquin offert par une amie, appelons-la Béa : Oscar et la dame rose.
Un cadeau, ça fait toujours plaisir. Un livre, c'est pour moi, le plus beau des cadeaux. Béa avait, de plus, bien visé, je n'avais jamais rien lu de cet auteur et je salivais par avance de la magnifique découverte, si j'en croyais les éloges de mon amie.
Sauf, que quelques semaines plus tard, après d'énormes efforts, je parvenais à terminer, l'ennuyeuse pièce de théâtre. Epuisé, déçu, et presque honteux, car vu le succès de l'écrit, je devais sans doute être le dernier des débiles pour ne pas avoir su y voir le génie.
J'en fis part sincèrement à mon amie, et lui promis de persévérer en explorant d'autres formes d'écriture.
Le temps passa. Et un jour, un ami, appelons-le Didier, s'avisa de citer sur un blog un extrait de livre très engageant : Le sumo qui ne pouvait pas grossir. Vite, c'était l'occasion, je le commandai. Excellent !
Puis, je me procurai La secte des égoïstes que j'offris à Noël à mon fils, appelons-le Ugo. Dès qu'il en eut fini la lecture, je le dévorai à mon tour.
C'était fait. J'étais client. Plus, fidèle.
Un peu plus tard, un autre ami, appelons-le Antoine, invita les lecteurs de son blog, à lire La Rêveuse d'Ostende. Et dès lors, je n'étais pas seulement client, pas seulement fidèle, je devenais conquis, accroc peut-être.
Des rêveuses d'Ostende, j'en consommerais à tous les repas sans jamais me lasser, j'en suis sûr.
Alors je remercie tous ceux cités ici et en premier lieu l'auteur, appelons-le Eric-Emmanuel Schmitt.

lundi 8 août 2011

Le paradoxe d’un (non)-partage

Drôle de titre pour un billet.
(Non) partage sur ce blogue où le mot arrive en tête de ces nommés tags et que nous préférons ici appelés mots-clés.
(Non) partage et pourtant une envie si forte de partage qu’elle ne résiste pas à l’écriture.

Ce sera quelques phrases pour exprimer un état, une sensation encore brouillonne qui va se décanter avec le temps.
Une fois passé l’instant présent.
Un temps où vient se mélanger souvenirs et rêves éveillés.
Un temps d’images qui défilent, mentales et/ou pixellisées.
Images qui se perdent dans le tracé d’une carte où qui dessinent un nouveau territoire aux contours mal définis.

Et pourtant tout est précis mais l’album souvenir n’est pas construit.
Le sera-t-il à la manière d’un carnet de voyage aux mots inscrits au jour le jour ?
Sera-t-il enrichi de ces recherches postérieures au voyage et qui viennent compléter et poursuivre un temps qui forcément fût limité.
Un temps (dit de vacances) où tout est différent. J’ai vu d’autres mondes sans aller au bout du monde !

S’arrêter et au retour laisser décanter ce qu’il convient de nommer un temps particulier.

Alors le partage peut se faire, avec soi en premier dans sa tête un peu submergée.
Puis avec celle qui à ses côtés écrit aussi le voyage à l’encre de ses propres émotions.
Avec la famille ou les amis (es) retrouvées.
Et avec ces personnes rencontrées le temps de quelques paroles et dont l’on retrouve une trace dans la poche d’un sac à dos ou d’un ciré.

Voilà que l’on ramène aussi ce beau cadeau d’un échange privilégié commencé par ces rencontres dites virtuelles et qui pour certaines tracent des liens d’amitié bien réels.

Le (non) partage est donc ici partagé. Il porte pour nom une description : celle d’un état d’être particulier qui ne dure sous cette forme que le temps d’un retour.
Qui accapare le mental avant de se transformer en plus « raisonné ».

Mais il suffira d’un clic sur un moteur de recherche, d’une image retrouvée, d’un mot, d’un commentaire ou d’un courriel ; de tant et si peu de choses pour que le voyage mental reprenne le cours de ses chemins multiples devenus un bout de son parcours.

Alors viendra le moment d’en écrire un morceau choisi et de le partager.


mardi 2 août 2011

Une gare est le plus bel endroit pour des retrouvailles, parce que c'est normalement le lieu des séparations.


Sauf que ce matin-là, c'est un inconnu qui est venu me chercher à la descente de mon train. Et il ne m'a pas fallu plus d'une seconde pour le reconnaître. Je dois avouer que cela ne fut pas très difficile, nous étions quatre personnes à descendre et, sur le quai, une femme d'une soixantaine d'année et un homme quadragénaire accompagné d'un petit garçon attendaient.

Lure. 8H20. 12°. Vendredi 22 avril 2011. Jour férié en Alsace-Lorraine.

Je traduis :

Un trou paumé.

Je suis réveillée depuis 5H30 pour prendre mon train à 6H32.

Je gèle parce que je suis crevée et parce qu'il gèle.

Week-end prolongé pour moi : Vendredi Saint-Samedi-Dimanche-Lundi de Pâques.

Il est sympa ce gars. Il m'offre un large sourire, me prend dans les bras, m'embrasse sur les joues comme si nous nous connaissions depuis toujours. Il me demande si mon voyage s'est bien passé, si je ne suis pas trop fatiguée. Il me dit qu'il est content de me voir, de mettre un visage sur mon prénom. Il me présente son fils, un blondinet réservé de neuf ans.

Jusque là, on pourrait croire que je fais la connaissance d'un homme rencontré via un site de petites annonces ou internet. Tout concorde. Sauf que ce n'est pas lui que je viens voir, mais sa femme. Mais Internet y est effectivement pour quelque chose. Et je me sens dans le même état que lors d'un premier rendez-vous amoureux avec, justement, un inconnu familier (mais oui, le genre de personne avec qui on tchat, on dialogue au téléphone mais que l'on n'a jamais vu).

Nous montons dans la voiture, sortons rapidement de la ville, traversons une campagne verdoyante pleine de vaches, de moutons, de corbeaux... et de mouches (il faut bien que la queue des vaches leur serve à quelque chose). C'est joli même si je ne me verrai jamais y habiter. Il m'explique qu'il me dépose et part travailler. Nous nous reverrons dans l'après-midi. Le soleil commence à réchauffer ce camaïeu de verts, c'est calme, c'est odorant, cela semble hors du temps. Et je n'aurai aucune réaction de surprise si une carriole tirée par des chevaux ou des bœufs surgissait devant nous...

Au bout d'une quinzaine de minutes de trajet, mon chauffeur se gare devant une maison. Et là... Et à ce moment...

Chabadabada, chabadabada, hmmhmmhmmm, chabadabada, chabadabada...

ELLE sort. Elle. Mon double. Mon complément. Ma siamoise. Ma jumelle. La seule qui... Celle avec qui... Ma Meilleure Amie. Celle qui ne fut jamais remplacée dans mon cœur. Ma sœur de galère. Ma compagne de passage dans l'âge adulte. Celle avec qui les mots étaient inutiles, un regard suffisait à nous comprendre. Elle me sourit. Elle me tend les bras, m'embrasse. Je me sens un peu gauche, pas à l'aise dans mon corps, dans mes gestes. Je me sens gênée d'être gênée. Elle, elle n'a pas changé. C'est dingue ! Dix-sept ans que nous ne nous sommes pas vues et elle n'a pas changé ! A part la voix. Une voix que la cigarette a éraillé et à qui la Haute-Saône a dédié un accent à couper au couteau.

Si je ferme les yeux, mes oreilles ne la reconnaissent pas. Si je les rouvre, je me retrouve projetée dans les années 80. Le foyer de jeunes travailleurs où nous avons fait connaissance. Le premier appartement dans lequel nous avons habité. Les boites de nuit. Les garçons. Le frigo vide et les plats de pâtes à la sauce à base de concentré de tomate (beurk !), manque de fric oblige. Les conversations dans le même lit jusqu'à point d'heure. Les fou-rires. Les chagrins. Les colères. Les accolades. Les embrassades. Les moqueries. Les séchages de larmes. Les plans machiavéliques fomentés jusque très tard dans la nuit, parfois. Les échanges de fringues. Les séances de maquillage, de coiffage qui duraient des heures avant nos rendez-vous avec les copains.

En quelques secondes, je suis attirée à l'intérieur. Douze yeux m'observent. Ça, c'est impressionnant ! Le temps de me retourner dix-sept petites années de rien du tout et ma meilleure amie met cinq enfants au monde. Deux adolescentes et trois petits garçons blonds comme les blés. La sixième paire d'yeux appartient à la voisine qui n'a pas pu s'empêcher de venir voir « l'amie » (pour une fois qu'il se passe quelque chose dans ce patelin de trois cents âmes...). On me présente, on s'embrasse. Les enfants sont mignons et bien élevés. Mon amie m'épate : elle a, certes, légèrement vieilli (j'insiste sur le légèrement) mais elle n'a pas changé. Cinq grossesses ne l'ont pas rendu difforme, à peine plus ronde. Elle a toujours ce même sourire, cette blondeur, ce regard gris et doux aux paupières légèrement tombantes. Elle fume toujours, elle boit toujours autant de café et c'est devant un mug de ce breuvage toujours autant trop léger à mon goût que nous nous observons, en souriant, sans mot dire sous le regard dérouté de ses enfants. Je ne sais pas combien de temps cela dure. Une micro-seconde, quelques minutes ? Impossible à dire. Elle me dit que je n'ai pas vraiment changé.

Plus tard, dans la journée, elle m'avouera me trouver plus calme, plus posée mais toujours aussi vive dans mes réparties, avec le même humour. On se rappellera plein de choses. Elle rira beaucoup. Sa fille ainée sera étonnée de notre complicité. Il est vrai qu'en quelques minutes, cette dernière s'est réinstallée entre nous. On dira les mêmes phrases en même temps, comme avant. On pensera aux mêmes choses en même temps, comme avant. On se remémorera certains souvenirs en même temps.

Et c'est lorsque sa fille me demandera : « Comment était maman, quand elle était jeune ? » que je me rappellerai que dix-sept années se sont écoulées entre ce vendredi-là et la dernière fois que nous nous étions vues. Elle venait d'ailleurs de rencontrer le père de son ainée, était très amoureuse. Rien ne laissait présager qu'elle fuirait sa région natale, enceinte de quelques semaines, pour se protéger d'un homme devenu dangereux et violent. Rien ne laissait présager qu'elle vivrait des moments très durs, trop durs, seule avec son bébé. Rien ne laissait présager qu'elle referait sa vie avec un homme formidable qui l'épouserait au bout de six mois, lui ferait quatre enfants mais serait le papa des cinq. Rien ne laissait présager, d'ailleurs, qu'un jour nous nous reverrions...

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