vendredi 25 novembre 2011

Torrent d'été (2)

Le début de l'histoire est là.


Photo Francis Beurrier
Il y avait eu ces retrouvailles.
Une rue, deux arrêts de bus qui se font face, elle d'un côté, moi de l'autre. Sourires.
La première fois, son car arrivait, elle avait haussé les épaules, semblant dire désolée, puis elle était partie. Deux jours après, nous avions eu le temps de nous donner nos adresses mail et nos numéros de portables, enfin le sien, je n 'en avais pas. Alors nous échangions des courriels.
Un jour je me décidai à l'appeler. J'y avait réfléchi longtemps. Ce n'était pas mon style d'appeler comme ça. Maëlle, qu'est-ce que tu dirais d'un coup de folie, comme à l'époque ? je lui avais lancé, m'entendant moi-même, le cœur battant, les tempes en feu. J'ai réservé un bungalow près de Perpignan. Je pars demain. Si tu veux, tu fais la route avec moi. Ou tu me rejoins là-bas.

J'avais mis cent vingt-trois mille points de suspension derrière cette dernière phrase. Je manquais de souffle, subitement.
Ce fut le silence qui me répondit.
Je commençais à me dire que j'avais été con, que j'allais tout péter, d'autant que je n'avais rien réservé du tout. Je réfléchis, elle avait finit par murmurer.
La seconde précédant le coup de fil, je n'avais pourtant pas la moindre idée de ce que j'allais lui dire. J'avais jeté à la poubelle des boules d'essais tous plus décevants les uns que les autres. Je pensais assez classiquement à ce qui vient finalement à l'esprit dans ces moments-là, le restaurant, éventuellement le cinéma.
C'était soir. J'étais à la maison. Sarah dormait. Sa mère était partie. Sa grand-mère n'allait pas tarder à nous rejoindre pour passer quelques jours avec nous.
C'est ça, en fait, qui m'avait décidé.
Ma mère allait venir et sa morve au nez, pour gentille qu'elle soit, allait encore me plomber davantage comme si c'était utile. A ma moue j'ai opposé l’irrépressible désir de voir Maëlle, de la serrer contre moi. J'ai juste pensé chiche et j'ai pris son numéro de téléphone. J'ai téléphoné. Allez, je me disais, le destin, il n'est pas là que pour les caprices. Que pour faire mal. Il peut aussi nous jouer de bons tours, nous filer le coup de main. Tente le coup. Tu verras bien. Inch allah !
J'avais pris cette habitude de puis quelques temps : ponctuer nombre de mes élans, et ils étaient peu nombreux, par inch allah. Ca claquait bien à mes oreilles, comme un coup de langue, comme on se frotte les mains, ça me donnait du courage, ça exclamait.
Je triturais le coin de la serviette en papier de chez Point chaud qu'elle avait trouvée dans son sac pour écrire son numéro. Elle décrocha tout de suite. Elle ne répondit pas à ma proposition. J'entendais juste ses oreilles sourire. Je crois.
Elle m'avais juste dit, je t'envoie un SMS dés que je peux.

Cela me mis face au vent froid de la réalité. Je me rendis comte que je ne savais absolument rien d'elle aujourd'hui tellement j'étais resté rivé sur notre passé. Est-ce qu'elle était mariée ? Ou pas ? Avait-elle des enfants ? Ou non ? Moi non plus, je ne lui avais rien dit de tout cela. Je peinais à me souvenir de ce que nous nous étions raconté lors de nos échanges par mail.  Je savais vaguement qu'elle travaillait dans un restaurant, je n'avais pas cherché au juste à savoir ce qu'elle y faisait précisément. J'en avais déduis que c'était la patronne, quelque chose comme ça. Elle ne pouvait qu'être patronne.
Je repris le fil de notre discussion.
Je serai sans doute parti, alors.
Pas grave, elle avait répondu en raccrochant.
Je la souhaitais rire, je la craignais soupirer.
J'envoyai une bise à inch allah, et je serrai les poings.

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