mardi 14 février 2012

rivière 7

Elle rougit. Baissa les yeux. Il entra. Demanda s'il pouvait s'asseoir. Elle s'excusa. Bredouilla. Reprit ses esprits. Ils parlèrent. Elle aima ses questions, et mit du temps à se remettre du moment. Soudainement épuisée. A deux doigts de prendre son après-midi. Plus bonne à rien. Ou plutôt égarée dans son ailleurs qui ressemblait de moins en moins à un nulle part. Elle redoubla d'attention sur le net. Elle voulait le connaître. Elle avait désormais l'impression d'être sur ses talons. Sandra levait les yeux au ciel désormais. Elle accepta sans mal que son amie la traite de cinglée et de psychopathe que j'aime quand même et elle rit avec elle. Se tartina l'intérieur de ce rire, cherchant à quand remontait la dernière fois, ne trouvant pas, tout était si loin, si endormi, si réveillé soudain. Elles burent un Porto.
Quelques semaines plus tard, ils s’étaient retrouvés autour d’un café. Arrivés en même temps, il fut galant, elle engagea la conversation. C'était plus simple, plus évident désormais.
Une autre fois, il l’avait appelée pour demander un renseignement. Ce qui était vai mais ne l'empêcha pas de l'inviter à boire un café, je vous dois bien ça, il avait précisé. 3
Un autre jour, elle le lui rendit, en précisant, à mon tour cette fois. Elle restait calme le temps de leurs échanges, et cuisait de l'intérieur. Elle aimait cette chaleur, se sentant vivante, plus que jamais.
Tout cela restait strictement professionnel et si Sandra s’impatientait, bouillait, même, Audrey continuait de boire le lait de cette histoire qui lui appartenait enfin.
Si ça continue, on va y passer deux siècles, soupirait Sandra. C’était sa semaine sans Porto.
Et toi, tes amours ? lui clignait de l’œil Audrey.
Ne m’en parle pas !
D’accord, je ne t’en parle pas.
Si, si, s’il te plaît, pose-moi des questions

Un jour, Audrey croisa Eric à la boulangerie. Comme elle, il achetait son repas du midi. Ils se sourirent. - Vous n’allez pas à la cantine ? - Non, jamais. Je n’aime pas ça. Pas la bouffe, hein, je ne sais pas comment elle est, je n’y mets pas les pieds en fait. Je n’aime pas rester là le temps de midi, croiser tous ces gens du boulot, encore et encore. Je préfère prendre l’air. - Moi aussi. Ils sont toujours dans la voiture. Ils savent maintenant l'un et l'autre que quelque chose va se passer mais ils ne savent pas quoi. Pas quoi exactement. Ils savent que ça leur pend au nez depuis pas mal de temps. Ils sont un peu surpris que ça ait pu durer si longtemps. Platon avait semblé s'être glissé entre eux. Audrey déboutonne alors sa chemise et s'approche de lui. Il ferme les yeux. S'approche de cette poitrine offerte. L'embrasse. Il y a un parfum de récolte, après avoir tant semé. Il y a un air de déluge, de calme avant la tempête. Elle ferme les yeux, caresse sa nuque. Ce moment a tellement existé dans son esprit, ses rêves et même parfois ses réveils que rien ne la surprend pendant que lui embrasse, embrasse encore, ose l'autre main sur l'autre sein. Elle ne le sent pas mais il a le cœur qui bat. Qui bat comme jamais. Qui n'est pas loin d'éclater. Comme si la vendange était trop tardive. Comme si le fruit était trop mûr. Le voilà qui recule, qui a peur. Qui est comme éteint, embrasé, embarrassé. Et elle est là, pantelante, chemise ouverte, têtons tendus comme jamais. Des années que son corps n'a pas été parcouru, fusse alors juste une esquisse. Des années qu'elle n'a pas vibré ainsi, transpercée, parcourue. Elle prie pour qu'il revienne avec sa bouche. Il ne revient pas. Ils se croisent. Elle quitte son nulle part, il arrive dans son ailleurs. Il murmure quelque chose. Elle s'approche. Elle tend l'oreille. Il croit qu'elle veut sa bouche. Ses seins ne sont pas loin d'exploser tellement ils sont emplis de désir. Il murmure à nouveau. Elle se méprend, s'accroche, s'approche. C'est le réveil qui sonne. Le réveil qui dit que c'est l'heure. Ils ferment les yeux, tous les deux. Elle sourit quelques secondes plus tard, il s'allume une cigarette. Il n'ose pas la regarder. Il a mal, une douleur terrible, entre les jambes, et dans la poitrine aussi. Il a peur, soudain, mais une autre peur, pas la même. Il a l'impression qu'en quelques secondes, il a croisé la vie et plus que la vie puis la mort et presque la mort. Il serre ses doigts sur le volant. Cerveau ivre, cerveau vide. Il ne sait pas quoi dire. Audrey a reboutonné sa chemise. Se disant comme il est incroyable que ce qui s'est produit se soit produit précisément aujourd'hui. Le seul jour où elle n'a pas mis de soutient-gorge. Elle sourit. Elle est heureuse. Il en pleurerait. Elle lui dit juste de démarrer. De ne pas se prendre la tête. Il a peur de l'avoir perdue. Et lui avec. Elle ne lui dit pas qu'elle l'a gagnée un peu plus. Et elle avec.

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