mardi 27 décembre 2011

Il ne manquait qu'un teckel



Ça ne payait tellement pas de mine que sitôt franchie la grille, qui râcla me semble-t-il, je fis demi-tour, soudainement je me sentais étranger en ces lieux, ce lieu que j'avais déniché par hasard, autrement dit par le biais d'une petite annonce. De ces lieux qu'on ne peut que dénicher par hasard.
Je fis demi-tour. Non de ces demi-tours qui renoncent, à peine de ceux qui hésitent, plutôt de ceux qui réfléchissent. De fait, je reculai. La grille grinça à nouveau. Je reculai. Réellement. C'est-à-dire que pour me mouver, je fis un, puis deux, puis quelques pas en arrière, jusqu'à revoir le numéro de la maison, le nom de la rue. Quitte à me déhancher. A tordre le cou.
Je relus ensuite l'adresse écrite sur le bout de papier que j'avais glissé dans ma poche.
C'était là et je me demandais comment j'allais m'y faire. Je me prenais presque à rêver que je ne retrouverais jamais cette rue, perdue dans la ville encore inconnue qui était appelée à devenir celle de mon quotidien. Que devant y revenir, je ne le pourrais pas.

C'était comme si j'avais eu besoin de ce rappel pour le transformer en autorisation. Ou en ordre.
J'étais à l'heure. Cette fois, j'entrai franchement et peut-être bien que la grille ne fit aucun bruit.
Je n'avais pas trouvé facilement. Toutes les rues se ressemblaient dans ce quartier. Un quartier ouvrier, avec des maisons basses. Certaines avec des jardins. Toutes avec des haies. Des grillages. Bien marquer son territoire.
C'était petit. Il y avait des gravillons sous la semelle, de ceux qui font splitch splitch sous les pas. Il faisait sombre subitement, comme si la lumière désertait à partir de là. J'avisai l'escalier, scindé en deux, une partie qui descendait et une qui montait. J'étais dans la cour des grands, à ma droite il y avait un semblant de pelouse et un abri de jardin. Quelques vieux arbres semblaient en panne. La maison donnait l'impression être à l'arrêt.
Je choisis de monter. Je n'allais pas tarder à redescendre. La voilà qui ouvrait déjà la porte, qui arrivait, même, il me semblait bien avoir vu un rideau tressaillir à mon arrivée. Mais elle avait attendu que je sonne.
Je ne retins de son visage qu'un teint gris, au mieux, qu'un peu de moustache, ainsi qu'un énorme grain de beauté. Il fut peut-être beau, en effet. Elle portait ses septante ans avec un air revêche et des chaussons. Un peu de flingue dans les yeux. Une voix frustre.
Je lui fus gré de ne point faire durer les présentations. De fait, c'était de l'efficace. Rappel du loyer, réglement intérieur, je ne l'écoutais pas, j'étais pressé de voir. De m'installer. J'avais envie de détaler. Je me demandais ce qui m'avait pris. Comment je m'étais débrouillé pour arriver là. Dans cette rue. Dans cette maison.
Il ne manquait qu'un teckel. Mais sûrement celui d'ici, car je n'imaginais pas qu'un teckel habitât-là à un moment donné, était mort il y a quelques semaines. Quelques mois.
Elle me montra le chemin et je reculai de nouveau pendant qu'elle descendait, ce qui m'amenait à la suivre en étant devant elle. Les graviers m'indiquèrent que la situation avait toutes les chances de se stabiliser et de fait, elle se mit à me précéder pendant que ses mains fouillaient sa blouse bleue et en extirpaient des clés. Le mouchoir en tissu resta dans la poche.
Elle ouvrit en m'indiquant qu'elle avait aéré avant que j'arrive. Le renfermé ne me surprit donc pas. Je découvrais l'appartement comme on visite une désolation de 25 mètres carrés. J'eus la politesse de ne pas éclater de rire. Je n'en avais de toutes façons pas envie. C'est pourtant ce qui me vint à l'esprit alors que je découvrais les pièces. A gauche la chambre. A droite la cuisine. Au fond les toilettes et la douche. Aux murs des tapisseries vert kaki et orange à motif. Un néon, évidemment. Je signai dessous les papiers. Je fis un chèque. J'étais chez moi pour quelques mois.

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