Auteur Anonyme... transmis par mcb. Merci à eux.
Ce matin, première visite à l’école depuis une semaine, date de fermeture. La dizaine de panneaux en 6 X 3 qui nous accompagnaient sur les 23 km qui nous séparent de l’école ont disparu. Il reste les énormes portiques qui supportaient les portraits mais ils sont désormais aveugles ou mutilés et des lambeaux de visage tristement familier, volent au vent.
Tout le long du trajet, des carcasses calcinées de grosses cylindrées, quelques blindés qui encadrent les carrefours stratégiques La circulation est fluide et la police, qui rackettait quotidiennement les chauffeurs, a disparu.
A l’école, nous retrouvons les deux gardiens, fidèles au poste. Ils sont exaltés par les derniers événements et prennent la parole à tour de rôle : ils racontent en vrac, le clan Ben Ali en déroute, les miliciens arrêtés, les richesses insoupçonnées découvertes dans les maisons présidentielles dévastées et offertes au public chaque soir à la télévision. Les mots se bousculent ils veulent tout dire, tout raconter, ils sont fiers d’être tunisiens, fiers d’avoir accompli l’impensable. Ils s’étonnent de vivre dans un pays qui détient des richesses. Ils pensaient jusque là que la Tunisie, privée des ressources de ses deux voisins, était un pays pauvre, raison pour laquelle eux-mêmes ne possèdent rien et beaucoup de tunisiens vivent dans le dénuement le plus complet.
Ils savent depuis quelques jours qu’on leur a volé quelque chose qui leur revenait et s’étonnent que l’ancien président et sa famille aient accumulé autant de richesses. Mohamed me traduit un proverbe arabe : lorsque celui qui a faim tombe dans un plat de semoule, il doit veiller à ne pas tout manger, car il tomberait malade ! Ils ne comprennent pas les tonnes d’or, les milliards de dollars, les bijoux, les voitures, ce luxe grossier. Pour quoi faire ? Qui peut comprendre en effet, cette indigestion permanente ?
Curieusement, ils parlent à peine des libertés condamnées, des mots interdits, de la vie censurée. Jusqu’à peu, ce n’était pas l’essentiel.
Mais ils avaient tous les deux ce matin dans les yeux, l’éclat des matins purs et dans la main, une petite pousse de jasmin.
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