samedi 13 novembre 2010

Une belle histoire

Dernièrement, on m'a raconté cette histoire incroyable et vraie.
J'ai reproduit fidèlement les propos.
1976 ou quelque chose dans ces eaux là. Je bosse comme Educ depuis 4 à 5 ans quand je me prends le chou avec le Dirlo de la boite. On s'engueule à 8 h 30 et à 9 h pétante, je suis sur mon vélo, sac au dos à pédaler en criant: Vive la Liberté ! (j'ai fait ça toute ma vie).
J'arrive dans un quartier de la ville et je me pose la question: A droite ou à gauche ? A droite, c'est retour chez mes parents et à gauche, c'est l'aventure. J'ai pris à gauche. Je ne sais pas où je vais. Je pédale nez au vent. Je passe près d'une ville et comme la nationale est merdique, je pique au nord.... au hasard. C'est beau la région là. Je traverse plein de petits villages inconnus, des prés et des forêts. Ca sent bon l'herbe tendre et la bouse de vache.
Dans un bled paumé, je vois une pancarte qui indique un village. Je me souviens d'y avoir placé un gamin de la DDASS, il y a quelques années de cela, chez un couple de jeunes paysans.
"Tiens!?!..." que j'me dis, "j'irais bien voir ce que le jeune est devenu".
Direction le village en question. Je retrouve la ferme sans difficulté. Je frappe: Personne !
J'entre (les fermes Lorraines ont un long couloir et je me souviens que leur habitation était tout au bout).
- Toc Toc !..
- Entrez !
Un type est allongé sur le dos dans la cuisine.
- C'est pourquoi ?
- Ben, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, mais je vous avais placé un gamin de la DDASS il y a quelques années et comme je passais par là, je me suis dit que j'aimerais bien voir comment il va. Il a dû changer depuis...
- Il est reparti chez sa soeur l'an passé. C'est le juge qui en a décidé ainsi" (Le type me parle en restant couché sur le dos).
- Vous vous êtes fait mal ? Vous voulez un coup de main ?
- Non. Ca ira. C'est le dos. Je suis tout seul dans la ferme et mon beau frère qui devait m'aider ne peut pas venir.
- Vous ne pouvez pas prendre quelqu'un pour le remplacer ?
- Faudrait pouvoir le payer.
- Et si y avait quelqu'un qui voulait bosser avec vous gratuitement, ça vous intéresserait ?
- Pour sûr que ça m'intéresserait. Mais il est pas né celui qui voudrait bosser sans être payé.
- Ben il est devant vous !
Silence... Le gars se soulève sur un coude et me dit:
- Vous plaisantez ?
- J'ai une tête à plaisanter ? Nourri / Logé dans le foin du grenier (j'ai mon sac de couchage dans mon sac à dos) et si ça vous dit, on peut faire un essai. Le temps de chausser mes bottes et d'enfiler mon bleu: je suis à vous. J'y connais rien, mais tout s'apprend. J'ai deux mains et une tête pour réfléchir. Suis pas plus con qu'un autre.
Re silence.
- Faut que j'en parle à ma femme mais pour moi, c'est d'accord.
On a bossé ensemble toute la journée et quand sa rombière est rentrée le soir, il lui a déclaré: C'est un commis que j'ai embauché. Il va rester avec nous.
En fait, j'y suis resté deux ans, le temps de faire connaissance avec toute la famille et de m'inscrire dans la vie du village. Comme je ne coûtais rien, j'allais donner un coup de main à ses copains à l'occasion.
Un beau jour, un paysan d'un bled voisin s'est retrouvé seul, sa femme étant hospitalisée. C'était un bosseur. Mais s'occuper des deux gamins, du ménage, de la bouffe, du jardin et de la traite en plus de son boulot quotidien, ça faisait un peu beaucoup.
Alors, je me suis installé chez lui quelques temps, et dans tout le canton, les péquenots du coin n'en pouvaient plus de se fendre la gueule en évoquant "la nouvelle Petite femme du René".
N'empêche, à la suite de cette histoire, on m'a proposé pour le "Mérite Agricole". Je les ai envoyés péter avec leur breloque, mais je suis assez fier de cette intention.
Cette histoire fait partie de mes plus beaux souvenirs.

2 commentaires:

  1. - Toc Toc !..
    Je frappe juste au cas où quelqu'un pourrait me dire ce qu'il est devenu celui qui t'a raconté cette histoire. Que fait-il aujourd'hui ?
    J'ai adoré... on dirait une nouvelle de Maupassant.

    Sinon, en lisant trop vite, j'ai cru que c'était les femmes Lorraines qui avaient un long couloir et pas les fermes. Et j'ai même pensé que je n'avais aucune expérience de ce côté-là.

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  2. Je demande de ce pas à quelqu'un de nous dire ce qu'il est devenu...
    Quant aux femmes lorraines, je vais aller voir si des études sociologiques évoquent le fait qu'elles aient de longs couloirs. On ne sait jamais. :-)

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