On a roulé quelques heures. Un peu engourdi, le rythme se ralentit en même temps que les voies se multiplient. C'est la barrière de péage. Nous voilà, coincé, compressé, passif.
Là-bas, au loin, c'est le couperet salvateur, celui qui nous délestera de quelques euros et qui ravivera quelques souvenirs. Comme celui de notre premier passage en tant que conducteur. Allions-nous savoir faire ? Bien retenir l'ordre des choses. Faire l'habitué. Ne pas se tromper de file. Ne pas déranger. Ou celui des vélos sur le toit qu'on avait oubliés. Et celui du regard du flic qui rendrait coupables tous les innocents.
Une fois inspectées les carlingues voisines, la jolie hollandaise, les sales gosses qui grimacent, le poivrot inquiétant, le matelas sur le toit, c'est notre tour. Aujourd'hui, on sait. Avec l'âge on a l'assurance du vieux routier de passeur de péage.
Vitre. Ticket. Carte. Reçu. Première.
La barrière nous fait la révérence à l'envers. Et nous voilà dans l'autre troupeau. Celui qui a payé. C'est la quille. Espaces libres, nous voilà !
Alors, comme les autres, on pousse la troisième. Le bouchon de champagne a pété et nous a propulsés vers la liberté.
La troisième nous aime et nous aimons la troisième. Elle sait qu'au fond c'est l'entonnoir, qu'il va falloir se faire sa place. Tels des spermatozoïdes en compétition, on pousse la troisième. Et on sait, et on se dit, et on vit cette poussée de puissance, cette griserie de reproducteur.
Puis, chacun reprend son rang et son rythme. La queue concentrée se guimauve. On a payé et goûté de tout son soûl.
On a poussé la troisième.
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