Longtemps, je n'en ai rien eu à battre. Je militais, même. Ils inventeraient une pilule qui permettrait de bouffer, je la prendrais ! aimais-je dire. J'avais tellement l'impression de perdre mon temps dans ces repas, qu'ils soient ou non à rallonge, ou non à plusieurs, que j'étais quasi devenu anti-bouffe. J'avais tendance de toutes façons à bouffer n'importe quoi n'importe quand. Je faisais régulièrement mon difficile, n'étant pas un aventurier du palais. J'aime avancer en terrain connu.
Cependant, j'ai toujours aimé les "bouffes" entre amis, en famille. Celles avec plusieurs convives, quoi. Longtemps, je ne me suis pas soucié du contenu de l'assiette. Je m'en battais l'aile. Voire c'était le côté chiant du truc. Pour moi, l'heure était à la parole échangée, aux regards connivents, aux explications, aux éclats de rires. De l'humanité en table. On fait le monde, on refait le monde, on se touche des yeux, on se partage ce qu'on est, on se donne, on se prend. On est ensemble. On est réunis.
Ces dernières années, j'ai commencé à évoluer sur mes bases, notant que le contenu de l'assiette avait lui aussi son importance. Observant qu'il fait causer, et de plus en plus. Qualité des produits, provenance des denrées, idées de recettes, propositions de métissages, plaisirs pris, on parle même jardin, des fois. Et confitures. Et bocaux.
Tout cela a à voir avec la convivialité. Et tout cela permet aussi à chacun de se dire, finalement. Un peu comme une personne, passionnée d'oenologie, se révélerait en parlant du breuvage. Un peu comme en racontant ses goûts musicaux, cinématographiques ou littéraires, on parle de soi.
La "bouffe" est un sujet à la mode. Je pense qu'il est mieux qu'une tendance. Car il est un état d'esprit. On y dit quoi, si l'on tend l'oreille ? On dit la vie, on dit la santé, on dit la créativité, on dit le refus d'une société du plastique et du yaourt qui fait 6 000 kilomètres, on dit la solidarité, on dit le moment présent, on dit la curiosité, on dit la passion, on dit le temps de vivre, on dit le naturel de préférence au chimique, on dit le corps et la beauté, on dit sa culture, son origine, ses envies.
Longtemps, cela m'a gavé tout cela. J'y puise de plus en plus satisfaction.
Mieux : on peut aussi beaucoup partager en préparant à plusieurs les plats. Les séances de pluches valent leur pesant d'humanité.
Merci Didier! Tu as les mots qu'il me manquait pour convaincre Claudio! Mais je n'aime toujours pas ce mot "bouffe" qui est à l'encontre de ce que tu décris.
RépondreSupprimerD'après ce que tu dis, la bouffe c'était avant.
Maintenant, c'est devenu quoi?
Cuisine, peut-être, ce mot suggère l'intention, non?
Comme j'ai mauvais esprit, je prends ce billet comme une provocation, une manière de vouloir me faire rentrer dans la discussion ou dans la grande communauté des "bâfreurs" ;-)
RépondreSupprimerBon. je ne rejette pas en bloc ce que tu dis mais je m'y fais pas à ces discours SUR la... nourriture. Une fois que j'ai dis c'est bon, je ne sais plus quoi dire.
Y viendrai-je ? Quand j'aurai ton âge peut-être ;-)
@ MCB : me gêne pas, ce mot, j'ai une grande tendresse pour lui et il n'a pas de connotation négative. D'ailleurs, je l'ai laissé ;-)
RépondreSupprimer@ Claudio : on en recausera :-)