Il y a des après-midi, au boulot, des vies basculent. Des destins, peut-être, s'écrivent. On ne le remarque pas toujours. Parfois, ça saute aux yeux. L'autre jour a fait partie de ceux-là. Deux collègues, deux visages, deux chemins. Et l'instant qui bascule. Leur actualité devient l'actualité. Le fait que ce soit simultané renforce l'impression.
Il est aux alentours de 16 h. Une journée banale, classique prend une tournure inattendue. L'émotion s'invite.
Des émotions. Contradictoires, presque violentes entre elles. Détresse de l'une, bonheur de l'autre.
Elles sont deux. Travaillent dans le même bureau. Dans quelques heures, quelques jours pour elles, tout sera différent.
A ma gauche, CM. Jeune maman, travailleuse, compétente. Son projet : évoluer dans sa carrière, se rapprocher géographiquement de sa famille. Elle occupe une place assez stratégique dans l'immédiat. Sa hiérarchie vit assez mal l'idée de son départ. CM tombe de haut. Elle vient d'apprendre que sa mutation ne serait pas possible pour raison administrative. L'argument, bien sûr, ne tient pas trop. Elle a les larmes aux yeux. Elle a toujours été franche du collier. Ca a manigancé dans les coursives. Elle se sent trahie.
A ma droite, A. Quinquagénaire, elle a roulé sa bosse, avalé des couleuvres, changé de métier. Plusieurs vies avant la prochaine : elle a (enfin ! dit-elle) décidé de se lancer. Elle a pris un congé sans solde et va oser l'aventure artistique. Elle vit ses dernières heures dans cette entreprise où elle a passé une trentaine d'années. Elle est radieuse, soulagée, pressée d'en finir.
Dans le regard de l'une, les larmes à fleur de peau, le choc des valeurs qui valsent dans la tête, l'effondrement d'une vertu qui se nomme confiance, le désir, déjà, du rebond.
Dans le regard de l'autre, à fleur de peau, le plaisir d'y être enfin, le soulagement d'avoir osé et la peur mêlée de cette autre vie appelée de ses voeux, qui a tendu ses bras et qui maintenant ne demande qu'à s'écrire.
Il est aux environs de 17 h maintenant.
On s'y croirait.
RépondreSupprimerA choisir je prends le rôle de l'observateur, celui qui a osé faire le parallèle, voir et sentir.
On pourrait aussi se la faire visionnaire, en imaginant CM et A dans deux ans.
Intéressant.
oui, surtout que souvent me semble-t-il, contrairement aux apparences le "joyeux" d'un jour n'est pas forcément le joyeux de toujours. Et le triste itou.
RépondreSupprimerJ'aimerais avoir cette finesse d'analyse, d'observation et d'écriture. Bravo Didier.
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