lundi 7 mai 2012

Palerme


Quand je dis que certaines personnes vous poursuivent toute votre vie! J'en ai eu encore la preuve cette semaine en croisière. Balade en plein Palerme un 1er mai. Le grand bonheur d'une ville en sommeil, calme, désertée, juste la nuée de croisiéristes comme moi qui, par tous les moyens disponibles, visitent cette ville extraordinaire. Bus ouvert, calèche, taxi ou à pieds. Pour nous ce fut le bus deux étages, puis les pieds parce qu'il n'y a que comme ça qu'on s'en imprègne. La ville a une archi assez incroyable, un anarchique mélange de constructions fascistes, sévères et austères et de bâtiments ornés d'arabesques et d'éléments de décoration rappelant une période belle époque. Au grand dâme de la majorité des visiteurs, la ville est restée dans son jus. Ici dans le sud, très sud de l'Italie, puisque nous sommes en Sicile; on se sent bien plus au sud, peut être au Maghreb, peut être même en Asie parfois. Les rues sont sales, étroites, la lumière y passe difficilement, mais en cette fin d'après midi, quand elle arrive à y passer, elle m'enchante. Suis-je la seule à voir de la beauté dans cette citée pittoresque? Ce cliché de l'Italie du Sud? Les façades noires, les cris dans la rue, le linge qui sèche au balcon, les vespas qui foncent dans les ruelles sinueuses? Le bus nous a fait découvrir un ensemble qui m'a ravi. C'est dingue comme quand on prend de la hauteur, on découvre autrement les choses! Les détails des façades, une vue d'ensemble… Ca et là, en ce 1er mai, les BBQ fument au détour des rues, des parcs, devant les églises. Mélange de générations.

La Politique s'affiche sur les palissades, un peu plus anarchiquement que chez nous, des couches sur des couches et au milieu de toute cette propagande, forcément une affiche me fait de l'oeil! Mazette! Monsieur Orlando est passé par là! Je souris! Et j'immortalise, évidement.
Le bus continue sa tournée. Les quartiers sont tous plus attrayants (pour ma vision de photographe) les uns que les autres. J'y trouve la beauté, là où les autres vont y voir délabrement et abandon. J'essaye de repérer, note sur ma carte, tout en sachant pertinemment que le temps qui nous est imparti sur cette ville ne me laissera pas la possibilité d'y revenir.. et pourtant… Je photographie mentalement tout ça, tant pis, pas de partage, et ça me frustre. Et puis soyons franche, mon manque de sens de l'orientation m'empêche de trop m'éloigner. Habituellement ma boussole, c'est mon mari. Là, je suis seule. J'essaye de garder en mémoire la direction de la mer, car le navire a fait escale, presque en pleine ville. Ma fille fatiguée rentre au bateau, je lui fais confiance, d'où je la laisse, je vois le bateau tout au bout de la rue entre 2 bâtiments et je me laisse perdre dans ce dédale de rues. J'essaye de retrouver ces endroits traversés par le bus, mais sans trop m'éloigner… je regarde ma montre, le temps file, pour sure je n'aurais pas le temps de voir tout et ça me gache le plaisir. Je flâne le nez au vent, mon appareil en bandoulière, à chaque tournant, c'est un nouveau sourire, la lumière se fait belle, plus rasante, celle que j'affectionne particulièrement. Je regarde mon "Today", programme papier journalier que l'on reçoit la veille au soir dans sa cabine et qui donne toutes les infos à bord du lendemain, ainsi que les horaires de l'arrivée au port et de l'appareillage. Le "Tous à bord" m'indique 18h30. Il est 18h15, je ne veux pas me louper… je jette un dernier coup d'oeil à cet univers si mystérieux et curieusement calme (à cause de la date)… La ville est entrain de se réveiller, les Palermois se réapproprient leur chez soit, la circulation s'intensifie tandis que je regagne le bateau le coeur un peu serré mais avec une franche envie d'y retourner en individuelle, de goûter à la vraie Palerme, agitée par le bruit, les klaxonnes, les marchés colorés... Tout ici sent l'histoire, le souffre, pas spécialement les comtes de fées, justement c'est ce que j'aime! Je remonte à bord. M'instale sur un transat histoire d'attendre 19h, le départ du bateau. Je monterai sur le pont pour le voir quitter la ville. Face à moi, un type, plutôt grand, barbu, poivre et sel, une gueule bien sympathique masse avec douceur les épaules et le cou d'une femme d'un certain âge en maillot 1 pièce assise sur une chaise devant lui. Je l'observe. Il a son badge Costa. Ca dure 5 mn. puis une plus jeune, franchement plus jeune, qui pourrait être ma fille. J'imagine qu'il essaye de vendre ainsi ses services. Hmmm. Un bon massage, ça doit faire du bien. Il est 18h50, je vais rejoindre le pont supérieur, je ne veux pas louper l'appareillage. En plus la lumière est particulière, c'est nuageux, mais pas trop. Tout un programme pour mon appareil. Je passe devant Monsieur le masseur qui vient de se libérer. Il me parle en Italien, me demande si je suis Italienne. Non Française. Me propose de prendre 2 mn pour me faire masser la nuque. Ah, les Italiens quand ils vous parlent Français…. Parait que les Françaises quand elles parlent une autre langue, c'est la même chose.. un quelque chose de "So sexy!". Je décide de mettre fin à son calvaire.. et lui dis en italien que si il veut me parler Italien, je comprends très bien. Il se sent délivré et me remercie. Son visage s'est illuminé…. Ses mains se promènent sur ma nuque, mes trapèzes, mes omoplates qu'il enfonce sur certains points "C'est douloureux ici?" Non… Je crois qu'il a décidé que je devais avoir mal quelque part, alors il essaye autre part "Et là?"… Il est si sympathique que je vais lui faire plaisir "Oui, un peu plus ici".. Il semble satisfait. J'aimerais qu'il n'arrête pas car mine de rien, c'est bon! Puisque ça ne fait pas mal! Mais le départ du bateau approche et il est là pour juste hameçonner ses proies, donner envie d'être massé dans un environnement plus propice, loin des gamins qui hurlent autour de la piscine, des hauts parleurs qui crachent leur musique, leurs annonces diverses et multilingues! Il s'agenouille à ma hauteur. Me dit que pour moi, ce qu'il préconise serait ou un traitement aux pierres chaudes, pour évacuer toutes les tensions qu'il ressent en moi… mais…. il a ressenti que j'étais quelqu'un de très tactile et qui avait besoin de contact, alors voilà, ce qui me conviendrait le mieux serait du Shiatsu, ou un massage aux huiles chaudes… Et tout ça pour la modique somme de 89 euros! Je ne tousse pas, mais presque… Je crois qu'il a compris… alors, il me propose un deal… Prendre le dernier rendez vous de la journée, 21h30, de payer le massage d'une demie heure à 59 euros et dans ce cas, c'est lui qui ferme l'institut à 22h normalement, donc personne ne verra qu'en fait, le massage durera 1h. Mais bien évidement, il ne le propose jamais, c'est un cadeau qu'il veut me faire car il sent que j'en ai besoin et que ça passe bien….. Il me propose de réfléchir et de venir prendre rendez vous quand j'en ai envie…. de le demander… et sur ce, il me tend la main et me dis "Quand tu viens prendre rendez vous, tu demandes Claudio, c'est moi"…. Je ne crois pas qu'il ait compris la raison de mon sourire jusqu'aux oreilles… Il a du penser "C'est dans la poche"… A ce moment là, je me disais "La boucle est bouclée!


2 commentaires:

  1. Je ne sais que dire. "La boucle est bouclée" du nom jusqu'au prénom, en passant par le poivre, le sel et le massage. Trop complice ce récit ;-)
    On ôtera quand même de la comparaison le sens des affaires et l'esprit entreprenant du siciliano.
    Touché par : "certaines personnes vous poursuivent toute votre vie!" C'est pas rien toute une vie. Surtout quand on est jeune.

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  2. Vous êtes très particulière comme personne. Votre œil d'artiste vous guide dans tout ce que vous faites on dirait. Je pense que c'est tout à fait fascinant. Personnellement, je pense que je serais comme ces gens sans talents qui voient la beauté là où vous voyez quelque chose d'effrayant.

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