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vendredi 2 décembre 2011

Solange

Solange avait, depuis peu, la soixantaine adolescente. Pas de ces retours de jeunesse assumés. Non. Plutôt une excitation inconsciente et effrénée vers des limites toujours repoussées.
Exprimé comme un rattrapage de temps perdu, sans doute alimenté par une mode du "s'occuper de soi" déclinée sur papier glacé ou écrans de télé-raccoleuse, le changement de vie de Solange dépassait le ridicule.
Récupérer un deuxième prénom jadis haï, le placer devant le sien, écraser le tout, pour présenter une Marisol toute neuve, prouve la créativité dont on est capable lorsqu'on veut faire table rase du passé.
La répprobation de ses proches, amis, voisins et enfants même, n'eût jamais aucun effet sur les divagations de Marisol. Aucune menace sous-jacente, chantage explicite ou affrontement direct n'ont pu arrêter la tornade grisonnante. Il fallait faire avec. Pas par respect des choix des autres, mais par impossibilité à expliquer rationnellement des comportements irrationnels. Deux plans aussi parallèles ne se rencontreront jamais.
Mais, c'est la morale qui parle et la morale est, non seulement subjective, mais emmerdeuse et castratrice. Exit la morale ! Marisol s'en tape. Marisol n'est plus Solange et ses valeurs ont changé de bord.

Quelqu'un qui manquerait d'informations verrait dans le personnage une cougar dévoreuse, une ogresse épicurienne ou une pétasse extravagante. Pas du tout ! Marisol se libère et pète les plombs dans "l'air de son temps". Adepte des camps de naturisme et des chemins de grande randonnée, elle s'éclate Bio griffée Vieux-Campeur, elle s'envoie en l'air aux antipodes dès qu'un forfait tout compris attire sa souris d'ordinateur, elle se goinfre au guide Michelin et se ruine en chevaux de course ou sous le capot en exprimant sa simplicité. Son compte en banque de baby-boomeuse lui permet ses excès et son troisième veuvage nous permet nos suspicions.
Poussée par la peur de manquer de temps pour tout claquer, elle vit à cent à l'heure et n'oublie jamais de prouver son affection par des cadeaux hors de prix.
Ses choix humanitaires et autres convictions tiermondistes ont vécu. C'était la vie d'une autre. Ne lui en parlez pas, son ardoise magique a tout effacé un matin d'hiver, au retour d'un cimetière.
Elle venait d'enterrer sa dernière chaîne, sa dernière attache : Une mère adorée partie à son heure. Plus rien ne retenait Solange d'exploser sans scrupules. Le passé passé, la ligne d'arrivée inconnue, son destin en mains, elle décida ce matin-là du sprint final. Elle y mit, sans le savoir, quelques formes et qualifia sa fuite en avant d'hédonisme responsable.
Le tour était joué. Les jugements seraient jalousie et les critiques mesquinerie.
Marisol vit la vie de Marisol plus courte que celle Solange et elle le sait. Alors, jugeons, moralisons, agaçons-nous, fuyons même, elle s'en fout comme de sa première Solange, demain elle a rendez-vous avec son chirurgien esthétique, celui qu'elle a rencontré dans un trek en Tanzanie l'été dernier.

vendredi 26 août 2011

C’est encore le mois d’août


Un coup d’œil vers l’abri-bus, tout va bien ! Les visages connus de ces inconnus de la semaine m’indiquent que je suis à l’heure.
Ils sont reposés, l’habit est décontracté, chacun semble encore dans ses rêves de la nuit passée. Le silence n’est pas rompu par des voitures qui doivent être ailleurs sur les routes de France.
Je fais quelques pas et malgré moi pose mes pas sur la piste cyclable. Gring gring , juste le temps de me pousser pour voir passer - le mollet alerte- une silhouette connue. Monsieur le Maire est déjà loin…. Tiens, la fille sans bas nylon traverse la route, le bus ne devrait pas tarder.
Un coup d’œil sur les panneaux « déco » me confirment que ce temps hors du temps ne va pas durer : « C’est la rentrée » est-il écrit sur la publicité !
Sans doute mais ici, nous n’en aurons que lundi le ressenti
Voilà, quelques minutes ont suffit pour passer de Cagnes aux portes de Nice par l’ex nationale 7. Confortablement assis, j’ai rédigé sur un post-it ces quelques lignes et en ai oublié mon livre de poche. Bachelard attendra ce soir pour me livrer quelques secrets de sa philosophie et je peux profiter d’ "eau et de rêves" ,encore un peu en traversant le Var.
J’ai le temps, même les débriefes du matin sont décalés….
C’est encore, pour peu de temps le mois d’août dans la ville.

jeudi 14 juillet 2011

Elles étaient de ces femmes...

Elle était de ces femmes, rares, dont les yeux et le regard sont de la même trempe. S'ils ne trichent pas, elle ne triche pas. Qu'ils vous déshabillent et elle vous déshabille. Vous avez rendu les armes avant même de vous rendre compte que le combat avait commencé. Victime consentante, vous êtes pétrifié. Qu'elle vous aime ou qu'elle vous tue, vous l'acceptez. Mais le plus probable est qu'elle vous aime puis qu'elle vous tue. Rien à faire. Passif, c'est déjà un rôle trop téméraire pour vous. Ne faites rien, ne dites rien et surtout ne vous en rendez pas compte.

Elle était de ces femmes, pas si rares, qui font dix ans de moins que leur âge. Et qui le revendiquent silencieusement. C'est la poitrine qui pose la question, le menton qui défie, l'épaule qui harponne le compliment. Compliment qui ne pourra pas vous échapper, il est téléguidé, aspiré, réclamé, exigé avant toute chose. Grand seigneur vous le lâchez. Mais grand observateur, vous savez. Vous savez que si elle fait dix ans de moins, c'est bien qu'elle en a dix de plus. Vous prenez de la marge et en ôtez encore trois. L'honnêteté devrait vous obliger à dire "Madame, vous faites 35 ans et vous en avez donc 48". Mais si toutes les vérités sont bonnes à dire, elles ne sont pas toutes bonnes à entendre.

Elle était de ces femmes, rares, qui n'ont pas à apprendre le sérieux. C'est ancré. C'est acquis. Pas par je ne sais quel bourrage de crâne ou morale frustrante. Pas plus par un travail en amont long et pénible de marche dans les clous. Non, c'est ainsi. Si l'estime de soi se cherche et se construit, le respect de soi est, pour elles, constituant. C'est un domaine où aucun effort n'est nécessaire pour faire coller comportements et valeurs, même dans un accès de folie.

Elle était de ces femmes, pas si rares, qui savent où elles vont mais n'en sont pas conscientes. Leurs doutes les envahissent au présent mais les construisent au fond. Plus tard, on dira d'elles, qu'elles savent mener leur barque. Laissant sa chance à la chance à laquelle elles ne croient pas, elles finissent par tirer le bon numéro. Patience et confiance n'ont pas suffi mais leur étaient indispensables.

mardi 28 juin 2011

PASSAGE PROTÉGÉ


Ils ont.. oh, bien plus que moi, bien plus que vous, bien plus que 80 ans et sont toujours là. Lui c'est Claude, elle c'est ...elle... Je réalise que je ne connais pas son prénom.
Ils habitent leur 3 pièces coquet dans un immeubles des années 70.
Le matin, ils peuvent accueillir le soleil qui se lève sur la mer, et vérifier la ponctualité des trains. Ce n'est pas au choix, c'est un package : vue mer + vue rails.
La mer, ils l'apprécient même si la tente jaune est souvent baissée à l'arrivée des beaux jours.
Vue du haut, on la devine un peu usée, passée, mais toujours prête à protéger des rayons et de la chaleur quand ces derniers entrent de plein fouet dans leur chez eux rustique aux pièces un peu petites.
Petites mais c'est suffisant quand on à cet âge.

Jadis il y eut un chien qui habitait ce premier étage.
A l'heure où les films se finissaient, à l'heure ou j'allais récupérer mon linge dans le sèche linge, je voyais Claude sortir le toutou et rejoindre ses copains, ceux à qui la corvée du pipi incombait. J'imagine que Madame, elle, se préparait à se mettre au lit. Nous les femmes nous sommes toujours plus longues, le cérémonial du coucher prend toujours beaucoup plus de temps, alors Madame prenait de l'avance, pour que l'arrivée soit synchro...

Dès le printemps, si vous vous premeniez du côté du port, à coup sur vous croisiez Claude et sa dame entrain de siroter un verre à l'ombre d'un parasol. Lui un peu rustre, elle le "Bonjour Madame" toujours poli, souriant.
Il y eut bien des fois ou je me suis dit en rencontrant Claude, l'air renfrogné et le bonjour du bout des lèvres "Il a encore apprécié la crise de la petite... On a quand même la chance d'avoir des voisins sympas".
Claude, un brin sourdingue, vint pourtant un lendemain de fête s'excuser d'avoir frappé au plafond pour nous faire taire.. Il avait été excédé.
Pour le coup, c'est nous qui avions été sourds. Ses coups de balais, jamais nous ne les avons entendus.. pourtant il était tout penaud..et c'est en grand Prince, que d'un geste de la main, mon homme lui fit comprendre qu'on ne lui en tiendrait pas rigueur "Va je ne te hais point..."
Sale jeunes que nous étions.

Au 1er étage, ils prenaient toujours l'ascenseur mais quand nous arrivions ensemble devant la porte de l'élévateur, Madame me disait "Allez y, vous êtes chargée, et puis vous êtes au deuxième, et puis on a tout notre temps, on est à la retraite..".

Sa voix a lui est bourrue, sa voix à elle est chevrotante... Sous ses rides fines de peau très pale, on devine une beauté jadis bien réelle.
Sa carrure à lui est athlétique, tandis qu'elle est petite et menue, toujours bien mise, joliment coiffée....

Mais tout ça c'était avant, avant qu'un beau jour, ils décident de traverser sur un passage protégé, ce même jour où un motard semble pressé et oublie que comme son nom l'indique, les traits blancs sur la route sont là pour protéger le piéton.
C'est Claude qui va tout prendre pour protéger sa dame... Elle, ne serait plus là si...
Les semaines de convalescence succèdent aux jours interminables d'hôpital.
Madame prend toujours l'ascenseur, mais seule. Le chien n'est plus là. Son sourire est déjà moins flagrant. Sa voix est moins enjouée et sans doute plus chevrotante. Encore plus.

Et puis Claude rentre un beau jour. Claude est l'ombre de lui même. Cet ancien prof de sport est décharné, maigre. La canne prend la relève du déambulateur . Il se renfrogne de plus en plus. Lui arracher un sourire, est devenu mission impossible. La TV est de plus en plus forte et de plus en plus allumée. Du matin au soir.
La sortie journalière s'est considérablement raccourcie. Dans le meilleur des cas, c'est la place, quand ce n'est pas un tour sur le parking.. "Par ce que le docteur a dit qu'il fallait marcher".
Depuis la mort de la centenaire, ils sont sans conteste les plus vieux de l'immeuble.
A l'époque, les croiser dans les escaliers ou dans l'entrée, c'était prendre le risque de s'entendre dire "Ah, la petite elle n'était pas contente ce matin"...Honteux, juste un oui inaudible la tête baissée, c'était notre réponse... depuis l'accident, c'est l'angoisse de le voir dépérir un peu plus chaque jour.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, l'autre jour c'est Madame qui est partie en ambulance. Claude est resté seul, puis son fils de 60 ans passé, vieux garçon gendarme (de cause à effet?) est venu passer du temps avec son père.
Oh, c'est rien des problèmes de vieux, la santé qui fout le camp....Ca c'est ce que Claude dit. C'est une tumeur au cerveau, ça c'est ce qu'en disent les médecins, et le fils.
Mais il vaut mieux que Claude l'ignore. Ca n'arrangerait pas les choses.
La télé hurle toujours, mais plus d'éclats de voix, ils ne s'engueulent plus. Avec qui voudriez vous qu'il s'engueule ce pauvre Claude, avec son fils?

Et puis ce soir, il est 18h30, le linge m'attend dans la machine, il attend le transfère vers le sèche linge. Je me penche au balcon et je vois sa grand silhouette toute voûtée, sa casquette sur la tête. D'une main il tient sa canne, de l'autre.. ça ressemble à une housse de boules de pétanques... Mais je doute... pourtant.
Soudain j'entends cette voix chevrotante, familière "Allez, profite...".
Ca vient de dessous. Il se tourne et me regarde. Son regard est dur, presque accusateur. ET puis "ouh ouh, là, c'est moi.. allez, profite bien, amuse toi et ne t'inquiète pas, je vais bien".
Son regard ne s'est pas adouci, mais il l'a a du la voir, celle qui vient de lui parler. Il tourne les épaules et reprend son chemin. Il semble si vulnérable à présent.
J'ai un noeud dans la gorge.
Elle est rentrée, mais pour combien de temps?
Claude semble vraiment très fatigué.
Sa voix a elle est calme et rassurante, à la façon d'une mère qui parlerait à son enfant.
Son pas à lui est hésitant, mal assuré... Il s'éloigne. Je le vois disparaître à travers les feuillages des arbres touffus du boulevard.

Toute une vie à partager, à s'aimer, à se querelle, à vivre quoi! Et arriver comme ça, sur la fin.. à devoir se cacher des choses, pour tenir, pour protéger.

Une vie qui bascule, sur un passage protégé.. qu'elle ironie ......et c'est le début de la fin....

mercredi 20 avril 2011

La dame aux Haribo

Elle s'est assise là, au milieu du passage, au soleil. Les ombres de la structure moderne du musée lui font une cage ouverte. Elle ne peut pas être mieux.
De loin, je suis le manège. Elle parcourt la brochure de l'exposition en cours et, dès qu'un visiteur approche, elle replie ses jambes pour les étirer aussitôt. Elle est passage à niveau automatisé et vérin électrique plutôt raffiné.
Ma position d'observateur ne dure pas. Je m'approche et hop, c'est marée basse, les genoux remontent au menton et c'est tapis rouge pour mon passage. Je suis Charlton Heston ouvrant les eaux de la Mer Rouge.
- Vous êtes bien, là.
- On ne peut pas être mieux, répond le sourire.
Le regard fixe et assuré ne me quitte plus. Et c'est sans un mot, qu'elle me tend un sachet de bonbons Haribo. Je ne suis pas très sucre, mais le geste a du charme et il convient de récompenser l'audace.
- Partageons.
Et la voilà qui découpe un bâton de réglisse fourré d'une chimie jaune vif, de ses longs doigts avec une délicatesse envoûtante.
- Je viens ici toutes les semaines. Mais parfois je me mets en face.
- Je n'aurai donc pas d'excuses si je ne vous retrouve pas.
- Aucune.
Elle ne lit pas la brochure du musée. Cette dernière sert de couverture, dans les deux sens du terme, à une lecture plus intéressante et plus suggestive. Elle lit "L'art de jouir". L'art dans un musée, c'est cohérent. Jouir, c'est engageant.
- De Michel Onfray ? demandé-je.
Elle ne connait pas Onfray. Mauvais point pour la dame.
Elle lit "L'art de jouir" de La Mettrie. Ça fera l'affaire.
C'est le moment que choisit l'employé du musée pour signifier virilement aux derniers visiteurs que l'heure de la fermeture a sonné.
Nous prenons congé, certains que la providence et les informations adroitement distillées, permettront de faire se chevaucher de nouveau nos cheminements personnels.
Je la croise encore sur l'esplanade, plantée au milieu d'autres statues, épaules et jambes ouvertes, accueillant le soleil et posant pour les passants. Mon sourire lointain ne lui suffit pas. C'est au passage piétons suivant qu'elle s'approche de nouveau.
- Vous prenez le tram ? Moi aussi.
- Non, non, je rentre à pied, dis-je.
Le volte-face est si rapide que le déplacement d'air me décoiffe. Sans doute est-elle vexée de ne pas avoir mis en pratique sur le champ les théories de l'Art de jouir, malgré la grosse cavalerie lancée à l'assaut du promeneur solitaire.
Il faudra sans doute que je retourne voir cette expo.

vendredi 25 mars 2011

La fille aux bas-crayon

Elle pouvait pas attendre le bus ailleurs celle-là ? La voilà à me narguer sans me faire face. Je sens bien qu'elle prend plaisir à me montrer ses jambes de dos. Je vois bien qu'elle se moque de mes quatre-vingt-dix berges. Oh, elle n'a rien inventé avec ses coutures pour flatter ses gambettes. J'ai eu les mêmes moi aussi. Mais bien moins cher, ma p'tite. Un coup de crayon de haut en bas et l'effet était le même, le plaisir du stratagème en plus.

Aujourd'hui, ses jambes à elle sont plus proches de mes béquilles que de mes boursouflures et vergetures. "Le temps efface tout" me disait ma mère. Tu parles ! Des belles conneries tout ça, oui. Mais, j'ai encore ma tête et c'est pas une pimbèche à l'imper court qui va m'impressionner.

N'empêche, elle me fout en rogne à réveiller le passé.


C'était la Marcelle qui me dessinait les traits au crayon épais. Elle était douée. Toujours droit et sans jamais me chatouiller. Du coup, c'est moi qui récoltais les fruits de son talent. Mais c'est du malheur qu'elle me dessinait.

Klaus craqua vite sur les faux-bas jamais filés. Et la Marguerite ne se fit pas prier pour se laisser effeuiller. Aujourd'hui, je ne suis qu'une vieille tige fanée qui attend le bus pour l'hôpital, mais, à l'époque, j'en ai fait tourner des képis et celui de Klaus était le plus raffiné de tous. Foutue vie ! Et si j'attendais plutôt le bus du cimetière ? Aller simple et plus de souvenirs à vous rebouffer les intestins du cerveau.

Ces bas-crayon m'ont fait plus de mal que de bien. Madame Klaus et le débarquement des alliés eurent raison de mes plaisirs furtifs et coupables. Je me retrouvai un matin ensoleillé, Place des Victoires sur une chaise de paille, honteuse, vaincue, et rasée. La foule criait de joie au sacrifice. Les moutons se vengeaient, c'était leur tour de tondre. Quelques crachats plus tard, je tombai au sol, prise d'un dégoût des humains, définitif.

Je sus le lendemain, que j'étais grosse d'une petite batârde que j'élevai sans aimer. Jamais. Elle partit le jour de ses 21 ans vers un ailleurs et elle eut bien raison. J'étais horrible.


Alors c'est pas cette garce à talons hauts qui va m'amadouer, je suis une teigne et je le resterai. Ca se trouve, c'est ma petite fille cette grue. Ferait mieux de s'habiller autrement si elle veut pas qu'un beau salopard lui foute sa vie en l'air en pas plus de temps que celui d'une galipette.

Fait chier la vie ! Ah si j'avais pu gommer le coup de crayon de la Marcelle ! Mais, impossible, c'est la mort qui efface tout, j'vous l'dis moi. Y'a qu'à attendre ; ça vient pas toujours vite, mais ça viendra. Pendant ce temps-là, faudra se farcir des laboureuses de poisse qui attendent le bus en vous tournant le dos. Un petit coup de volant vers le trottoir, ce serait beaucoup vous demander, Monsieur le chauffeur ?


(Photo d'illustration : Louis-Paul Fallot)

jeudi 10 mars 2011

A vos ordres ! La dictature de l'excellence.

Elle est plutôt belle. Brune, les cheveux longs, le port altier, le regard condescendant. Un quelque chose d'effrayant et de sadique aussi. Elle est intelligente. Disons au minimum, qu'elle est cultivée et qu'elle a beaucoup travaillé (et c'est peu dire) pour en arriver là. Professeure dans une prestigieuse université des Etats-Unis ! C'est pas le roupie de sansonnet, ça !

Elle a épousé un américain. Un gentil américain. Le genre attentif, à l'écoute des autres, sensible. Elle a deux enfants. Deux filles.

Comme souvent, Madame a eu le dernier mot. C'est bien connu et mal admis par la gente masculine. Dans son fort intérieur l'homme sait que Madame dispose, décide, choisit et oriente la vie de la maisonnée. Mais attention entre mâles, on n'en pipe mot. Faut pas déconner quand même ! Combien d'hommes ayant épousé une autre femme que la leur, auraient eue une vie radicalement différente de leur vie actuelle. Combien auraient été bourreaux de travail et sont fonctionnaires pépères, combien auraient eu un chien et ont 4 enfants, combien iraient aux sports d'hiver et vont à la mer, combien auraient une grosse Mercedes et ont un monospace, combien ne prendraient pas de vacances et y sont contraints, combien se la joueraient routards et baroudent dans leur salon.

Elle est professeure à l'Université. Pas petit prof de collège de quartier. C'est un bourreau de travail. Elle a soutenu sa thèse après des années de travail acharné entre recherche, rédaction de sa thèse et maternités.

Ne lui parlait pas d'Amour maternelle, de douceur, de présence douce et aimante, ne lui parlait pas de dormir avec son petit qui pleure la nuit, ne lui dites pas de consoler un enfant triste ou d'écouter sa frustration. Balivernes, fumisteries, racontars de hippies attardés. N'allait pas lui parler d'estime de soi, de confiance, d'encouragement, de communication, d'écoute, de bienveillance. Mièvrerie que tout cela.

Elle a pour habitude de tout mener de main de maître. Elle ne s'autorise aucune faille, aucune défaillance, aucun repos. Elle doit exceller. Elle est l'élite. Son peuple, dit-elle, est l'élite.

Pour être le meilleur, pour être compétitif, il ne faut pas faire dans le sentiment. Pas question de s'écouter. Il faut avancer, toujours, droit devant. Écraser quelques pieds fait partie du jeu. Alors écrasons ! Elle rouleau compresse tout sur son passage. Tout sans aucune exception. La chair de sa chair en premier lieu.

Pour les éduquer, elle abaisse, insulte, menace, punit, dresse, juge, écrase, vocifère, terrorise. Elle choisit, régente, ordonne, impose, décide, dictature.

Sa méthode d'éducation vise la perfection absolue. Être « the best » dans cette jungle qu'est notre monde. Dieu n'a qu'à bien se tenir. Pour que le peuple américain, ce peuple médiocre et décadent, reprenne le droit chemin, Madame a écrit un livre de conseils éducatifs.


lundi 7 février 2011

Mémoire

Il reste quoi de la mémoire ? Mystère !
Des miettes qui jonchent son sol, dont on ne sait pas toujours que faire, dont on s'accommode parfois, et qui curieusement résistent avec force à l'aspirateur.
On ne les voit pas.
D'autres fois, elles sont incrustées dans le parquet.
Elles sont là.

dimanche 2 janvier 2011

Le billet de 18 h 20

Ceci est une lettre.

J'aimerais d'abord l'adresser à mes proches, leur dire combien je les aime, leur dire comme je suis conscient, souvent, de ne pas assez le dire et de ne pas suffisamment le montrer. Qu'ils sachent que je travaille pour briser autant que faire se peut l'armure, car il est des armures, ce n'est pas parce qu'on les porte qu'on les aime. Qu'on les revendique. Il est des habits dont on met plus de temps que prévu à se débarrasser. Je m'y emploie, je vous le promets.

J'aimerais ensuite adresser cette lettre à vous, internautes qui passez par là, habitués ou simplement de passage. Pour vous remercier, d'abord. Mais aussi pour vous enguirlander un tantinet. Vous remercier de passer, de vous arrêter, de relayer. Ce n'est pas évident tellement le flux de sollicitations sur le net ne rend pas toujours navigable le surf. Vous enguirlander, aussi, de ne pas toujours suffisamment oser l'expression.
On n'a pas toujours des choses à dire, c'est clair. Mais on n'ose pas toujours s'exprimer, et ça, c'est dommage. Moins bien. Moins satisfaisant. Essayez, doucement, d'abord, avec plus d'assurance, ensuite. Vous verrez. Ca ne fait pas mal et c'est bon de partager, de donner de soi, d'en prendre le risque.
Je fais le pari que dans votre vie de tous les jours, ça vous aidera aussi.

J'aimerais également adresser une partie de cette lettre à toutes celles et ceux qui ne sont pas bien dans leurs vies. J'en connais. J'imagine qu'il en est d'autres. Ô, je ne vous ferai pas de discours. Je ne vous engagerai pas à utiliser telle ou telle recette. Non. Je voudrais simplement vous encourager. Vous proposer d'entendre aussi les petites voix qui vous font rêver, pleurer, rire, vibrer. Vous dire que vous n'êtes pas seuls. Vous dire que ce n'est pas forcément fatalité, cette vie-là. Des choses peuvent bouger, ce sera sans doute moins difficile que ce que vous croyez, il vous faudra juste vous en convaincre, vous, d'abord. Le reste suivra, je vous en fiche mon billet. Je sais que vous êtes nombreux à ne pas toujours pouvoir accepter les choses telles qu'elles sont, et je ne vous donnerai pas tort, parce qu'entre deux, c'est sûr, on préfère e qui est moins laid, moins rude, moins souffrant. Mais si en terme de fonctionnement, cela peut avoir son sens et même son utilité, en terme d'investissement, ce n'est pas forcément de bonne augure.Pensez-y, un peu.

J'aimerais enfin adresser cette lettre à ceux qui, à des degrés divers, sont censés diriger. Des pays, des ministères, des collectivités, des entreprises, des associations. Ainsi qu'à ceux qui sont censés informer. J'écris censés parce que c'est souvent assez insensé, ce que vous donnez à voir, à entendre, à comprendre. Je me permets juste un conseil, ce n'est pas grand chose, vous verrez :
Gens de pouvoir, pouvez ! Gens de médias, médiatisez !
Mais de grâce, de grâce, arrêtez de vous penser au-dessus, arrêtez, aussi, de fuir vos responsabilités, arrêtez de penser à vous d'abord. Vous ne nous ferez jamais croire que le votre monde est le monde, que votre réalité est la réalité. Pensez peut-être un plus à demain comme une chance, aux femmes et aux hommes comme des richesses, aux jeunes, aux anciens, aux différents comme des cadeaux. Pensez aussi davantage à la nature non comme une matière qu'on adapte à nos désirs mais comme une amie à qui l'on doit liberté, égalité, fraternité. Ce n'est pas politesse, que je vous demande là, que je nous demande là, mais intelligence, bon sens.

lundi 13 décembre 2010

Un bon plan

Elle lâcha le plan de la ville comme on lâchait son mouchoir autrefois.
C'est du moins ce qui vint à l'esprit de François lorsqu'il se pencha pour le ramasser. Il lui tendit l'imprimé et répondit à son sourire avant de reprendre son chemin. Un millième de seconde de remords lui fit tourner la tête en arrière. Il n'aurait pas aimé que son attitude sérieuse et détachée passât pour de la goujaterie.
Mais, ce fut le quart de tour de trop.
Le soleil en profita pour éclairer le visage de la dame au moment où les rondes et hautes pommettes trahissaient l'émotion. La parole vint au secours et marmonna un charmant Merci au r effacé.
C'était fini. Le François était pris au piège. Le Français s'éprit de la belle Anglaise.
Il leur fallu combler ce silence épais, gênant et explicite. Il proposa de l'aide. Et le plan touristique devint rendez-vous des yeux. Comme toutes les femmes, elle tourna le plan pour l'orienter dans le sens de la géographie. C'est pas gagné pensa-t-il, c'est international ce truc !
Il baragouina quelques mots scolaires et n'alla pas plus loin que church, way, town et street. Sa maladresse était palpable et peut-être séduisante. Devoir accompli et chamade enfouie, François salua et se promit de filer droit.
Au feu, le petit bonhomme rouge c'était lui, bouillant, figé, tendu. Mais avant qu'il ne devienne vert, il entendit dans son dos, My name is Diana.
Foutu ! Il était foutu.
Obligé d'en voir plus, d'en savoir plus, il détailla la touriste comme on caresse un coucher de soleil, lentement, délicatement. La trentaine avancée, un mufle aurait dit qu'elle était mignonne. La vérité dit qu'elle est très, très belle. La simplicité structurelle et la beauté définitive ne faisaient qu'une ; une puissance que seuls les cœurs purs décèlent. Les autres passent et n'entendent que ce qui sonne creux.
La princesse n'était pas un hasard mais le cadeau de sa vie, sa recherche du Graal s'arrêtait là, sur un trottoir, devant une église. C'est un bon plan pensa-t-il en baissant la tête sur les mains qui tenaient toujours l'objet. Alors, il décida de se rendre. Il lui prit la main sans la lui demander. C'était son jour de naissance.
Un pas sur le passage protégé alors que le petit bonhomme était redevenu rouge valut à François une mort soudaine et heureuse. Les roues du car de touristes britanniques imprimèrent sans effort une histoire d'amour éphémère sur un bitume clouté, place de l'Île-de-Beauté.
L’Anglaise garda sa main dans la sienne quelques secondes, puis décida de prendre le large et le deuil.

lundi 1 novembre 2010

Le nouveau continent

Après demain, il sera dans l'autre vie et s'il n'y pense pas encore trop, il ne pense qu'à cela.
30 ans d'une vie, et puis après-demain qui viendra au petit matin enclencher 30 ans d'une autre vie, peut-être 40 ans, même, qui sait. Après-demain, il en aura terminé et autre chose pourra commencer.
Il dit ne pas s'inquiéter. Il a envie de s'intéresser à tellement de choses !
Il dit vouloir prendre son temps et l'on sent bien que ce temps, ce temps qu'il va pouvoir prendre, ce temps qu'il va pouvoir posséder, croit-il, c'est le luxe qu'il s'offre. Le cadeau qu'il se fait.
Après demain, il met le cap sur un nouvel océan, vers un nouveau continent. Son nom : possible.
Cela fait quelques semaines maintenant qu'il se vautre dans les mille et un sens du mot possible. Il en fait récitation. Ripaille. Les yeux rient. Les dents claquent. Les mains massent. Les pieds piaffent.
Possible : Qui remplit les conditions nécessaires pour être, exister, se produire sans que cela implique une réalisation effective ou que l'on sache si cette réalisation a été, est ou sera effective. 
Possible : Qui peut être, exister, se produire; faisable, réalisable. Que l'on peut faire, exécuter, réaliser. Qui répond à ce que l'on en attend; qui est acceptable, convenable, supportable. 
Possible : qui existe en puissance; potentiel, virtuel. Qui a quelques chances de se produire ou de se faire sans que l'on sache si et quand cela se produira ou se fera. Qui a des chances d'être ou de devenir tel. 
Choses possibles; potentialités, virtualités. Ce qui a quelques chances d'être ou de se produire sans que l'on ait de certitude à ce sujet.
Il se délecte. Il imagine la plume qui voletille dans les airs et qui prend son temps avant de s'installer sur le sol. Il la voit aller de gauche et de droite, en douceur. Il n'est pas sûr qu'elle tombe, d'ailleurs. Elle vole.
Il l'a longtemps aimé ce mot, possible. Il en a fait son quotidien, son continent, son carrefour, son champion. Voilà que après-demain, il sera son avenir.  A écrire. En toutes lettres. Enfin ?

samedi 30 octobre 2010

Les doigts d'Amandine

Amandine est opticienne. Enfin, elle travaille chez un opticien depuis 6 ans maintenant. Au début, ce n'était pas forcément ce qu'elle voulait faire, elle avait juste trouvé ce boulot.
Elle prend sa pause-déjeuner à heure fixe. Mais quand Amandine mange dans le café d'en face, elle n'hésite pas à retraverser la rue pour informer la clientèle tombant sur la porte fermée.

Ce qui a séduit Amandine dans ce métier, c'est le moment où elle pose et règle les lunettes sur les yeux des clients. Les doigts d'Amandine à 2 centimètres de leur visage. Ses yeux dans leurs montures. Amandine adore la diversité de la réaction des clients.
Beaucoup de regards, fuient, tergiversent, se posent dans tous les coins pour éviter Amandine, comme les yeux d'une poule. D'autres font semblant d'être à l'aise et se plantent dans les yeux d'Amandine, parfois d'un air aggressif. Les plus jeunes sont souvent soudain calmes et concentrés, emerveillés et intimidés par leur nouvelle vue ; cela leur apparaît souvent important et ils le montrent, plutôt, ils ne le cachent pas. Les vieux sont habitués, fatigués par tant de différents verres ; ces regards sont blasés, sages, et se posent doucement contre Amandine.
Enfin, évidemment, quand Amandine faisait ses débuts, certains regards indiscrets profitaient de la situation pour mater Amandine.

Demain, un regard tapera dans l'oeil d'Amandine. Elle ne regardera plus les montures, mais les yeux. Un bleu foncé, aux bords noir. Demain, Amandine prendra 2 bonnes minutes pour vérifier les branches. Demain, elle tremblera un petit peu, en frôlant ces tempes poivre et sel.

Amandine prétendra que d'autres lunettes mettraient mieux le client en valeur. Demain, Amandine passera toute sa pause-déjeuner à informer la clientèle.


Paru ici, sur les conseils d'un membre actif

vendredi 29 octobre 2010

La nappe collait aux poignets

Lorsqu'elle est partie, je suis resté longtemps. Debout, comme ça, ballant, balloté, dans la cuisine. Yeux en accents circonflexes. Circonspects. Puis assis, les mains vides, les coudes en trop, avais-je ne serait-ce qu'un pull sur moi ? Des mouches voletaient sans aucun doute. La nappe collait aux poignets.
Je ne sais pas combien de temps s'est éclipsé de la sorte, ni comment je me suis retrouvé le nez dehors, à inspirer le léger vent que chatouillait un coin de soleil fugace. Chambranle.
L'air était frais. L'air était sec.
Je me suis ébouriffé des épaules aux pieds et c'est sans doute ce jour-là, à ce moment là, que j'ai recommencé à respirer de l'avant.
Ô, je ne me la raconte pas, la suite me le confirmera au centuple : on ne quitte pas l'horreur à la manière dont on se prend un coup de pied au pantalon, où l'on vide cul sec un verre d'alcool fort, où l'on chasse le moustique indigent qui vous empêche de dormir. Non, bien sûr, ce n'est pas comme cela que ça fonctionne et je ne peux pas dire que l'horreur n'est pas revenu, par la suite. Au contraire.
Martine avait salement déconné. Partout, je lisais l'incompréhension. Dans les journaux, dans les regards des gens, au tribunal, dans la rue, en voiture, devant mon miroir. Plusieurs fois j'ai eu envie de me taillader la peau avec ce rasoir, de rougir la mousse.
Lorsqu'elle est partie de la maison, lorsque je suis allé dehors, j'ai compris. La vie continue. Terriblement. Tout simplement. Toujours.

Source d'inspiration 
Un article du Monde, intitulé La vie retrouvée des Courjault. Anecdote stupéfiante. Un matin de novembre 2006 – quatre mois après sa découverte deux cadavres de bébés dans le congélateur de son appartement à Séoul, un mois après que son épouse Véronique eut avoué les infanticides de ces enfants nés en 2002 et 2003 en Corée, ainsi que celui d'un nouveau-né mis au monde clandestinement en 1999 en France – une jeune femme vient frapper à la porte de la maison où Jean-Louis Courjault est revenu vivre, dans le village de Souvigny-de-Touraine (Indre-et-Loire), à 9 kilomètres d'Amboise.
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