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vendredi 2 décembre 2011

Solange

Solange avait, depuis peu, la soixantaine adolescente. Pas de ces retours de jeunesse assumés. Non. Plutôt une excitation inconsciente et effrénée vers des limites toujours repoussées.
Exprimé comme un rattrapage de temps perdu, sans doute alimenté par une mode du "s'occuper de soi" déclinée sur papier glacé ou écrans de télé-raccoleuse, le changement de vie de Solange dépassait le ridicule.
Récupérer un deuxième prénom jadis haï, le placer devant le sien, écraser le tout, pour présenter une Marisol toute neuve, prouve la créativité dont on est capable lorsqu'on veut faire table rase du passé.
La répprobation de ses proches, amis, voisins et enfants même, n'eût jamais aucun effet sur les divagations de Marisol. Aucune menace sous-jacente, chantage explicite ou affrontement direct n'ont pu arrêter la tornade grisonnante. Il fallait faire avec. Pas par respect des choix des autres, mais par impossibilité à expliquer rationnellement des comportements irrationnels. Deux plans aussi parallèles ne se rencontreront jamais.
Mais, c'est la morale qui parle et la morale est, non seulement subjective, mais emmerdeuse et castratrice. Exit la morale ! Marisol s'en tape. Marisol n'est plus Solange et ses valeurs ont changé de bord.

Quelqu'un qui manquerait d'informations verrait dans le personnage une cougar dévoreuse, une ogresse épicurienne ou une pétasse extravagante. Pas du tout ! Marisol se libère et pète les plombs dans "l'air de son temps". Adepte des camps de naturisme et des chemins de grande randonnée, elle s'éclate Bio griffée Vieux-Campeur, elle s'envoie en l'air aux antipodes dès qu'un forfait tout compris attire sa souris d'ordinateur, elle se goinfre au guide Michelin et se ruine en chevaux de course ou sous le capot en exprimant sa simplicité. Son compte en banque de baby-boomeuse lui permet ses excès et son troisième veuvage nous permet nos suspicions.
Poussée par la peur de manquer de temps pour tout claquer, elle vit à cent à l'heure et n'oublie jamais de prouver son affection par des cadeaux hors de prix.
Ses choix humanitaires et autres convictions tiermondistes ont vécu. C'était la vie d'une autre. Ne lui en parlez pas, son ardoise magique a tout effacé un matin d'hiver, au retour d'un cimetière.
Elle venait d'enterrer sa dernière chaîne, sa dernière attache : Une mère adorée partie à son heure. Plus rien ne retenait Solange d'exploser sans scrupules. Le passé passé, la ligne d'arrivée inconnue, son destin en mains, elle décida ce matin-là du sprint final. Elle y mit, sans le savoir, quelques formes et qualifia sa fuite en avant d'hédonisme responsable.
Le tour était joué. Les jugements seraient jalousie et les critiques mesquinerie.
Marisol vit la vie de Marisol plus courte que celle Solange et elle le sait. Alors, jugeons, moralisons, agaçons-nous, fuyons même, elle s'en fout comme de sa première Solange, demain elle a rendez-vous avec son chirurgien esthétique, celui qu'elle a rencontré dans un trek en Tanzanie l'été dernier.

vendredi 4 novembre 2011

Le "Tigre" de Villefranche

Il pleuvait fort ce matin. Mais, il n'était pas question de manquer ma séance de course à pied. Plus par devoir que par plaisir, je mettais un pied devant l'autre et les deux dans les flaques d'eau, sans conviction et avec le seul objectif de la satisfaction du retour.
Je ne m'attendais qu'au temps qui passe et à l'eau qui tombe. Aucune starlette éblouissante à prévoir, aucune sportive ensoleillée imaginable et pas plus de poésie portée dans un couffin de marché, sur un vélo altier ou entre des doigts de promeneurs enlacés.
"Ce sera triste et ce sera fait". Voilà, ce que je me suis dit.
C'était sans compter sur la Providence (que chacun appelle comme il veut d'ailleurs) toujours bonne copine.

La descente était raide et je regardais mes pieds, prudent comme un coureur expérimenté donc échaudé. Lorsque je relevai les yeux, mon cadeau du jour était là.
Le physique de Jacques Tati, la moustache de Clémenceau et l'âge des deux réunis en imaginant qu'ils ne soient morts ni l'un ni l'autre.
Il gravit la colline sans toucher le sol. Ses longues jambes semblent échasses. Il est vivace, vivant et pourtant il devrait être mort tant il parait vieux. Alerte comme un cheval fougueux, il file vers le haut quand je me retiens de glisser vers le bas. Sa silhouette est longiligne comme un trait de crayon optimiste. Les épaules ouvertes offrent sa poitrine à la pluie devenue battante, sans qu'elle ne l'impressionne plus que ça. Il brave la tempête, comme il a dû le faire depuis toujours. Le parapluie est là. Mais, refermé et accroché à l'avant-bras. On a dû l'obliger à le prendre. L'imperméable est noir et le béret aussi. Un vrai béret, celui des clichés de chez nous.
Cette image aurait largement suffit à mon bonheur du jour. Largement.
Mais, les cerises subliment souvent les gâteaux et c'est là, que le large sourire de Clémenceau me lance un "Bonjour" franc, droit, jeune et dynamique. Ma main se lève, mon sourire ouvre les volets, ma réponse intimidée sort et mon corps instantanément se courbe. Le Monsieur mérite la révérence. Il a deux cents ans, vous dis-je et l'énergie d'un amoureux. Fougueux et sage, il partage.
Voilà, c'est décidé, Monsieur qui passiez, je vous emmène sur mon dos pendant mon prochain marathon. Je ne pourrai être en meilleure compagnie. D'ici là, je ne courrai plus, je volerai Monsieur. Pour vous.

Cette scène n'aura pas duré cinq secondes. Il y en a de la vie en cinq secondes.

mercredi 19 octobre 2011

Impressions Tunisiennes 2/6

De la vie en attente
Pour ceux qui me connaissent, ils savent que je ne passe pas mes vacances tunisiennes dans les hôtels ou sur les plages. Je vis au coeur de la population, même s'il s'agit de la banlieue de la capitale et pas de la Tunisie profonde, l'expérience est enrichissante.
Pendant ce séjour, je me dois de continuer ma préparation à mon prochain marathon. Aussi j'ai un programme d'entrainements très précis à effectuer. Nous sommes ici dans un pays ou les joggers sont rares. J'ai pris soin de ne pas porter mes habituels collants de course trop moulants et j'ai fait l'acquisition d'un short ample afin de ne pas provoquer (enfin, c'est ce qu'on m'a recommandé). J'ai pris quelques renseignements et rien ne m'a vraiment permis d'appréhender avec certitude et sérénité mes sorties. Seule l'expérience me renseignera.
Nous sommes donc au premier jour. Je dois courir une heure : J'ai pris soin de m'habiller en orange fluo pour que les Fangio du coin aient une chance de m'éviter. Me voilà parti, les plus vieilles de mes chaussures aux pieds (la suite me confirmera cet excellent choix) un téléphone portable au cas où, une bouteille d'eau et la copie de mon passeport que j'ai glissé sous ma casquette. J'ai décidé d'ignorer les regards pour avancer plus vite. Et je cours avec la plus grande prudence.
C'est dès la cinquième minute que je comprends à quel point j'ai sous-estimé le risque de me faire écraser. Je cours sur le bord de la route face à la circulation comme il se doit. "Ainsi je ferai face au danger" pensé-je. Erreur. La logique varie suivant les latitudes et je n'ai pas mis mon GPS interne à l'heure. Mon bras droit a senti un mouvement soudain. C'est à moins de cinq centimètres qu'est passée une voiture venant de derrière moi. Dieu a envoyé un taré pour me délivrer un message sans doute. "Tu doubleras à vive allure en prenant le plus grand écart et en mordant sur le bas-côté opposé" lui a-t-il ordonné. Je continue avec une vigilance redoublée ; je cours désormais sur des oeufs. Puis, je slalome entre des trous, des détritus en tous genre, des écoliers, des ouvrières sur le chemin de l'usine, des véhicules stoppés au gré des envies n'importe où, des chaises entre route et trottoirs, entre trottoirs et terrasses, entre terrasses et terrains vagues.
Plus j'avance, plus ça devient glauque. Les déchets augmentent et transforment le bord de la route en véritable décharge. Je ne peux plus slalomer, je cours dessus. C'est un parcours du combattant plus qu'une sortie de jogging. Toutes les pollutions se sont donné rendez-vous. La pire est la poussière. Le tableau est tellement surréaliste que cela me fait rire, j'en profite à fond. Encore un peu et je tomberais dans une bouche d'égout ouverte comme un cliché de dessin animé. Cent mètres plus loin, comme une réponse, le trou béant me donne raison. La plaque est à côté, dangereuse et imposante. Dix minutes plus tard, rebelote, une plaque cousine m'invite à plonger sous terre.
Une heure de course pendant laquelle mon esprit aurait dû être une caméra tant j'ai vu de choses extravagantes. Extravagantes mais vivantes. Tellement vivantes. Y'a de la vie... qui semble en attente. Comme si elle grouillait sur place. De la vie en attente dans des starting-blocks et plombée par du fatalisme. La vie retient son souffle.
En enlevant ma casquette j'ai constaté que la photocopie du passeport était trempée. J'ai imaginé mon identité tatouée sur le sommet de mon crâne.
Paradoxe visuel : ça bâtit à tout va, du grand, du beau, du luxueux. Et ça se dégrade à tout va. Dans le même espace, la déconfiture côtoie la construction. Il semble que personne n'y trouve à redire. Cela ressemble à du mouvement sans conviction, du mouvement pour du mouvement.
Dans le passé on pouvait dire que l'anarchie avait trouvé son organisation, son équilibre ou alors que le Tout-Puissant savait ce qu'il faisait. Aujourd'hui, le ressort semble détendu et le désordre s'alimente lui-même, la pente est descendante et seules des échéances dépendant des autres ressemblent à des planches de salut.
(à suivre)

mardi 2 août 2011

Une gare est le plus bel endroit pour des retrouvailles, parce que c'est normalement le lieu des séparations.


Sauf que ce matin-là, c'est un inconnu qui est venu me chercher à la descente de mon train. Et il ne m'a pas fallu plus d'une seconde pour le reconnaître. Je dois avouer que cela ne fut pas très difficile, nous étions quatre personnes à descendre et, sur le quai, une femme d'une soixantaine d'année et un homme quadragénaire accompagné d'un petit garçon attendaient.

Lure. 8H20. 12°. Vendredi 22 avril 2011. Jour férié en Alsace-Lorraine.

Je traduis :

Un trou paumé.

Je suis réveillée depuis 5H30 pour prendre mon train à 6H32.

Je gèle parce que je suis crevée et parce qu'il gèle.

Week-end prolongé pour moi : Vendredi Saint-Samedi-Dimanche-Lundi de Pâques.

Il est sympa ce gars. Il m'offre un large sourire, me prend dans les bras, m'embrasse sur les joues comme si nous nous connaissions depuis toujours. Il me demande si mon voyage s'est bien passé, si je ne suis pas trop fatiguée. Il me dit qu'il est content de me voir, de mettre un visage sur mon prénom. Il me présente son fils, un blondinet réservé de neuf ans.

Jusque là, on pourrait croire que je fais la connaissance d'un homme rencontré via un site de petites annonces ou internet. Tout concorde. Sauf que ce n'est pas lui que je viens voir, mais sa femme. Mais Internet y est effectivement pour quelque chose. Et je me sens dans le même état que lors d'un premier rendez-vous amoureux avec, justement, un inconnu familier (mais oui, le genre de personne avec qui on tchat, on dialogue au téléphone mais que l'on n'a jamais vu).

Nous montons dans la voiture, sortons rapidement de la ville, traversons une campagne verdoyante pleine de vaches, de moutons, de corbeaux... et de mouches (il faut bien que la queue des vaches leur serve à quelque chose). C'est joli même si je ne me verrai jamais y habiter. Il m'explique qu'il me dépose et part travailler. Nous nous reverrons dans l'après-midi. Le soleil commence à réchauffer ce camaïeu de verts, c'est calme, c'est odorant, cela semble hors du temps. Et je n'aurai aucune réaction de surprise si une carriole tirée par des chevaux ou des bœufs surgissait devant nous...

Au bout d'une quinzaine de minutes de trajet, mon chauffeur se gare devant une maison. Et là... Et à ce moment...

Chabadabada, chabadabada, hmmhmmhmmm, chabadabada, chabadabada...

ELLE sort. Elle. Mon double. Mon complément. Ma siamoise. Ma jumelle. La seule qui... Celle avec qui... Ma Meilleure Amie. Celle qui ne fut jamais remplacée dans mon cœur. Ma sœur de galère. Ma compagne de passage dans l'âge adulte. Celle avec qui les mots étaient inutiles, un regard suffisait à nous comprendre. Elle me sourit. Elle me tend les bras, m'embrasse. Je me sens un peu gauche, pas à l'aise dans mon corps, dans mes gestes. Je me sens gênée d'être gênée. Elle, elle n'a pas changé. C'est dingue ! Dix-sept ans que nous ne nous sommes pas vues et elle n'a pas changé ! A part la voix. Une voix que la cigarette a éraillé et à qui la Haute-Saône a dédié un accent à couper au couteau.

Si je ferme les yeux, mes oreilles ne la reconnaissent pas. Si je les rouvre, je me retrouve projetée dans les années 80. Le foyer de jeunes travailleurs où nous avons fait connaissance. Le premier appartement dans lequel nous avons habité. Les boites de nuit. Les garçons. Le frigo vide et les plats de pâtes à la sauce à base de concentré de tomate (beurk !), manque de fric oblige. Les conversations dans le même lit jusqu'à point d'heure. Les fou-rires. Les chagrins. Les colères. Les accolades. Les embrassades. Les moqueries. Les séchages de larmes. Les plans machiavéliques fomentés jusque très tard dans la nuit, parfois. Les échanges de fringues. Les séances de maquillage, de coiffage qui duraient des heures avant nos rendez-vous avec les copains.

En quelques secondes, je suis attirée à l'intérieur. Douze yeux m'observent. Ça, c'est impressionnant ! Le temps de me retourner dix-sept petites années de rien du tout et ma meilleure amie met cinq enfants au monde. Deux adolescentes et trois petits garçons blonds comme les blés. La sixième paire d'yeux appartient à la voisine qui n'a pas pu s'empêcher de venir voir « l'amie » (pour une fois qu'il se passe quelque chose dans ce patelin de trois cents âmes...). On me présente, on s'embrasse. Les enfants sont mignons et bien élevés. Mon amie m'épate : elle a, certes, légèrement vieilli (j'insiste sur le légèrement) mais elle n'a pas changé. Cinq grossesses ne l'ont pas rendu difforme, à peine plus ronde. Elle a toujours ce même sourire, cette blondeur, ce regard gris et doux aux paupières légèrement tombantes. Elle fume toujours, elle boit toujours autant de café et c'est devant un mug de ce breuvage toujours autant trop léger à mon goût que nous nous observons, en souriant, sans mot dire sous le regard dérouté de ses enfants. Je ne sais pas combien de temps cela dure. Une micro-seconde, quelques minutes ? Impossible à dire. Elle me dit que je n'ai pas vraiment changé.

Plus tard, dans la journée, elle m'avouera me trouver plus calme, plus posée mais toujours aussi vive dans mes réparties, avec le même humour. On se rappellera plein de choses. Elle rira beaucoup. Sa fille ainée sera étonnée de notre complicité. Il est vrai qu'en quelques minutes, cette dernière s'est réinstallée entre nous. On dira les mêmes phrases en même temps, comme avant. On pensera aux mêmes choses en même temps, comme avant. On se remémorera certains souvenirs en même temps.

Et c'est lorsque sa fille me demandera : « Comment était maman, quand elle était jeune ? » que je me rappellerai que dix-sept années se sont écoulées entre ce vendredi-là et la dernière fois que nous nous étions vues. Elle venait d'ailleurs de rencontrer le père de son ainée, était très amoureuse. Rien ne laissait présager qu'elle fuirait sa région natale, enceinte de quelques semaines, pour se protéger d'un homme devenu dangereux et violent. Rien ne laissait présager qu'elle vivrait des moments très durs, trop durs, seule avec son bébé. Rien ne laissait présager qu'elle referait sa vie avec un homme formidable qui l'épouserait au bout de six mois, lui ferait quatre enfants mais serait le papa des cinq. Rien ne laissait présager, d'ailleurs, qu'un jour nous nous reverrions...

mardi 12 juillet 2011

VAKO part en week-end

En matière de communication chacun de nous a une approche de représentation mentale dominante. Les "PNListes" appellent ces perceptions le VAKO : pour Visuel, Auditif, Kinesthésique et Olfactif auquel on associe le Gustatif. Voici une façon ludique de les représenter par le récit d'un même évènement privilégiant tour à tour les formes différentes de perception. On peut s'amuser à rechercher les mots et expressions choisies pour forcer le trait.

Texte Visuel :

Pour préparer notre dernier week-end, j'ai jeté un coup d'oeil sur le Guide du Routard qui donne assez clairement un panorama des activités proposées par notre lumineuse région.
Après une entrevue avec ma famille, nous avons envisagé de découvrir l'île Sainte Marguerite.
Du port, nous apercevons déjà l'île à l'horizon. La mer et le soleil nous permettent de contempler un spectacle fascinant : les reflets de cette éclatante matinée nous déroulent un tapis de lumière aveuglant qui semble être un miroir où se reflète le bateau qui nous présente notre première vision de l'îlot.
Arrivée : Une oeillade à gauche, un regard à droite. Nous envisageons une échappée à l'ouest pour observer les diverses espèces d'oiseaux présentes.
Apparemment, il semble que Sainte Marguerite soit restée à distance de l'urbanisation et plus nous découvrons le littoral, plus nous constatons que nous avons eu une idée lumineuse en venant ici pour en prendre plein les yeux et pouvoir indiquer cette destination à d'autres.
De mon point de vue, je constate que nous avons passé une excellente journée.
- C'est clair, me répond mon fils.

Texte Auditif :

J'avais entendu parler des îles de Lérins, et je m'étais laissé dire qu'il y régnait un calme absolu.
Bien entendu, je me devais de dialoguer avec ma famille afin d'accorder nos violons sur l'idée de passer une journée à l'île Sainte Marguerite.
Cela disait quelque chose à ma femme et nous ne fûmes pas longs à nous entendre.

Mis à part le bruit assourdissant du bateau, tout était harmonieux.
Entre le clapotis des vagues, les cris des mouettes et quelques rires d'enfants, nous entendions bien faire le tour de l'île à un rythme de randonneur, plutôt que de mettre l'accent sur la baignade.

En fin de journée, nous avions tenu parole. La boucle bouclée, nous entendons bien faire écho sur tous les tons à d'autres personnes de notre journée à l'écoute d'une nature sans fausse note. Nous nous empresserons d'amplifier la rumeur qui était venue chatouiller nos oreilles sur la beauté du lieu.

La prochaine fois, nous écouterons l'appel de l'île voisine, Saint Honorat dit-on le silence est roi.


Texte Kinesthésique :

Le week-end dernier, j'éprouvais une certaine fatigue et ressentais le besoin de bouger et de me relaxer dans un lieu calme et apaisant.
Aussi, sans faire pression sur mon entourage, j'ai saisi l'occasion pour proposer une journée à l'île Sainte Marguerite.
J'avais touché juste, ma femme attrapa l'idée au vol et mon fils ne résista pas longtemps. La tension des derniers jours pesait sur nos organismes et chacun caressait l'envie de décompresser.

Tout commençait bien : nous étions sereins sur le bateau solide, résistant et confortable qui nous menait en toute sécurité sur une mer calme et lisse vers un îlot qui sentait déjà la pinède.

Dès les premiers pas, nous étions très à l'aise sur cette île et une sensation de bien-être nous envahissait. Ce contact direct avec la nature était émouvant.
Après une baignade pendant laquelle la chaleur du soleil et la fraîcheur de l'eau se disputaient la sensibilité de nos peaux, nous décidâmes, de pied ferme, de faire le tour de l'île.

Ce fut un choc : les émotions se succédaient et nous avions à coeur de tout saisir, d'embrasser chaleureusement l'instant présent.

Fin de journée : mon fils en avait plein le dos. Nous, nous pensions avoir eu du flair en choisissant de venir prendre notre pied sur ce doux paradis.

Frappés par tant de sensations, nous sommes excités à l'idée de sensibiliser d'autres personnes à cette excursion.


Texte Olfactif (ou gustatif) : (écrit par notre amie Béa)

Le week-end dernier, j'éprouvais une âpre lassitude et aspirais à goûter aux plaisirs du soleil dans un lieu calme et apaisant.
Aussi, sans faire pression sur mon entourage, j'ai saisi l'occasion pour proposer une journée à l'île Sainte Marguerite.
Mon offre les allécha, ma femme approuva d’un œil pétillant et mon fils aussi se laissa tenter. La tension des derniers jours grignotait nos organismes et chacun désirait avaler quelques goulées d’air pur.
Tout commençait bien : nous étions sereins sur le bateau rouge framboise et nos langues se délectaient avec gourmandise du sel sur nos lèvres, traces piquantes laissées par les embruns.
Dès les premiers pas, nous étions très à l'aise sur cette île et une sensation de bien-être nous envahissait. Ce contact direct avec la nature était émouvant. Des fruits gorgés de sucre et de soleil appelaient nos mains.
Après une baignade agréablement rafraîchissante, nous décidâmes, de pique-niquer, la faim nous tenaillant tous les trois.
Le jambon de pays savoureux, les crudités juteuses et colorées, le pain encore chaud et croustillant passaient de main en main. Nous débouchâmes un excellent rosé bien frais aux arômes de fruits rouges et terminâmes ce délicieux repas avec un melon mûr et sirupeux à souhait et des pêches parfumées et sucrées.
Une promenade digestive nous permit de visiter ce site magnifique. Nous étions friands de ces paysages protégés, nous nous délections de ce calme, de ce silence.
Fin de journée : mon fils en avait plein la bouche, touché au plus profond de son être par toute cette beauté offerte. Ma femme, elle, me regardait avec des yeux gourmands. Nous étions repus, notre faim de sérénité assouvie par cette délicieuse journée sur ce doux paradis.

mardi 28 juin 2011

PASSAGE PROTÉGÉ


Ils ont.. oh, bien plus que moi, bien plus que vous, bien plus que 80 ans et sont toujours là. Lui c'est Claude, elle c'est ...elle... Je réalise que je ne connais pas son prénom.
Ils habitent leur 3 pièces coquet dans un immeubles des années 70.
Le matin, ils peuvent accueillir le soleil qui se lève sur la mer, et vérifier la ponctualité des trains. Ce n'est pas au choix, c'est un package : vue mer + vue rails.
La mer, ils l'apprécient même si la tente jaune est souvent baissée à l'arrivée des beaux jours.
Vue du haut, on la devine un peu usée, passée, mais toujours prête à protéger des rayons et de la chaleur quand ces derniers entrent de plein fouet dans leur chez eux rustique aux pièces un peu petites.
Petites mais c'est suffisant quand on à cet âge.

Jadis il y eut un chien qui habitait ce premier étage.
A l'heure où les films se finissaient, à l'heure ou j'allais récupérer mon linge dans le sèche linge, je voyais Claude sortir le toutou et rejoindre ses copains, ceux à qui la corvée du pipi incombait. J'imagine que Madame, elle, se préparait à se mettre au lit. Nous les femmes nous sommes toujours plus longues, le cérémonial du coucher prend toujours beaucoup plus de temps, alors Madame prenait de l'avance, pour que l'arrivée soit synchro...

Dès le printemps, si vous vous premeniez du côté du port, à coup sur vous croisiez Claude et sa dame entrain de siroter un verre à l'ombre d'un parasol. Lui un peu rustre, elle le "Bonjour Madame" toujours poli, souriant.
Il y eut bien des fois ou je me suis dit en rencontrant Claude, l'air renfrogné et le bonjour du bout des lèvres "Il a encore apprécié la crise de la petite... On a quand même la chance d'avoir des voisins sympas".
Claude, un brin sourdingue, vint pourtant un lendemain de fête s'excuser d'avoir frappé au plafond pour nous faire taire.. Il avait été excédé.
Pour le coup, c'est nous qui avions été sourds. Ses coups de balais, jamais nous ne les avons entendus.. pourtant il était tout penaud..et c'est en grand Prince, que d'un geste de la main, mon homme lui fit comprendre qu'on ne lui en tiendrait pas rigueur "Va je ne te hais point..."
Sale jeunes que nous étions.

Au 1er étage, ils prenaient toujours l'ascenseur mais quand nous arrivions ensemble devant la porte de l'élévateur, Madame me disait "Allez y, vous êtes chargée, et puis vous êtes au deuxième, et puis on a tout notre temps, on est à la retraite..".

Sa voix a lui est bourrue, sa voix à elle est chevrotante... Sous ses rides fines de peau très pale, on devine une beauté jadis bien réelle.
Sa carrure à lui est athlétique, tandis qu'elle est petite et menue, toujours bien mise, joliment coiffée....

Mais tout ça c'était avant, avant qu'un beau jour, ils décident de traverser sur un passage protégé, ce même jour où un motard semble pressé et oublie que comme son nom l'indique, les traits blancs sur la route sont là pour protéger le piéton.
C'est Claude qui va tout prendre pour protéger sa dame... Elle, ne serait plus là si...
Les semaines de convalescence succèdent aux jours interminables d'hôpital.
Madame prend toujours l'ascenseur, mais seule. Le chien n'est plus là. Son sourire est déjà moins flagrant. Sa voix est moins enjouée et sans doute plus chevrotante. Encore plus.

Et puis Claude rentre un beau jour. Claude est l'ombre de lui même. Cet ancien prof de sport est décharné, maigre. La canne prend la relève du déambulateur . Il se renfrogne de plus en plus. Lui arracher un sourire, est devenu mission impossible. La TV est de plus en plus forte et de plus en plus allumée. Du matin au soir.
La sortie journalière s'est considérablement raccourcie. Dans le meilleur des cas, c'est la place, quand ce n'est pas un tour sur le parking.. "Par ce que le docteur a dit qu'il fallait marcher".
Depuis la mort de la centenaire, ils sont sans conteste les plus vieux de l'immeuble.
A l'époque, les croiser dans les escaliers ou dans l'entrée, c'était prendre le risque de s'entendre dire "Ah, la petite elle n'était pas contente ce matin"...Honteux, juste un oui inaudible la tête baissée, c'était notre réponse... depuis l'accident, c'est l'angoisse de le voir dépérir un peu plus chaque jour.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, l'autre jour c'est Madame qui est partie en ambulance. Claude est resté seul, puis son fils de 60 ans passé, vieux garçon gendarme (de cause à effet?) est venu passer du temps avec son père.
Oh, c'est rien des problèmes de vieux, la santé qui fout le camp....Ca c'est ce que Claude dit. C'est une tumeur au cerveau, ça c'est ce qu'en disent les médecins, et le fils.
Mais il vaut mieux que Claude l'ignore. Ca n'arrangerait pas les choses.
La télé hurle toujours, mais plus d'éclats de voix, ils ne s'engueulent plus. Avec qui voudriez vous qu'il s'engueule ce pauvre Claude, avec son fils?

Et puis ce soir, il est 18h30, le linge m'attend dans la machine, il attend le transfère vers le sèche linge. Je me penche au balcon et je vois sa grand silhouette toute voûtée, sa casquette sur la tête. D'une main il tient sa canne, de l'autre.. ça ressemble à une housse de boules de pétanques... Mais je doute... pourtant.
Soudain j'entends cette voix chevrotante, familière "Allez, profite...".
Ca vient de dessous. Il se tourne et me regarde. Son regard est dur, presque accusateur. ET puis "ouh ouh, là, c'est moi.. allez, profite bien, amuse toi et ne t'inquiète pas, je vais bien".
Son regard ne s'est pas adouci, mais il l'a a du la voir, celle qui vient de lui parler. Il tourne les épaules et reprend son chemin. Il semble si vulnérable à présent.
J'ai un noeud dans la gorge.
Elle est rentrée, mais pour combien de temps?
Claude semble vraiment très fatigué.
Sa voix a elle est calme et rassurante, à la façon d'une mère qui parlerait à son enfant.
Son pas à lui est hésitant, mal assuré... Il s'éloigne. Je le vois disparaître à travers les feuillages des arbres touffus du boulevard.

Toute une vie à partager, à s'aimer, à se querelle, à vivre quoi! Et arriver comme ça, sur la fin.. à devoir se cacher des choses, pour tenir, pour protéger.

Une vie qui bascule, sur un passage protégé.. qu'elle ironie ......et c'est le début de la fin....

lundi 31 janvier 2011

La veille (du premier jour)

Parce qu'une mienne connaissance va vivre demain un "premier jour" particulièrement important pour elle, il s'agit d'une promotion professionnelle, avec prise de fonction sur un nouveau site et exercice de responsabilités, et parce que la mienne connaissance m'a semblé être pour le moins chamboulée par l'événement, genre situations gags, tête à l'envers, migraine, m'est revenu à l'esprit un détail que l'on oublie finalement assez vite : c'est la veille du premier jour.
Pas rien, la veille !
On est dans tous ses états (sauf pour ceux qui sont peinards), on pense à tout ce qui est inutile puisqu'on débarque en terra incognita, j'en passe et des meilleures.
Et vous ?
Des anecdotes de premières fois ?
Allez... Racontez nous ça...
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