Affichage des articles dont le libellé est tranche de vie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est tranche de vie. Afficher tous les articles

samedi 17 mars 2012

Dans la vieille ville

Il est assez courant que pour dérouiller nos vieux os, ma femme et moi flânions dans la vieille ville. La nôtre n'échappant pas au souci d'amortir financièrement un riche passé, s'est habillée de boutiques en tous genres. Bariolée, déguisée, maquillée comme un carré d'as, elle n'en a pas moins de charme. On passe aisément du pittoresque solide et chargé d'histoire au clinquant vulgaire et éphémère. C'est le lot de nos vieilles cités touristiques. On découvre moins mais on s'étonne encore. Car c'est plus l'activité que son cadre qui offre des surprises. De l'insolite à l'anachronique, un œil aux aguets y trouvera toujours matière à voir la vie belle. Tous les sens sont sollicités. Et dans tous les sens. Du marché aux fleurs aux relents des poubelles, de la misère visible à la plus belle esthétique, de la grossièreté crachée au raffinement le plus délicat, de la distance indifférente aux effleurements sensuels, tout y est. C'est ce qui plait. Chacun y trouve son compte de bonheur et les contrastes jouent leur rôle d'amplificateur.
Je pourrais écrire un texte par jour, tant les anecdotes sont nombreuses et leurs wagons d'imagination prolixes. Pour l'heure, je m'en tiendrai à la dernière. Appelons-la : "L'inconnue reconnue". La suite nous dira pourquoi.
Les boutiques ont souvent pour mission d'aimanter les femmes. La mienne n'échappe pas à la règle et c'est sans trop se forcer qu'elle passe le pas des portes aspirantes. J'en ai pris mon parti et ma patience est désormais légendaire. A condition, de ne pas l'accompagner. Alors, je fais le trottoir et guette le mouvement de la vie, celui qui mettra mes neurones en ébullition, ma joie en amour et mon imagination en action, cette vie qui me fera dire qu'elle est belle, très belle. Parfois, l'appareil photo est du voyage et se permet de stocker la partie visible de l'iceberg du volcan intérieur. Ce fut le cas, ce jour-là.
La ruelle étroite avait, comme souvent, étendu quelques draps aux fenêtres pour offrir de l'authentique aux touristes japonais. Je faillis m'y laisser prendre à mon tour quand deux gaillards de CRS décidèrent d'emprunter la venelle. Mon esprit ne fit qu'un tour et mon corps trois pas en arrière. Je voyais déjà un tableau parfait de deux uniformes bleu marine coiffés d'un drap blanc entre deux murs d'ocre-jaune à ocre-rouge. J'avais ma photo du jour. Mais les fonctionnaires furent plus rapides que leur réputation et je les manquais. A ce moment-là, une jolie silhouette dynamique, de jeune fille pensé-je, s'engouffra dans la ruelle, à l'angle du mythique marchand de parapluies de la ville "Maison fondée en 1850" dit le torse bombé de la vitrine. "Un petit coin de parapluie contre un coin de paradis" ? Va. Pourquoi pas ? Et je déclenche.
De retour chez moi, je télécharge mes photos toutes fraiches sur mon ordinateur. Surprise. La jeune fille à la poursuite des CRS ressemble étrangement à une amie que je n'ai pas vue depuis longtemps. Trop heureux de la coïncidence, je décide de lui envoyer le cliché afin de partager l'anecdote. C’est tout simple. C’est tout bête.
Puis, je m'en vais montrer ma série de photos à ma femme. Je n'oublie pas de lui faire remarquer la ressemblance dont il est question ici. "Tu plaisantes ?" "Tu le fais exprès ?"… "Mais, c'est elle !" Eh bien, après deux jours de réflexion, je crois que ma femme a raison, c'est elle.
Une amie avec qui nous partageons une certitude depuis longtemps : "Le hasard n'existe pas".

vendredi 2 mars 2012

En forme d'aumônière.

Cela fait déjà longtemps que je la croise. Souvent. Toujours au même endroit.
C'est à l'heure où j'ai terminé mon jogging, que je m'accroche aux grilles du parc voisin pour faire mes étirements, qu'elle promène son chien.
C'est une jolie cinquantenaire fraiche et à l'allure soignée. Nos regards se croisent sans se toiser, se frôlent sans se poser. Nous partageons la même discrétion et sans doute les mêmes interrogations. Deux beaux yeux intelligents scrutent et pensent de façon évidente. Pour faire vite, disons qu'il y a du niveau derrière le front.
Si dans sa tête c'est comme dans la mienne, elle doit me fabriquer un statut, une histoire, des goûts et des tranches de vie. Elle n'est pas belle, mais on pourrait dire que c'est une belle femme, comme on dit parfois de celles qui l'ont été. J'ai souvent, pendant que, transpirant, je tirais sur mes muscles, avoué une pointe de jalousie envers ces messieurs d'un autre âge, qui, profitant d'un compérage de maitres de chien, lui adressaient la parole sans retenue et sans préliminaires. En trois phrases, ces gens-là se connaissent, se reconnaissent et se trouvent des complicités, des ressemblances, des expériences communes de croquettes, de nonosses et de vétérinaires. Cela me rappelle le temps où, aux sorties d'école, j'avais plaisir à échanger, d'un faux air détaché, avec les jolies mamans des autres enfants. C'était facile. Les parents parlent aux parents. Et les propriétaires de clébards parlent aux propriétaires de cleps. En bout de laisse. Mais les joggeurs et les maîtresses, fussent-elles jolies et distinguées, ne s'adressent pas la parole spontanément.
Mon imagination a eu le temps de faire des siennes et de se persuader que la dame était une divorcée de longue date, un divorce décidé par elle-même. Sa première déception amoureuse fut la dernière et plus jamais elle ne fit confiance. Alors, elle se vengea sur la carrière professionnelle. Intraitable et insatiable, elle monta les marches à la vitesse d'une descente de toboggan, sans difficultés et sans jamais jeter le moindre regard, ni derrière, ni sur les côtés. Elle reporta son affection sur un chien, qui n'était certainement pas le premier, ersatz de mari, d'enfants et d'idéal. Les prétendants étaient nombreux mais les élus n'étaient autorisés qu'à consommer et se faire consommer, jamais à aimer ou à l'être. Je les imagine, promeneurs de canidés à la séduction, sinon facile, au moins facilitée.

J'ai revu la dame aujourd'hui. Mais le contexte était très différent.
J'étais en civil et la rencontre a eu lieu dans un autre quartier. Un échange de regards qui disait : "Je t'ai reconnu, je sais que tu m'as reconnu aussi". Nous nous sommes reconnus et avons failli nous saluer comme si nous nous connaissions. Nous freinâmes à temps. Je quittai les yeux d'azur et les miens, de cochon, filèrent vers la main droite de ma semi-connaissance. Elle pinçait, entre pouce et index, auriculaire en l'air, avec une distinction proprement éblouissante, un petit paquet en forme d'aumonière. Que contient donc le paquet ? J'imagine des dragées, des macarons colorés, des chocolats haut de gamme... Le temps de me poser la question que je comprends la réponse. Je relève les yeux vers les yeux. La promeneuse a compris que j'ai compris. Le rose aux joues jaillit et le charme construit par des mois d'imagination, s'évanouit immédiatement.
La si-raffinée-belle-femme, la si-distinguée-jolie-dame, la si-impressionnante-voisine-de-parc, tenait dans sa main droite, un mouchoir en papier contenant les excréments de son chien. De la merde dans un kleenex en forme d’aumônière ! C'est dégueulasse !

lundi 19 décembre 2011

WICKED GAME

A froid, à chaud, comme ça me vient, comme ça me touche, comme ça me touche…
Le décors en 3 lignes… A quelques jours de Noël, de la musique s'échappe des hauts parleurs que la municipalité a dispersés dans les rues de la ville.
L'heure est à la nuit bleue, le froid est sec, les coeurs sans doute un peu plus sensibles que d'habitude.
D'un côté il y a le bazar où tout le monde va chercher, fouiner, une décoration pour le sapin, un cadeau, une idée, un objet inutile ou un gadget précieux.
L'allée qui mène aux caisses. J'ai les bras chargés. Elle vient face à moi, petite, usée, avec son espèce d'anorak que je lui vois porter tous les hivers. Cette année il semble plus lourd, il est plus lourd, moins chaud, il doit faire froid dans son coeur. j'aimerais disparaître et réapparaitre juste derrière elle pour ne pas avoir à lui dire bonjour et puis surtout le "Ca va?" qui vient après. Lorsque nos corps se croisent, elle a encore la tête tournée vers l'arrière, vers celui qui me fait un sourire et qui lui dit "bon courage". Pourtant, nos bonjours s'échangent et mon "ça va?" machinal se fond dans le brouhaha du magasin. J'ai honte de ces mots tout fait, qui sortent bien malgré moi et pourtant oui, je sais, non ça ne va pas… comment ça peut aller en ce 19 décembre.
Le froid me saisi à la sortie, "Wicked Game" me sussure le Chris Isak du Boulevard Marinoni.
Quelques pas, perdue dans mes pensées.. Wiked Game et se sont des souvenirs qui me remontent.
De l'autre côté, à quelques mètres, il est là, lui, avec son blouson clair, je ne lui ai jamais donné d'âge, je sais qu'il doit avoir l'âge de mes parents. Je le vois de loin, mais lui ne me voit pas. Il a le sourire, il court après un ballon, il court après un petit garçon, et là, c'est comme si rien ne s'était passé comme si la vie avait continué alors qu'elle semble s'être arrêtée ce jour de novembre, juste à la porte de Madame, celle de l'allée du bazar et pourtant…..
Il y a moins de deux mois, ils étaient encore parents, aujourd'hui, ils restent grand parents de deux enfants....

Related Posts with Thumbnails