Il est assez courant que pour dérouiller nos vieux os, ma femme et moi flânions dans la vieille ville. La nôtre n'échappant pas au souci d'amortir financièrement un riche passé, s'est habillée de boutiques en tous genres. Bariolée, déguisée, maquillée comme un carré d'as, elle n'en a pas moins de charme. On passe aisément du pittoresque solide et chargé d'histoire au clinquant vulgaire et éphémère. C'est le lot de nos vieilles cités touristiques. On découvre moins mais on s'étonne encore. Car c'est plus l'activité que son cadre qui offre des surprises. De l'insolite à l'anachronique, un œil aux aguets y trouvera toujours matière à voir la vie belle. Tous les sens sont sollicités. Et dans tous les sens. Du marché aux fleurs aux relents des poubelles, de la misère visible à la plus belle esthétique, de la grossièreté crachée au raffinement le plus délicat, de la distance indifférente aux effleurements sensuels, tout y est. C'est ce qui plait. Chacun y trouve son compte de bonheur et les contrastes jouent leur rôle d'amplificateur.
Je pourrais écrire un texte par jour, tant les anecdotes sont nombreuses et leurs wagons d'imagination prolixes. Pour l'heure, je m'en tiendrai à la dernière. Appelons-la : "L'inconnue reconnue". La suite nous dira pourquoi.
Les boutiques ont souvent pour mission d'aimanter les femmes. La mienne n'échappe pas à la règle et c'est sans trop se forcer qu'elle passe le pas des portes aspirantes. J'en ai pris mon parti et ma patience est désormais légendaire. A condition, de ne pas l'accompagner. Alors, je fais le trottoir et guette le mouvement de la vie, celui qui mettra mes neurones en ébullition, ma joie en amour et mon imagination en action, cette vie qui me fera dire qu'elle est belle, très belle. Parfois, l'appareil photo est du voyage et se permet de stocker la partie visible de l'iceberg du volcan intérieur. Ce fut le cas, ce jour-là.
La ruelle étroite avait, comme souvent, étendu quelques draps aux fenêtres pour offrir de l'authentique aux touristes japonais. Je faillis m'y laisser prendre à mon tour quand deux gaillards de CRS décidèrent d'emprunter la venelle. Mon esprit ne fit qu'un tour et mon corps trois pas en arrière. Je voyais déjà un tableau parfait de deux uniformes bleu marine coiffés d'un drap blanc entre deux murs d'ocre-jaune à ocre-rouge. J'avais ma photo du jour. Mais les fonctionnaires furent plus rapides que leur réputation et je les manquais. A ce moment-là, une jolie silhouette dynamique, de jeune fille pensé-je, s'engouffra dans la ruelle, à l'angle du mythique marchand de parapluies de la ville "Maison fondée en 1850" dit le torse bombé de la vitrine. "Un petit coin de parapluie contre un coin de paradis" ? Va. Pourquoi pas ? Et je déclenche.
De retour chez moi, je télécharge mes photos toutes fraiches sur mon ordinateur. Surprise. La jeune fille à la poursuite des CRS ressemble étrangement à une amie que je n'ai pas vue depuis longtemps. Trop heureux de la coïncidence, je décide de lui envoyer le cliché afin de partager l'anecdote. C’est tout simple. C’est tout bête.
Puis, je m'en vais montrer ma série de photos à ma femme. Je n'oublie pas de lui faire remarquer la ressemblance dont il est question ici. "Tu plaisantes ?" "Tu le fais exprès ?"… "Mais, c'est elle !" Eh bien, après deux jours de réflexion, je crois que ma femme a raison, c'est elle.
Une amie avec qui nous partageons une certitude depuis longtemps : "Le hasard n'existe pas".
ah lalalalalal...
RépondreSupprimerJe ne peux que sourire à cette lecture.... je crois que tes yeux ont fourché.... que ta mémoire t'a joué un drôle de tour...
Ce qui est rigolo c'est que tu l'a "revu" alors que tu ne l'avais plus vu depuis longtemps, ce n'est peut être pas un "hasard". Et ce n'est pas elle qui te contredira à propos de ce joli mot.
La vie réserve toujours de jolies surprises mais ça, c'est pas à toi que je vais l'apprendre.
Je fais partie des gens qui pense que certaines personnes quelque soit la vie, tout au long de ton existence tu les croiseras, recroiseras. On les a placé un jour sur ton chemin et ça non plus, ce n'est pas un hasard....
Bonne journée
et des bisous aux habitués du lieu
Sourire: J'allais écrire que moi aussi il me semble la connaître...
RépondreSupprimerSinon, mention spéciale pour tout le paragraphe commençant par
"Les boutiques ont souvent..."
Mais je dois avouer que parfois, (souvent?)c'est aussi moi qui - l'oeil rivé au viseur de l'APN- incite Madame à entrer dans la boutique...
Bises à la compagnie.