samedi 31 décembre 2011

2012 vu de 2011

Vous avez aimé 2008 vu de 2007. Vous avez aimé 2009 vu de 2008. Vous avez aimé 2010 vu de 2009. Vous avez aimé 2011 vu de 2010. Aimerez-vous 2012 vu de 2011 ?

Imaginons : Nous sommes le 31 décembre 2012 et l'année a tenu ses promesses.
Certes, rivaliser avec 2011 était impossible. A moins d'une apocalypse non-racontable, rien ne pouvait être à la hauteur des bouleversements encore frais dans nos mémoires.
En Europe, les dirigeants auront fait au mieux et le bateau tangue toujours. L'Europe malade se remet peu à peu grâce au "Plus" d'Europe. Les pays du Nord n'ont pas encore réussi à faire scission et le couple franco-allemand tient encore les rênes. L'Ecosse, impatiente d'obtenir son indépendance fait de l'oeil à la zone Euro et la Belgique, de crises politiques en crises politiques, va finir par se fendre et se fondre dans ses voisins. L'Italie remonte la pente grâce à l'optimisme congénital des Italiens et à leur faculté d'adaptation. Ce qui rend jaloux les dirigeants Français qui aurait bien échangé leur peuple sclérosé, peureux et rigide.

En France, le nouveau Président ressemble comme deux gouttes d'eau à l'ancien. Mais, compte-tenu de l'offre, il ne pouvait rien nous arriver de mieux. Outre la faiblesse de ses adversaires et son autorité sur la scène internationale, c'est son joker de fin mars qui a emporté le morceau. Du jour au lendemain, il a inversé toutes les courbes des sondages qui commençaient à devenir banales depuis l'automne. Oui, Nicolas Sarkozy fut le seul à proposer une vraie Allocation Universelle dans son programme. Les libéraux de Droite comme de Gauche plutôt que de vouloir lui expliquer l'utilité de la mesure, ont fini par comprendre qu'il convenait de convaincre le candidat que cette seule proposition le ferait gagner. Ils verraient plus tard. Et lui aussi, verrait plus tard.
Le plus drôle c'est qu'il revint à François Bayrou de mener un gouvernement new-look, bigarré et pourtant annoncé comme offensif. Jugez plutôt : Manuel Valls à l'Intérieur, Eric de Montgolfier à la Justice et Eric Besson à l'Economie n'étaient pas de vraies surprises, mais tout de même. Quand Juppé a décliné les Affaires Etrangères ont lui a promis le Conseil Constitutionnel et on a téléphoné à Marielle la Fidèle. La diplomatie en jeans, ça l'fait ! Bon, passons sur le retour de Lang à la Culture, bien content de rendre la monnaie de leur pièce aux socialos, et sur l'apparition de Villepin sur la photo dans un ministère créé de toutes pièces pour le faire taire ; La Grandeur Nationale qu'on l'a appelé. Le ministère hein ? pas le ministre. NKM attend son tour dans un secrétariat d'Etat et Claude Allègre fait un baroud d'honneur à la Recherche et l'Enseignement Supérieur. Bref ! La stratégie de Nicolas II fut de rassembler ou ratisser large, comme on voudra, une stratégie banale de second mandat quand on veut être peinard. Mais lui, c'est différent, il ne tient jamais trop longtemps au coin du feu. Alors, il fera de son second mandat, un mandat révolutionnaire. A cette heure, il tient ses promesses.
Les Français vont mieux. L'Allocation Universelle est versée depuis septembre et la conscience des plus aisés est apaisée comme la souffrance des plus pauvres. La vie est simplifiée et nous n'aurons plus à quémander une aide sociale devant une fonctionnaire aigrie, moche et suspicieuse.
Les supporters du PSG surveillent leurs actions et regrettent un peu le temps où le club jouait au football. Nancy et Nice se relaient en tête de la ligue 2 et Monaco en tête de son groupe en National.
Free a vampirisé le marché du mobile en France et ses concurrents s'étripent avec les syndicats qui, sans honte, continuent à vouloir garder leurs avantages sans avoir de clients.

Ailleurs : Obama a été réélu parce que ça se fait mais n'a pas osé se servir du même slogan que par le passé. La Syrie a fini par associer son printemps à celui des autres pays arabes et du coup, les gouvernements islamistes poussent comme des champignons. Seule l'Algérie résiste encore mais ça chauffe pour son dirigeant. Mais là, c'est une autre affaire, tous les espoirs sont permis. Le réchauffement de la planète n'a inondé que les ondes et aucun iceberg n'est venu rayer les Maldives de la carte du monde. La Russie flirte avec l'URSS parce que décidément le peuple n'a pas compris que la liberté , c'était donné pour se tenir tranquille. Ah j'oubliais... c'est la Chine qui a emporté les enchères face au Qatar à Drouot lorsqu'on a vendu la Tour Eiffel.

Chez moi : La résolution de début d'année a été tenue : C'est la Révolution !

vendredi 30 décembre 2011

Croire en l'oasis

Il s’agit de savoir si nous croyons à l’homme et si nous croyons à ce qu’on appelle les droits de l’homme. À liberté, égalité, fraternité, j’ajoute toujours identité. (Aimé Césaire)
2012 approche.
Tellement que c’est tout proche, maintenant, 2012. Quelques encablures.
Il y aurait beaucoup à dire, déjà alors que se réfléchissent les vœux pour l’an neuf.


jeudi 29 décembre 2011

L'art contre la vie ?

Et vous, vous en pensez quoi ?

Trouvé cette citation en butinant sur le net.
Elle m'interpelle.

"Quand on aime la vie, on ne lit pas. On ne va guère au cinéma non plus d'ailleurs. Quoi qu'on en dise, l'accès à l'univers artistique est plus ou moins réservé à ceux qui en ont un peu marre."

Michel Houellebecq



mercredi 28 décembre 2011

Chiffre molle

Dans la série lu sur le net.
Comme une évidence.
Il y a chiffre... et chiffre
remue.net : Le crabe recto-verso
Le chiffre est le nouveau langage dominant : pas une once de réel qui échappe à son ambition de description, de réduction. Pas un secteur de l’activité humaine qui ne donne lieu à l’extraction massive de données brutes, puis à leur corrélation, à leur mise en taux, en indices et indicateurs.
L’ambition de ce langage n’est pas seulement la description : partout se font jour, fondées sur ces données accumulées, des tentatives de prévisions, des tentations de prédictions.

Infecte l'insecte ?

Dans la série lu sur le net (Le Monde).

Qu'est-ce qui a un "goût de noisette", est riche en protéine, pauvre en graisses, rejette peu de gaz à effet de serre et de lisier, et ne transmet pas de maladies à l'humain qui le consomme ? L'insecte.

Selon une équipe de chercheurs néerlandais, les insectes finiront par remplacer la viande dans nos assiettes, en tant que source de protéine meilleure pour la santé et l'environnement. "Le jour viendra où un Big Mac coûtera 120 euros et un Bug Mac 12 euros [bug signifie insecte en anglais], où les gens qui mangent des insectes seront plus nombreux que ceux qui mangent de la viande", a prédit l'entomologiste Arnold van Huis, au cours d'une conférence à l'université de Wageningen (Pays-Bas) où il présentait les derniers résultats de leurs recherches.

Marcel Dicke, le chef du département d'entomologie de l'université de Wageningen, sait qu'il faudra davantage qu'un ver enfoui dans un chocolat pourchanger la mentalité occidentale. "Le problème est là. Les gens croient que c'est sale", explique-t-il devant une exposition de moucherons, guêpes, termites et coccinelles, quelques-unes des 1 400 espèces d'insectes comestibles. "Nous devons manger moins de viande ou trouver une alternative", assure le chercheur qui affirme manger régulièrement des insectes en famille.

Selon l'agence de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), la planète comptera 9 milliards d'habitants en 2050 alors que la superficie des terres agricoles a déjà commencé à diminuer. Avec dix kilos de végétaux, on produit six à huit kilos d'insectes, contre un kilo de viande seulement.

mardi 27 décembre 2011

Les Français n'ont jamais été aussi pessimistes depuis 1978 mais...

Dans la série vu sur le net.
Les Français n'ont jamais été aussi pessimistes depuis 1978 mais...
Les Français seraient toutefois "loin de détester leur présent, mais, cela devient une constante : ils n’imaginent plus de lendemains meilleurs", indique l'étude. Un contraste est constaté entre les perceptions « macro » et micro, c'est-à-dire que les Français sont plus confiants pour eux-mêmes personnellement que pour le monde ou pour leur pays, même si les deux sont évidemment liés. (L'Europe de l'ouest obtient au niveau de l'espoir personnel un score de -10 et l'Amérique du Nord de +7.)

Les céréales sont-elles vraiment les amies du petit-déjeuner ?

Dans la série lu sur le net.
Les céréales sont-elles vraiment les amies du petit-déjeuner ?: Selon l'étude d'une organisation indépendante américaine, certains paquets de céréales afficheraient une teneur en sucre trop importante, au point de présenter des risques pour la santé. Le point avec Patrick Tounian, responsable de l'unité de nutrition pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il ne manquait qu'un teckel



Ça ne payait tellement pas de mine que sitôt franchie la grille, qui râcla me semble-t-il, je fis demi-tour, soudainement je me sentais étranger en ces lieux, ce lieu que j'avais déniché par hasard, autrement dit par le biais d'une petite annonce. De ces lieux qu'on ne peut que dénicher par hasard.
Je fis demi-tour. Non de ces demi-tours qui renoncent, à peine de ceux qui hésitent, plutôt de ceux qui réfléchissent. De fait, je reculai. La grille grinça à nouveau. Je reculai. Réellement. C'est-à-dire que pour me mouver, je fis un, puis deux, puis quelques pas en arrière, jusqu'à revoir le numéro de la maison, le nom de la rue. Quitte à me déhancher. A tordre le cou.
Je relus ensuite l'adresse écrite sur le bout de papier que j'avais glissé dans ma poche.
C'était là et je me demandais comment j'allais m'y faire. Je me prenais presque à rêver que je ne retrouverais jamais cette rue, perdue dans la ville encore inconnue qui était appelée à devenir celle de mon quotidien. Que devant y revenir, je ne le pourrais pas.

C'était comme si j'avais eu besoin de ce rappel pour le transformer en autorisation. Ou en ordre.
J'étais à l'heure. Cette fois, j'entrai franchement et peut-être bien que la grille ne fit aucun bruit.
Je n'avais pas trouvé facilement. Toutes les rues se ressemblaient dans ce quartier. Un quartier ouvrier, avec des maisons basses. Certaines avec des jardins. Toutes avec des haies. Des grillages. Bien marquer son territoire.
C'était petit. Il y avait des gravillons sous la semelle, de ceux qui font splitch splitch sous les pas. Il faisait sombre subitement, comme si la lumière désertait à partir de là. J'avisai l'escalier, scindé en deux, une partie qui descendait et une qui montait. J'étais dans la cour des grands, à ma droite il y avait un semblant de pelouse et un abri de jardin. Quelques vieux arbres semblaient en panne. La maison donnait l'impression être à l'arrêt.
Je choisis de monter. Je n'allais pas tarder à redescendre. La voilà qui ouvrait déjà la porte, qui arrivait, même, il me semblait bien avoir vu un rideau tressaillir à mon arrivée. Mais elle avait attendu que je sonne.
Je ne retins de son visage qu'un teint gris, au mieux, qu'un peu de moustache, ainsi qu'un énorme grain de beauté. Il fut peut-être beau, en effet. Elle portait ses septante ans avec un air revêche et des chaussons. Un peu de flingue dans les yeux. Une voix frustre.
Je lui fus gré de ne point faire durer les présentations. De fait, c'était de l'efficace. Rappel du loyer, réglement intérieur, je ne l'écoutais pas, j'étais pressé de voir. De m'installer. J'avais envie de détaler. Je me demandais ce qui m'avait pris. Comment je m'étais débrouillé pour arriver là. Dans cette rue. Dans cette maison.
Il ne manquait qu'un teckel. Mais sûrement celui d'ici, car je n'imaginais pas qu'un teckel habitât-là à un moment donné, était mort il y a quelques semaines. Quelques mois.
Elle me montra le chemin et je reculai de nouveau pendant qu'elle descendait, ce qui m'amenait à la suivre en étant devant elle. Les graviers m'indiquèrent que la situation avait toutes les chances de se stabiliser et de fait, elle se mit à me précéder pendant que ses mains fouillaient sa blouse bleue et en extirpaient des clés. Le mouchoir en tissu resta dans la poche.
Elle ouvrit en m'indiquant qu'elle avait aéré avant que j'arrive. Le renfermé ne me surprit donc pas. Je découvrais l'appartement comme on visite une désolation de 25 mètres carrés. J'eus la politesse de ne pas éclater de rire. Je n'en avais de toutes façons pas envie. C'est pourtant ce qui me vint à l'esprit alors que je découvrais les pièces. A gauche la chambre. A droite la cuisine. Au fond les toilettes et la douche. Aux murs des tapisseries vert kaki et orange à motif. Un néon, évidemment. Je signai dessous les papiers. Je fis un chèque. J'étais chez moi pour quelques mois.

Le mélange des genres

Chez nous, cette année, les fêtes ont été placées sous le signe de l'intergénérationnel, comme on dit aujourd'hui. Cela n'avait pas coulé de source l'an dernier et je n'avais pas aimé. Du tout. Souvenir assez flippant de jeunes entre eux dans une pièces chacun devant son écran et d'anciens entre eux dans une pièce à jouer les pas si anciens que cela.
On a donc fait des tablées communes, cette année. Et aussi pris des temps pour  jouer ensemble. Plus de temps, disons. Avec l'envie comme moteur et pas seulement l'obligation.
J'ai beaucoup apprécié cela, lisant dans les yeux des uns et des autres une même lueur, finalement, quelque chose de l'ordre du plaisir communautaire. D'un ensemble pas si désuet que cela, dont on se prive peut-être trop.
Les anciens sont moins restés à cuire dans leur jus à ressasser le monde tel qu'il ne va pas très bien. Nous parlâmes prochaines élections, bien sûr ; société de consommation ; devenir de la planète. Mais ce furent quelques bribes disséminées ça et là, entre le canard et le chevreuil, l'entrée et le dessert.
Les plus jeunes sont moins restés rivés à leurs écrans, et s'ils n'ont bien sûr pas manqué d'en profiter quelques instants, ils sont restés dans le cercle, le recherchant même parfois.
Les jeunes ont eu finalement moins de difficultés à se faire à cette donne que quelques anciens, limite bousculés dans leurs retranchements. Étonnants vases communicants. Ça a également moins picolé, moins mangé, comme si les petites causes créant les grands effets, il était moins nécessaire de planquer et plus logique de vivre le moment.
Un moment qui n'a pas été avalé par la cérémonie des cadeaux. Pour le coup, moi qui suis un adepte de la hotte qui s'ouvre à minuit pile et en attendant, on fait piaffer la jeunesse, j'ai acté que c'était finalement bien plus humain d'ouvrir la hotte plus tôt, suivant en cela à la lettre les préconisations des mamans. Ce que l'on perd d'un côté, on le gagne de l'autre. Le cadeau n'est plus le but ultime de la soirée mais un des éléments. Et en ces temps consuméristes outranciers, c'est aussi une manière de résister à l'envahisseur. Tout simplement.

lundi 26 décembre 2011

Le temps du départ



Il a pointé son index sur la carte et il a décidé de se rendre là. Daoulas. Ou Loperhet. Ou La Forest-landerneau. Ou Guipavas. Il verrait bien. Il verrait sur place.
Il avait noté Partir sur son agenda à la date du 26 décembre et on était le 26 décembre. Il était donc temps de partir et lui qui était déjà parti tant de fois trouvait que ce coup-là, ce n'était pas tout à fait la même chose. Pas tout à fait le même départ.
Peut-être parce que là, il partait.

Il ne savait quelle locution y accouder. Aucune ne lui convenait tout à fait. Partir vraiment ? Partir pour de bon ? Partir enfin ? Partir, et voilà tout. Il en restât là.
Il est monté dans sa voiture avec des habits et quelques restes des cadeaux de Noël. Il avait traversée la fièvre sans une égratignure. Tout s'était enchaîné, parfaitement huilé, dans les clous de ces chaînes que sont les liens indéfectibles. On l'avait observé. C'est tout. Les mots s'étaient tus. C'était très bien ainsi.
Il a démarré la voiture et il est parti. Il  dit au revoir. Il a bu un café de plus que prévu. Elle l'a regardé partir. Il lui semble qu'elle a agité la main. Discrètement. Il n'est pas sûr qu'elle l'ait souhaité. C'est venu comme ça. Il a salué en retour.
Au début, ce départ-là a ressemblé à tous les autres départs. Rouler, suivre les routes qui se présentent, comme si tout était tracé, déjà.
Puis il a bien fallu s'occuper l'esprit.
Il connaît  tellement tous ces paysages qu'il ne les voit pas vraiment. Il n'est pas certain de vouloir les voir. Il a même envie de ne les voir plus. Mais ils sont là. Alors il les regarde. Il a mis un CD dans l'autoradio. Il écoute d'une oreille vague.
En fait, tout est  vague.
La route, la musique, ses pensées.
Il se dit de temps à autres, ça y est, je suis parti. A d'autres moments ça y est je pars. Il ne sait pas trop où il en est. C'est étrange.
Depuis plusieurs semaines, de ces semaines qui font des mois, il avait en tête ce 26 décembre, il avait rentré en lui cette date comme on se fixe un horizon, et maintenant, il était passé de l'autre côté de cet horizon, il était en quelque sorte entré en lui. Il le dépassait maintenant puisqu'il était encore dans ces moments où c'est ce qui est dans le rétroviseur qui occupe le champ de vision plus que ce qui est devant.
Il roule maintenant et il n'a pas encore atteint le cap. Ce cap où l'on délaisse le rétroviseur pour le laisser aspirer par le pare-brise. Il ne l'a pas franchi. Il se demande où ça va se passer. Il pense à ces noms exotiques, qui lui parlent, qui lui disent les espoirs à venir, qui lui disent ne te retourne pas.
Il ne se retourne pas.
Il se demande pourquoi il n'a rien écrit aux pages suivantes de son agenda.
Par exemple, il n'a pas écrit arrivée le 26 ou le 27. Ni regarder, manger, voir, dormir, chercher, trouver, rêver, sourire, pleurer, avoir mal au ventre, aimer les algues, rencontrer Mathilde, etc. Non, il n'a rien écrit.
Il hésite.
Il se demande s'il n'a rien écrit parce qu'il n'y a rien écrire, que sait-on de tous ces demains ? Il se demande s'il n'a rien écrit parce qu'il n'a pas osé écrire quelque chose ? Il se demande s'il n'a rien écrit parce que maintenant, il est dans une autre langue, un autre monde, presque, et pourtant, cette voiture, ces routes, cette destination, il connaît, tout cela, il l'a tellement fait, il les a tellement parcourues ces distances.
Peut-être que là, ce n'est pas une distance.
Peut-être que là, ce n'est pas une destination, un horizon.
Car là-bas, il va s'installer. C'est le lieu qu'il a choisi. C'est là qu'il va vivre.
Alors il pense que cette route, c'est un peu le chemin de sa naissance, il repense à sa propre naissance, comme si on le pouvait, comme si on avait gardé trace de ces instants, où l'on évolue dans le noir utérin pour débarquer toutes sonnettes hurlantes dans le vaste monde, projecteurs pleine tronche.
Il regarde la route, cette route, qui semble lui indiquer le chemin, finalement.
Il se dit, c'est peut-être elle qui décide de tout, finalement. Mon doigt n'a provoqué aucun mouvement. Il n'a fait que le suivre.
Et il roule ainsi. Il n'a pas faim. Pas soif. Il roule.
Et puis il arrive.
Et puis c'est là.
Et puis il y est.

Le temps du départ



Il a pointé son index sur la carte et il a décidé de se rendre là. Daoulas. Ou Loperhet. Ou La Forest-landerneau. Ou Guipavas. Il verrait bien. Il verrait sur place.
Il avait noté Partir sur son agenda à la date du 26 décembre et on était le 26 décembre. Il était donc temps de partir et lui qui était déjà parti tant de fois trouvait que ce coup-là, ce n'était pas tout à fait la même chose. Pas tout à fait le même départ.
Peut-être parce que là, il partait.

Il ne savait quelle locution y accouder. Aucune ne lui convenait tout à fait. Partir vraiment ? Partir pour de bon ? Partir enfin ? Partir, et voilà tout. Il en restât là.
Il est monté dans sa voiture avec des habits et quelques restes des cadeaux de Noël. Il avait traversée la fièvre sans une égratignure. Tout s'était enchaîné, parfaitement huilé, dans les clous de ces chaînes que sont les liens indéfectibles. On l'avait observé. C'est tout. Les mots s'étaient tus. C'était très bien ainsi.
Il a démarré la voiture et il est parti. Il  dit au revoir. Il a bu un café de plus que prévu. Elle l'a regardé partir. Il lui semble qu'elle a agité la main. Discrètement. Il n'est pas sûr qu'elle l'ait souhaité. C'est venu comme ça. Il a salué en retour.
Au début, ce départ-là a ressemblé à tous les autres départs. Rouler, suivre les routes qui se présentent, comme si tout était tracé, déjà.
Puis il a bien fallu s'occuper l'esprit.
Il connaît  tellement tous ces paysages qu'il ne les voit pas vraiment. Il n'est pas certain de vouloir les voir. Il a même envie de ne les voir plus. Mais ils sont là. Alors il les regarde. Il a mis un CD dans l'autoradio. Il écoute d'une oreille vague.
En fait, tout est  vague.
La route, la musique, ses pensées.
Il se dit de temps à autres, ça y est, je suis parti. A d'autres moments ça y est je pars. Il ne sait pas trop où il en est. C'est étrange.
Depuis plusieurs semaines, de ces semaines qui font des mois, il avait en tête ce 26 décembre, il avait rentré en lui cette date comme on se fixe un horizon, et maintenant, il était passé de l'autre côté de cet horizon, il était en quelque sorte entré en lui. Il le dépassait maintenant puisqu'il était encore dans ces moments où c'est ce qui est dans le rétroviseur qui occupe le champ de vision plus que ce qui est devant.
Il roule maintenant et il n'a pas encore atteint le cap. Ce cap où l'on délaisse le rétroviseur pour le laisser aspirer par le pare-brise. Il ne l'a pas franchi. Il se demande où ça va se passer. Il pense à ces noms exotiques, qui lui parlent, qui lui disent les espoirs à venir, qui lui disent ne te retourne pas.
Il ne se retourne pas.
Il se demande pourquoi il n'a rien écrit aux pages suivantes de son agenda.
Par exemple, il n'a pas écrit arrivée le 26 ou le 27. Ni regarder, manger, voir, dormir, chercher, trouver, rêver, sourire, pleurer, avoir mal au ventre, aimer les algues, rencontrer Mathilde, etc. Non, il n'a rien écrit.
Il hésite.
Il se demande s'il n'a rien écrit parce qu'il n'y a rien écrire, que sait-on de tous ces demains ? Il se demande s'il n'a rien écrit parce qu'il n'a pas osé écrire quelque chose ? Il se demande s'il n'a rien écrit parce que maintenant, il est dans une autre langue, un autre monde, presque, et pourtant, cette voiture, ces routes, cette destination, il connaît, tout cela, il l'a tellement fait, il les a tellement parcourues ces distances.
Peut-être que là, ce n'est pas une distance.
Peut-être que là, ce n'est pas une destination, un horizon.
Car là-bas, il va s'installer. C'est le lieu qu'il a choisi. C'est là qu'il va vivre.
Alors il pense que cette route, c'est un peu le chemin de sa naissance, il repense à sa propre naissance, comme si on le pouvait, comme si on avait gardé trace de ces instants, où l'on évolue dans le noir utérin pour débarquer toutes sonnettes hurlantes dans le vaste monde, projecteurs pleine tronche.
Il regarde la route, cette route, qui semble lui indiquer le chemin, finalement.
Il se dit, c'est peut-être elle qui décide de tout, finalement. Mon doigt n'a provoqué aucun mouvement. Il n'a fait que le suivre.
Et il roule ainsi. Il n'a pas faim. Pas soif. Il roule.
Et puis il arrive.
Et puis c'est là.
Et puis il y est.

samedi 24 décembre 2011

Le 24 décembre c'est cadeau !



Spéciale dédicace à Jean-Yves.

Le 24 décembre, c'est cadeau !



Faire des petits pas
Tout doux
Entendre les silences
Au-delà
des plages de l'amer
Serrer dans ses bras
Tout ces nous, tous ces vous
Toussez pas
Marcher dans la neige
Qui n'est pas tombée
Sauf dans nos yeux, nos coeurs
Mémoire du futur, déjà
Saisir l'écharpe
Aimer la Lune
Aimer la Luge
Glisser
Farter,
Oublier,
Les que n'ai-je,
A coup de bottes
Aimer
Sans vergogne.

Le 24 décembre, c'est cadeau !

et si c'était le vent qui fendait les montagnes
et si c'était la mer en son lit
si c'était un orage qui sans être annoncé
allume un silence incendie
si c'était le passé si c'était à refaire
et si le temps comptait tant et tant
si la loi et l'empreinte de deux corps qui s'unissent
faisaient revenir le printemps
si c'était ça l'amour alors ça se saurait
on l'aurait dit partout depuis longtemps déjà
si c'était ça l'amour
si des yeux caressaient une colline franche
sans chercher le mystère au-delà
sans attendre le soir les promesses du soir
si ces yeux croyaient ce qu'ils voient
si c'était une joie qu'on a su accueillir
sans regarder derrière sans regret
si c'était le bon vin qu'on boit à pleine gorge
si c'était un vin de juillet
on aurait allumé aux quatre coins du monde
d'immenses brasiers que le vent n'éteint pas
si c'était ça l'amour
si ça n'était qu'un rêve si c'était un empire
si ça n'était qu'un mot inventé
pour faire bonne figure et oublier la peur
il n'y aurait rien à ajouter
si c'était ça l'amour alors ça se saurait
on l'aurait dit partout depuis longtemps déjà
si c'était ça l'amour
on aurait allumé aux quatre coins du monde
d'immenses brasiers que le vent n'éteint pas
si c'était ça l'amour
on n'a rien placardé à la porte des villes
pas de compte à rebours avant la solution
pas de dîner dansant après la conférence
chacun rentre chez soi dormir sur la question
si c'était ça l'amour
car il est de ces choses qu'on ne vit qu'à moitié
et qu'on ne peut décrire qu'en disant leur contraire
il reste à définir aux entrailles des âmes
ce besoin de folie de grâce et de lumière
si c'était ça l'amour

Gabriel Yacoub.

vendredi 23 décembre 2011

Fragrance (5)

 J’étais reparti vers mes antipodes pas très à l’aise. J’ai souvent repensé à cette soirée en me disant que si caroline était aujourd’hui à ce point portée sur la bouteille, nous étions peut-être pour beaucoup Manu et moi.  Au boulot, elle est peu à peu devenue une ombre qui ne tient plus son équipe, pour peu qu’elle l’ait un jour tenue, ce qui était loin d’être évident. Marie avait déjà connu les gardes à vue. Elle avait fait une apparition à l’enterrement et était repartie sans jamais quitter un air rêche, le même genre d’ailleurs que sa mère mais la colère à fleur de peau. Nous avions été peu à oser nous la coltiner, je m’y étais essayé. Je voulais lui dire que ça pourrait être bine qu’elle réussisse au moins à faire une bise à sa mère, qu’elles pouvaient se serrer très fort, que sa maman n’était quand même pas la cause de tout ça, fallait pas déconner. Je l’a trouvais un peu injuste mais je pouvais aussi comprendre. Elle m’avait fusillé sur place. Pas toi, Marc, pas toi. Pas maintenant.Ne t’en mêle pas cette fois s’il te plaît. Je me surpris à me dire que sa douleur lui allait bien. Je me mis même à espérer que pour elle au moins, ça allait s’arranger. Que ça allait lui mettre du plomb dans la ganache, tout cela. Mais elle non plus je ne savais pas de quels côtés des ravins elle était au juste. Manu m’avait tenu au courant. Elle vivait on ne sait trop comment à Paris.  J’avais fermé mon clapet, l’entourant de mes bras, de ces accolades particulières où l’on sert l’autre contre soi pendant qu’une infime distance s’installe. Elle était repartie nous laissant un peu de sa foudre. Caroline semblait en tout cas tenir bon. Faisant face. Croyons-nous. Voulions-nous croire. C’était encore plus facile pour moi. J’avais retrouvé les bras et les hanches australiennes australiennes de Betty. Mais en réalité, Caro glissait, et dangereusement en plus. Manu essayait de la surveiller plus ou moins. Ce que nous devenions, on n’aurait pas parié dessus évidemment. Ce n’était pas très guilleret. Nous avions peine à penser que la vie seule était ainsi la cause de nos tourments. Je n’avais nulle intention de brusquer Mélissa et nous étions toujours assis quand quelque chose s’est passé. Un détail. Une lueur. Un frémissement. J’en avais la chair de poule. Je caressais doucement son avant-bras. Je n’avais pas la moindre idée de ce que je pourrais dire et je ne disais rien. Elle ne bronchait pas. Mais elle ne m’avait pas repoussé, c’était déjà un bon signe. C’était même la première fois depuis que j’étais revenu. Ses yeux me fixaient de ses prunelles perçantes et j’avais enfin pu soutenir ce regard seulement aujourd’hui. J’avais peut-être donné le signal sans le savoir, elle l’avait reçue et nous étions entrés en communication, j’en avais la conviction. C’est curieux comme avec certaines personnes, on a une connivence naturelle et comme avec d’autres, on aura beau dire, on aura beau faire, il ne se passera rien. Je n’avais aucune intention de m’enflammer avec cette première avancée mais j’en appréciais la chaleur. J’avais la sensation d’entrer dans un continent nouveau pour moi, et immense, et j’entendais bien y aller pas à pas. Il était temps.  Ce doit être comme le bébé qui commence à marcher vraiment, qui lâche les objets alentour, à la fois flageolant et ferme sur ses jambes. Il avance. J’avais cette impression. D’enfin pouvoir avancer. Et dans ce marasme, une bonne nouvelle était bonne à prendre. Elles n’étaient pas légion. Pour que Caroline m’ait appelé, il fallait que ça sente sacrément le roussi. - Marc, elle m’avait dit, avec un drôle de bruit de glotte, s’y mêlaient la détresse et l’impuissance, une odeur de fin du monde ou quelque chose comme ça, je ne lui avais jamais entendu cette voix, Marc, il faut que tu viennes, je n’y arrive plus, je ne m’en sors plus, je suis en train de lâcher. Le lendemain, Manu l’avait trouvée chez elle, dans son lit, tout habillée, une bouteille de vodka près de sa tête. Lui aussi m’avait téléphoné. Il haletait. Il me raconta. Putain, Marc, ça craint, là. Le pire, c’est la môme. Elle était dans sa chambre, à sa petite table, tu sais, une table Ikéa, elle dessinait, je voyais ses épaules et je ne savais pas quoi faire, je ne savais pas quoi lui dire. Caro s’est levée et elle a rien dit non plus. J’avais l’impression que des bouts de Daniel s’étaient dispersés dans toutes les pièces. J’avais quitté Melbourne le lendemain. Je pensais à Betty en me disant que le chemin serait long. Nous le savions tous. Sacrément long. Nous le devinions. Et je pensais plutôt à nous, pensant cela, davantage qu’à cette petite fille. Melissa m’avait toujours impressionné. Et elle le faisait plus encore ces derniers temps. Personne n’avait la moindre idée de ce qu’elle traversait maintenant qu’elle s’habillait tout de noir et que ses mains nerveuses étudiaient la poussière. Ce n’était pas une lubie adolescente. Ce n’est pas à douze ans qu’on se lance dans ces combats-là avant d’être avalé par le tempo des temps. Il ne faut pas tout confondre. Pas toujours projeter sur les mômes nos propres questionnements. On tient à peu de choses, parfois. Je me raccrochais à mes doigts dans ses cheveux. C’était notre fil. On a peine à imaginer qu’un jour, toute sa vie tiendra par ce fil. Que plusieurs vies même tiendront ainsi car je n’oubliais pas cette lueur entre nous. Ce lien invisible qui nous reliait Melissa et moi. Nous savions. Nous sentions. Je me demandais bien sûr comment j’allais m’y prendre. Je n’étais pas spécialement doué en enfants. En humains, plus largement. J’étais plutôt quelqu’un qui s’était barré plus souvent qu’à son tour, cultivant un air de baroudeur de pacotille, finissant en Australie la France ne suffisant plus. J’étais revenu pour Caroline. Je me rendais compte que c’était pour Melissa. L’une n’allait pas sans l’autre. On avait appris la nouvelle comme ça : Daniel est mort. Il s’est jeté du pont. J’étais là-bas. C’était il y a quoi ? Six mois, neuf mois ? Ca avait lâché une chape de plomb, une glue, quelque chose qui colle aux doigts et serre les mâchoires. Une terrible déflagration. Je n’aurais pas parié dessus. Loin, je n’étais pas à l’abri, finalement. Mais curieusement, je n’éprouvais presque pas de surprise, comme si rendez-vous avait été pris depuis longtemps. Je restai plusieurs jours non hébété mais glacial. Glacé. Devant le fait accompli. L’un de nous avait lâché. C’était Daniel. Betty avait dû apprendre à me découvrir puis à me connaître hirsute. Je ne cachais plus rien. Je n’essayais plus. J’allais bosser comme un automate. Je dormais. Je grinçait des dents la nuit. L’évidence me tirait les vers du nez. J’étais dans ces moments où quelque chose a déjà changé alors que rien ne bouge en apparence. Une salle d’attente où l’on n’attend pas. Je défiais du coin de l’œil ma vérité, celle qui m’appelait avec brutalité, à qui je demandais un peu de patience, un peu de temps. Mon cœur faisait des bonds. On n’est jamais vraiment prêt pour les moments auxquels on se prépare. Peut-être parce qu’on ne sait pas qu’on s’y prépare. Ou parce qu’on ne peut jamais être prêt. Foutaises. J’en faisais l’expérience. Betty était admirable. Elle savait le cordon coupé. Elle savourait les dernières miettes. J’avais toujours admiré chez elle cette capacité à prendre même si ce n’étaient que quelques gouttes.  Ce fut presque soulagement lorsque j’ai reçu l’appel de Caroline. C’était sûrement le signal que j’attendais. Elle articulait à peine. J’entendais cette langue des tréfonds. Je lâchai tout tout de suite et comme je m’y attendais, je n’avais pas grand-chose à lâcher finalement. C’était de toute façon trop dur. Je ruminais seul à l’autre bout du monde. Je pense que je faisais comme les autres, enfin ceux qui avaient connu Daniel. Je plongeais plus souvent qu’à mon tour dans mes souvenirs, j’essayais de comprendre, de dénicher un signe, une piste, une idée. Rien, évidemment. Tous nous cherchions à comprendre ce qui avait bien pu se passer dans un mélange de peur et de culpabilité. On avait tous prit une part, on la portait comme un poids supplémentaire. On n’en disait rien à personne. C’était comme un mal de dent qui sourdine, on essayait de trouver la racine du mal. Mais à distance comme je l’étais, ce n’était pas tenable. Nous avions besoin de nous parler, de nous regarder, de nous toucher. De nous rapprocher. Peut-être qu’au fond, je n’étais jamais vraiment parti. Peut-être bien qu’en vérité, je n’avais fait qu’attendre une échéance, quelque chose qui me dirait, voilà, le moment est arrivé, il est temps. Ma famille se disloquait. On venait de perdre l’un des nôtres. Personne n’allait y survivre si nous restions chacun dans nos égoïsmes. J’avais proposé à Betty de venir avec moi, elle avait secoué la tête, en souriant. Nous fîmes l’amour pour la dernière fois la veille de mon départ, avec cette curieuse solennité qui étreint parfois. Ce n’est pas que le temps manque soudain, ce n’est pas l’envie de tout réussir au dernier moment y compris ce qu’on a raté, surtout ce qu’on a raté, c’est juste cette furieuse sensation que le sable a quitté la sablier et qu’on est dans le passé. Car sinon, on est à l’heure dans sa vie. Mes doigts glissaient le long de son dos et ne convoquaient pas le sort. Pas de larmes mais des gouttes de sueur qui disent la douche prochaine. On n’en est plu à rire aux éclats. C’est l’heure. Je ne regardai pas l’Australie à qui je ne demandais aucun adieu. A l’aéroport, Betty ne pleurait donc pas, elle affichait au contraire un ultime sourire, une main calme, on se disait adieu, c’était mieux qu’au-revoir finalement. Nous étions conscients que nous n’allions plus nous revoir malgré les promesses de circonstances. Je reviendrai dés que je pourrai, j’avais dit. Bien sûr, et moi, je découvrirai enfin la France, elle avait ajouté. Nous avions passé de bons moments, et nous savions que c’était déjà pas mal d’avoir pu se rencontrer et partager un bout de vie. C’était loin d’être évident, au départ. Tous ces kilomètres entre nous en d’autres temps auraient été infranchissables. Je pensais à Daniel en m’installant dans l’avion. J’avais envie de dire bonjour. Tant pis pour les adieux. Je mettais de l’application dans chaque pas qui était le dernier sur cette terre où je m’étais installé il y a neuf ans. Je ne me retournais pas. Je n’avais rien à retourner. Rien d’autre qui n’ait été déjà retourné. Nous n’avions pas eu d’enfants, Betty et moi. Rien acheté en commun. Notre patrimoine était dans nos mémoires et c’était déjà pas mal. Il y a tellement de gens avec qui on ne vit rien en les voyant tous les jours que je savais pouvoir apprécier ce que Betty et moi nous nous étions donnés. Elle ne pouvait pas m’accompagner, tout simplement.  Rien ne me retenait et je me disais que ça ne pesait finalement pas bien lourd neuf ans dans une escarcelle. Caressant le bras de Melissa, arpentant son continent devenu mon nouvel univers, je sentais que notre conversation silencieuse n’était pas pour moi un langage inconnu. Je sentais que d’autres songes me secouaient. Je pensais plus que d’habitude à mon père. Ce n’était pas surprise. Tôt ou tard, j’allais devoir plonger. Peut-être bien que Melissa m’aidait. J’avais onze ans.  Je ne faisais en tout cas pas partie de ceux qui se culpabilisaient en surface. Daniel n’a jamais été doué pour conduire son existence, voilà ce que je m’étais dit après avoir accusé le choc comme tout le monde. Non, pas doué du tout. Il avait cette capacité incroyable de transformer en boue les pépites qui se déposaient à ses pieds. Il aurait dû investir dans cette capacité à trouver des pépites, plutôt que de se vautrer dans la boue. Il y avait puisé une philosophie. Tu comprends, il m’avait dit un soir, je me sens mieux dans la galère. Ca me fait peur, moi, quand ça va bien.  Alors il passait d’une aventure à une autre.  Caroline avait fini par se lasser. Elle était partie avec ses feux filles.  On ne pense pas assez aux miracles qui souvent nous font conduire nos pas bien plus loin qu’on ne l’aurait cru.  Melissa continuait de me parler sans mot dire, de regard à regard, de yeux fermés en yeux fermés, avec l’intensité de ses douze ans. Je commençais à comprendre. Qu’elle me posait des questions. Qu’elle n’était pas partie s’enfermer dans une cellule mais au contraire, qu’elle était bel et bien là.  Elle arpentait le monde avec le désir, furieux, impérieux, de savoir, de comprendre. Et mes yeux essayaient maintenant de lui répondre, c’est cela qui avait changé. Pour le moment, je lui disais que je ne savais pas, qu’on ne sait jamais, qu’on ne peut pas savoir. Je pensais aussi, il va te falloir vivre avec ça, ma fille, te le coltiner comme on trimballe un rocher dans son baluchon, ce sera ton lot, malheureusement, et si j’ai un conseil à te donner, un seul, c’est, accepte-le ce rocher, accueille-le, crois-moi, je sais de quoi je parle. Elle clignait alors des yeux, et s’endormait sur mon épaule. Je savais qu’elle me croyait quand je lui disais que nous serions là aussi longtemps que possible, à ses côtés, pour l’aider à faire avec ce mur qui s’était dressé devant ses pas. Depuis le suicide de Daniel, je découvrais que tout était dans ce mot, possible, et que je ne lui mentais pas. Elle m’apprenait ça, Melissa. J’aimais bien.   Daniel n’avait pas laissé de mots. Rien qui puisse expliquer son geste. Rien qui puisse soulager un peu la conscience den ceux qui restaient. C’était bien son genre. Personne n’avait été surpris. On ne savait pas s’il estimait avoir tout dit, ou s’il avait eu son légendaire sourire en coin en partant, seul sur son pont, ce soir-là. Il avait évoqué la mort, en équilibre fragile sur une colonne. Ca l’amusait. Il avait levé les bras en disant qu’il n’avait pas peur. On l’avait retrouvé un matin trente mètres plus bas. Ce pont où des années avant, ensemble, nous étions allés terminer une nuit. Ce pont où Caroline et lui s’étaient promis. Puis quelques années plus tard avaient décidé de divorcer. Sûrement que ce soir-là, il avait juste sauté en plus.  Je n’étais pas loin de penser qu’il n’avait pas eu peur, et pas seulement parce que son taux d’alcool était élevé. J’essayais aussi de dire cela à Melissa. Ce n’est pas en sautant et en retombant qu’il avait le plus souffert, tu sais. C’est avant. Bien avant. Avant que Marie et toi ne naissiez. Vous étiez ses plus belles émotions, tu sais. Et son départ ne signifie pas qu’il vous a abandonnées. Non. C’est juste qu’il ne pouvait plus. Penses à tous ces pas que vous avez fait ensemble. Pense aussi à tout ce qu’il a dû accomplir pour arriver là, à cet endroit, ce dimanche précisément. J’étais sorti du camion en me disant qu’il était vraiment insupportable, ce Bruno. Un con.  Sympa mais con. Très con. Plein de vie, c’est sûr. Mais trop. Il nous avait présenté son matériel dans son camion et cela ne présentait aucun intérêt pour nous, c’est évident. Mais pas pour lui. Il était fier de ce qu’il était devenu, j’en ai chié semblait-il dire à chaque phrase, chaque clin d’œil, chaque mouvement bras. Son camion, c’était sa planète, son univers et il avait les yeux doux comme des agneaux en embrassant tout cela. Regardez comme je me suis refait la cerise, il disait. Il portait une gourmette. Une chaîne en or. Il projetait de se refaire les dents. J’ai de l’ambition à revendre, il gueulait. Je vais tout casser maintenant. Caro lui donnait des ailes. Ils formaient un couple asymétrique, disons-le. De ces couples qui naissent dans des bars, à force de nuits allongées à coups de verres qu’on se paie à tout de rôle. Il s’était un jour glissé en elle, elle l’avait probablement laissé faire, usée, fatiguée, abandonnée et il s’était installé dans le paysage. Bruno avait les yeux immenses lorsqu’il la regardait. Caro, c’était sa princesse. Il avait arrêté de boire après qu’elle se soit installée chez lui. Il la couvait. Il n’y croyait toujours pas. Elle avait aussi besoin de cela, on ne s’en cachait pas. Une présence trop humaine pour être vraie. Lui, plutôt petit, bientôt gros. Elle plutôt élancée, le genre tout de même à attirer l’attention lorsqu’on la croisait dans la rue.  Elle n’allait pas bien.  A mesure, elle faisait partie de ces personnes dont on se demande ce qui les raccroche au juste à l’existence. Elle s’y agrippait tant bien que mal, funambule dans un labyrinthe, marchant à tâtons plus souvent qu’à son tour, prenant chaque jour après l’autre. Rien n’était facile pour elle depuis la mort de Daniel. Elle ne demandait l’aide de personne. Elle avait fini par accepter de venir s’installer avec Melissa. Elle avait décidé de garder son appartement. Au cas où elle m’avait dit. J’en profitais aussi : c’est là que j’avais aménagé. C’était grand et je m’y perdais la nuit, lorsque je ne parvenais pas à dormir. Je respirais leur vie et c’est la mienne que je reniflais. J’étais revenu quelques mois plus tôt. J’avais passé neuf ans en Australie. Manu ne lui avait rien dit de mon retour. Il m’avait juste rappelé l’existence, mais c’était inutile tellement je l’avais en tête, notre serment. Il était temps que je l’honorât. Que je fasse ma part, autrement dit. Il induisait cela, le coup de fil de Manu. Un côté, vieux, il serait temps maintenant que tu t’acquittes de ta dette. Ou quelque chose comme ça. Moi j’ai donné. J’ai largement donné. Je suis au bout du rouleau. Je le comprenais. C’était mon tour mais ça me faisait drôle d’imaginer un retour. Ca faisait beaucoup, tout ça. Beaucoup d’un coup. Heureusement que Betty ne s’était pas inscrite sur la liste de ceux qui me compliquent la vie. Notre histoire avait toujours été simple, de ce côté-là. A l’image de notre rencontre. Tranquille. Une tranquillité que Betty arrosait comme un jardin. Elle sortait d’expériences douloureuses, et elle ne voulait plus tendre la joue. Nous passions notre temps à avancer à tâtons, comme deux somnambules, et cela nous convenait parfaitement. Avec Betty, le temps prenait une nouvelle dimension pour moi et quitter Melbourne, ça me donnait un peu l’impression de lâcher la main de celle avec qui j’avais pris l’habitude de traverser un étroit ravin.  Manu était venu me chercher à l’aéroport. Et effectivement, il semblait lessivé. Il me raconta tout de suite l’enterrement, l’état de Caroline, ses inquiétudes, son boulot, sa famille. Au moins j’étais dans le bain. On est allé manger un morceau. Il avait un regard que je ne lui connaissais pas. Je me demandais s’il était sous médocs. Sûrement.  Je n’avais pas l’intention de lui poser de questions, il ne me réponderait pas de toutes façons. Il était de ceux qui ne parlent jamais d’eux-mêmes. Ou de travers. Et puis sur un point il n’avait pas changé : dans sa tête, il avait déjà tout prévu. Ca ne servait à rien d’en débattre. Je l’écoutais, plus attentif à comment il était qu’à ce qu’il disait. Il serait largement temps par la suite, à l’usage, de frotter nos avis.  Betty m’avait bien arrosé aussi, je me disais, pendant que Manu causait.  Sur ce point, j’étais rassuré en même temps qu’une boule me serrait les tripes. Elle ne me quittait pas depuis que j’avais décidé de quitter l’Australie et de revenir en France. Mais à certains moments, elle se faisait plus offensive. J’allai au chiottes. Manu avait raison. Il nous fallait faire quelque chose. Daniel n’était plus là. Même divorcé d’avec Caro, il était là. Plus maintenant. C’était à Manu et à moi d’assurer. Manu ne pouvait plus. C’était à moi. J’ai décidé de les amener toutes les deux à la mer. Téter l’océan ferait le plus grand bien. J’étais allé chercher une carte de France et j’avais dit à Melissa, allez, tu fermes les yeux, tu pointes ton index sur un endroit, et on y va. Après, ce sera au tour de ta mère. Puis le mien, etc. J’avais téléphoné au boulot de Caroline. On m’avait passé son chef. Je lui avais expliqué. Je lui avais demandé s’ils pouvaient faire un geste. Il s’était embrouillé dans des explications vaseuses, j’avais raccroché. J’avais appelé son médecin. On avait convenu d’un arrêt maladie jusqu’en octobre. De mon côté, j’avais de l’argent de côté. Nous pourrions tenir quelques mois. Manu préviendrait l’école de Melissa et ferait son affaire de Bruno. J’ai envoyé un mail à Betty. Nous sommes partis un 13 avril. Nous avions emprunté un camping-car à un copain de Manu. Nous aurions pu voir avec Bruno mais j’avais été catégorique. Pas question. Caro avait d’abord refusé le projet, surtout quand je lui avais dit qu’elle devait juste s’engager à ne pas boire en journée et en présence de sa fille. Je ne pourrai pas, Marc, je ne pourrai pas, elle avait dit. On sera comme des sardines, les uns sur les autres. Ca va pas tenir longtemps. Je lui avais répondu que j’en prenais le risque. Que ça valait le coup de tenter. Qu’au point où nous en étions les uns et les autres, nous ne craignions pas grand-chose. Et je me suis occupé de tout pour ton boulot, l’école de Melissa, l’argent, ne t’inquiète pas, j’avais conclu.  Elle avait lâché la partie. C’est vrai que je prenais des risques, et le médecin m’avait prévenu. Mais je ne savais pas de quels risques au juste il était question. Les médecins font toujours ceux qui savent mieux que nous. Leur auréole de savoir semblait les immuniser quand ils vous parlaient avec cet air de prévenir et de se préparer pour la suite. Je vous l’avais bien dit.  Je me sentais armé. J’avais confiance en Melissa. Je ne me voyais pas dire ça. Je fus cependant dérouté d’emblée. Elle a voulu que nous prenions le même itinéraire que Astérix et Obélix dans le Tour de Gaule. Je n’aurais pas parié là-dessus. J’étais troublé. Avec Daniel et Manu, on avait évoqué cette idée. Nous aurions préféré aller sur les traces de Luky Luke, ou du Lieutenant Blueberry, mais nos porte-monnaies ne nous le permettaient pas. La seule fois où on aurait pu, Caro tombait enceinte. Melissa était assise à côté de moi, la bande dessinée à portée de main, et avant la Bretagne, nous étions passés par Lyon, Cambrai, Paris, Toulouse. On s’exclamait par moments au son des par bélénos et par toutatis et chaque soir, nous dessinions sur une carte le chemin que nous avions fait, continuant à nous apprivoiser à distance. Nous notions sur un carnet ce qui nous passait par la tête. Je me sentais bien sa compagnie. Elle souriait parfois et je ressentais la même sensation qu’un coup de dent dans une tartine passée au grille-pain sur laquelle on étalait du beurre. Caroline restait à l’arrière. Elle dormait beaucoup et souriait parfois. La plupart du temps, elle demeurait silencieuse, muette plus tôt, nous formions un drôle de trio pendant qu’alentour, on devait nous prendre pour une gentille famille. Caroline devenue Carolix et moi Marcix, Melissa avait pris les commandes. Sa mère n’avait pas voix au chapitre pour l’instant, c’était convenu comme ça, et ça allait bien, je serais bien incapable d’écrire la moindre ligne, avait-elle commentée à l’heure de signer le contrat que nous avions rédigé pour rire mais pas seulement.  Elle avait juste fait une entorse pour négocier un petit tour à Honfleur. Elle avait demandé audience, Melissa et moi avions délibéré et donné notre écort. Ce fut erreur. Je ne m’en étais souvenu que plus tard : c’est là-bas qu’elle avait passé son voyage de noces. Elle lâcha des larmes bien avant qu’on arrive et bien après que nous soyons repartis pendant que j’expliquais à Melissa ce qu’il s’était passé. J’adorais cette petite : avec elle, peu de mots suffisaient. - C’est normal que ta maman pleure ici, tu sais. - Oui je sais.  - Après son mariage avec ton père… - Je sais.  Et voilà. Carolix était repartie à l’arrière pendant que nous mettions le cap sur la Bretagne. Nous avions prévu d’y passer un peu plus de temps pour aller chercher du gui dans la forêt de Brocéliande. Je passais en boucle Didier Squiban. Melissa et sa mère n’avaient quasiment aucun échange et cela me souciait quand même. Je n’étais pas certain de trouver cela très sain. La petite, chaque jour, ajoutait une pièce dans la grande tirelire des êtres qui se rencontrent en ayant fait du temps leur allié. Par petites touches, elle m’ouvrait des lucarnes, et je préférais ça à chercher des clés partout. Je m’engouffrais dans ces espaces avec avidité, je me faisais penser à ces pigeons à l’affût des miettes sous les bancs publics. Je n’aimais pas ces bestioles mais je n’étais pas doué en verrous et je faisais partie de ceux qui ouvrent le bec quand quelque chose tombe.  Caro serrait les mâchoires et se concentrait sur cette tâche. Elle m’avait dit un soir, je vais y aller seconde par seconde, il ne faudra pas m’en vouloir, je fais comme je peux, je te le promets. Elle ne crachait pas sur des petites gélules si nécessaire et elle était dans les clous. Vu son état, j’apprenais à me contenter des quelques bribes qu’elle s’autorisait chaque jour. Une mèche de cheveux, courir sur une plage, boire un café en terrasse, faire quelques courses. Nous formions un drôle d’équipage. Car moi aussi je tournais autour du pot. Je regardais la carte que nous dessinions, les gribouillis qui convergeaient à un endroit, les vides alentour et un soir, pendant que les filles dormaient, j’avais accepté l’idée d’y aller moi aussi seconde par seconde, de trouver mon rythme dans ce merdier. Ca m’avait du bien. J’évitais avec soin un endroit et pas n’importe lequel. Je savais maintenant que nous finirions par y arriver, que la convalescence valait pour chacun, même si je ne savais pas si nous avions à enterrer ou à déterrer quelque chose.  Un matin, je m’étais réveillé avant les autres et je n’avais pas osé bouger. Elles avaient chacune leur tête posée sur moi, je sentais leurs cheveux, je touchais leurs épaules et je me sentais vivant. C’est là qu’on frappa au pare-brise. Je sursautai. Elles se réveillèrent. Un type trépignait. Assez vieux, tenue de paysan sur le retour, regard lumineux - Vous faites quoi là-dedans, il gueulait.  - J’arrive, j’arrive, je criai. Curieux pays, je me disais en enfilant mes vêtements, on se met vite à brailler, ici. C’est quoi ? - Quoi c’est quoi ? - Ben vous voulez quoi ? - Mais je veux rien, mon gars. C’est le monde à l’envers, ça. Ce que je vois, sauf erreur, c’est que ton camion, il est sur mon terrain. Et jusqu’à preuve du contraire, sur mon terrain, on me demande avant d’y poser son camion, voilà quoi.  Il bougonnait et après avoir regardé son sourcil broussailleux, je lui proposai de nous éloigner un peu. - Elles dorment encore, je lui précisai. - Qui elles ? Et quoi, elles dorment ? A c’t’heure ? Mais je m’en fous moi, c’est pas des heures pour dormir, ça. - Eloignons-nous quand même, je vais vous expliquer, je gueulai. J’avais compris que notre homme ne cracherait pas sur un peu de discussion, il était du genre à aimer la vie des autres, à raconter ça pendant les parties de belote. Je pouvais bien prendre ce temps-là et nous étions sur son terrain. Je ne m’attendais pas à sa réaction. Il m’avait écouté bredouiller mon histoire, puis s’était dirigé vers le camping-car. Caroline et Melissa s’étaient assises sur l’escalier. Voilà ce qu’on va faire, il leur a dit. Vous me suivez et on va prendre un bon petit déjeuner. Z’êtes rachitiques vous deux, je vais vous requinquer, moi. Il beuglait toujours et personne n’avait envie de broncher. Nous sourions. Je ne savais pas encore qu’elle était ma fille.

Il y a des jours... (2)

Un témoignage en passant. Une histoire vraie. Difficile à narrer par écrit, mais croyez moi, quand c'est l'auteur qui vous la raconte, vos yeux pleurent à la fin et vous en avez mal au ventre.

Le genre : communication(s)*
La situation : un gars "rincé" un peu ivre de fatigue qui sort de 3 heures de jacuzzi, massage, sauna et autres agapes liquides et qui va prendre la douche réglementaire pour sortir de l'établissement.
Le contexte :  un haut lieu Lorrain du thermalisme.
La scène : se passe côté douches, donc. Notre ami s'aperçoit qu'il n'a pas avec lui les produits douche et shampoing. Il hèle sa compagne, dans une voisine cabine, et lui demande où sont donc ces produits. Elle lui répond. Il entend " C'est avec l'eau". Elle prétend avoir dit "C'est à côté de l'eau".
La conséquence : Il prend sa douche, épaté par ces établissements qui réussissent l'exploit d'intégrer à l'eau du produit lavant. Il s'étonne simplement que les produits moussent peu.
Le choc : Quelques heures plus tard. Chez des amis. C'est le soir. C'est repas. L'un des convives évoque les produits douche et shampoing, notant que l'établissement a fait des progrès. Il témoigne : " ça sentait bon ! ". Notre ami est alors saisi d'une étrange lueur dans l'oeil. Il vient de réaliser que sa douche à lui n'avait pas d'odeur. Il comprend alors. 
La conclusion : parfois, lorsque l'on entend au premier degré, et que l'on a suffisamment de suite dans les idées, on peut parfaitement se laver sans se laver. Par exemple.
Le fou-rire : survient quand l'ami évoque sa mésaventure. Son aventure, plus tôt. Car pendant que les terriens se rinçaient les cheveux, un extra-terrestre était à côté d'eux, faisait mine de se laver, inventant l'eau automatiquement savonneuse, sans mousse et sans odeur, l'eau qui rince d'elle-même.
La méditation (1)  : savons-nous toujours où en sont les jeux qui sont à côté de nous ? Dans quelles sphères évoluent-ils ?
La méditation (2) : Lorsque quelqu'un nous dit quelque chose, a-t-il dit ce que nous avons entendu ? Avons-nous entendu ce qu'il a dit ?


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Pas si tordu tour du monde

Plongée dans mes "CD" ce matin.
Objectif : rassembler les albums que j'ai envie d'écouter en ce moment. Créer une "compilation" musique d'ambiance. Lancer le tout en mode "aléatoire". Et alors, se laisser bercer, accompagner. S'imprégner. Se remplir. Musique, je t'aime quand tu es ainsi nourriture. Quand tu es ainsi partage.
Un vrai compte de Noël qui, de A à Z,  donne une centaine d'albums qui vont de "A Musical Journey in Africa" à "Zenzile" en passant par Beltuner, Bertrand Cantat, Carlos Nunez, Tonio Carotone, Corsica, Denez Prigent, Daniel Waro, Didier Laloy, Desert Blues, Eddie Vedder, les deux Emilie (Simon, Loizeau), Estrella Morente, Gonzales, Hadouk trio, Damon Albarn, Peter Gabriel, Kate Bush, Laïs, Sting, Kroke, Lambchop, JJ Cale, Laïs, Lhasa, Lyre le Temps, Paolo Conte, René Aubry, Renaud Garcia-Fons, Rodrigo y Gabriela, Xavier Rudd, Sidi Touré, Salik Keita, Tinariwen, Gabriel Yacoub, Zaz. PLus bien sûr les incontournables : Thiefaine-Bashung-Manset.
Un voyage très estampillé "monde" mais aussi très son.
Et c'est bien connu : le son c'est bon.
Derrière, sans doute, en toile de son, la rencontre avec une humanité certaine.
Fait du bien en ces temps qui cavalent.
Devant, sans doute, un désir de se réchauffer, d'entendre les sons et les voix qui  disentnon l'effroi mais le chaud. Aux quatre coins du village monde.

La musique qui sert de notice

Cordialités


Entre eux et nous, c'est une grande histoire. Souvent, c'est même une grande et belle histoire. Une histoire de cœur. Ce sont des personnes de tous milieux, des hommes, des femmes, des enfants aussi, parfois.
Certains croyaient avoir bon cœur. Ils ont connu le coup de cœur.
D'autres se disaient : « à cœur vaillant, rien d'impossible ». Aujourd'hui, il s'emballe. Trop vite, trop fort, leur cœur bat la chamade.
Les cœurs de pierre craignent d'avoir un jour le cœur sur la main, les cœurs d'artichaut ont peur d'avoir le cœur au bord des lèvres. Les acharnés, les bosseurs regrettent d'avoir tant mis leur cœur à l'ouvrage.
Mais que croyaient-ils donc, tous ? Qu'il suffisait d'avoir un cœur gros comme ça pour que tout roule ?


Pom-potom-pom-potom-pom-potom... Ah le joli bruit du cœur léger au rythme bien régulier !

Ceux qui n'écoutaient que leur cœur, font leur joli cœur. « A votre bon cœur, Mesdames ! Cœur qui soupire n'a pas ce qu'il désire. » Ils soulèvent le cœur des donzelles puis les abandonnent du jour au lendemain. Loin des yeux, loin du cœur ! Elles étaient des coeurs à prendre et elles se retrouvent avec le cœur gros. Pour finir, certaines auront leur cœur brisé à jamais...


Pom... po... tom... pom... po... tom... pom... po... tom...


Chômage, divorce, décès dépression, crise économique, vieillesse, solitude... Les aléas de la vie frôlent certains d'entre-nous mais terrassent les plus fragiles. Ils ont le cœur serré à l'idée d'aller bosser, le cœur lourd, ils affrontent les agressions de toutes sortes. Ils ont pourtant mis du cœur à l'ouvrage mais la famille, les voisins, les supérieurs, les autres sont sans-cœur. Aucune reconnaissance mais peut-être prennent-ils trop les choses à cœur. Possible...
Une certaine catégorie d'imprudents, si le cœur leur en dit, foncent !!! Ils sourient, leurs yeux se glissent dans ceux de leur interlocuteur. Ils sont en confiance et s'expriment à cœur ouvert à celui ou celle qui leur semble avoir un cœur d'or. Mais il n'y a pas plus dangereux que le contre-coeur. Encore un truc à se faire arracher le cœur ! Et c'est la bouche en cœur et la main sur le cœur qu'ils jurent qu'ils ne l'ont pas fait exprès, qu'ils n'ont rien vu venir...
Ils regrettent tous. Ils espèrent tous. Et c'est le cœur battant qu'ils arrivent chez nous. Et pas de gaieté de cœur, croyez-moi !

Pompotompompotompompotom...


Certains repartiront le cœur léger, soulagés et plein de bonnes résolutions pour l'avenir. Oui, ils perdront du poids, feront de l'exercice. Bien-sûr qu'ils se reposeront ! Oui, ils arrêteront de fumer. Dès maintenant ! Enfin, dès que le paquet entamé sera terminé...
D'autres, le cœur lourd entendront le diagnostic tomber comme un couperet. Ils devront apprendre par cœur de nouvelles règles de vie. On les opèrera. On les suivra. On les disputera. On voudra en avoir le cœur net. Leur cœur malade deviendra un cœur d'enfant, battant à tout rompre dès qu'il verra la blouse blanche s'approcher. Cela s'appelle d'ailleurs le syndrome de la blouse blanche et cela fausse très vicieusement les électrocardiogrammes et les prises de tension artérielle. On sera de tout cœur avec ceux-là et on essaiera de leur donner du cœur au ventre. Enfin, s'ils le veulent bien...
Entre eux et nous, c'est une grande et belle histoire. Ah au fait, je ne vous ai pas dit : je suis secrétaire au service cardiologie du centre hospitalier de ma ville. J'aime mon boulot que je prends très à cœur. Mais cela, vous vous en doutiez déjà, non ?

C'est de tout cœur, que je vous souhaite, à toutes et tous ainsi qu'à vos familles, d'excellentes fêtes de fin d'année !

jeudi 22 décembre 2011

Il y a des jours...

Un témoignage en passant.
Le genre : glauque*
La situation : un gamin de 12 ans, "bousculé" par un ado de 16 ans.
Le contexte : un papa divorcé qui aménage avec son fils chez sa nouvelle compagne.
Le qui est qui : le gamin de 12 ans est celui du papa. L'ado de 16 est le fils de la nouvelle compagne.
La scène : se passe en l'absence des parents. 12 ans était dans sa chambre. 16 ans est venu l'y trouver.
La virgule : gars de 12 ans ne dit rien à personne, sauf à sa soeur, quelques jours plus tard. Laquelle alerte sa mère. Laquelle alerte le père. Lequel fissa déménage.
La conclusion : Tout le monde est sous le choc. Moi aussi. Je ne sais pas comment je réagirais. Encore moins comment je gérerais.

* Glauque, adjectif : sinistre, triste [Familier]. Ex Atmosphère glauque. Synonyme sordide.

Siffler

Puisque vous ne vous le demandez pas, et ne me le demandez pas, le voici !
L'air qui me trotte dans la tête et que je siffle régulièrement ces jours-ci.
Cadeau !

mercredi 21 décembre 2011

Les références inversées

J'aime relever les références inversées.
A cette heure, il ne m'en vient que deux à l'esprit. Alors, je compte sur vous pour partager les vôtres.
1. Un jour, mes enfants étaient petits et nous avions assisté à une messe. Lorsqu'ils ont entendu "Aaaaaaamen", ils ont dit "c'est comme "Chaussée aux moines".
2. Aujourd'hui, installé sur un point de vue, un large panorama s'offrait à moi. Je détaillai en contre-bas, tous les lieux et les choses que je connais bien. Et j'ai dit : "On se croirait sur Google Maps"

Si d'autres me reviennent je les ajouterai. J'attends les vôtres.

mardi 20 décembre 2011

Lucarne


  

Regardé hier l'année du zapping sur Canal +. Fascinant ce voyage dans l'année qui vient de s'écouler et qui nous est distillée par les images télévisées.A plusieurs reprises, je me suis juste dit, incroyable, quand même, cette année 2011.
Ca n'a pas arrêté, ici, là, ailleurs.
Où l'on se sent en passant citoyen du village monde, peut-être plus que jamais, peut-être chaque année un peu plus. Et où le décalage entre nos vies occidentales et ce village est parfois tout simplement choquant.
En lire plus ici sur le site du Parisien.
J'en profite pour vous demander...
Et vous, dans l'actualité, qu'est-ce qui vous a le plus marqué en 2011 ?

La boite

légende.


J'ai reçu la boite de cassoulet dans mon courrier. Je n'avais pas reconnu d'écriture. Je n'avais pas ouvert tout de suite l'enveloppe kraft. Posée sur le meuble dans l'entrée, je la vis à nouveau quelques heures plus tard. Fin de journée. Presque par hasard. Elle m'était sortie de la tête. Tout me revint d'un coup.
J'ai ouvert. Mon coeur a fait un sprint. Je suis parti dans la foulée.
J'ai roulé d'une traite et je me suis retrouvé sur les hauts de Cornus alors que la nuit n'était pas encore partie. Le jour se levait à peine. Il fallait le savoir. Avoir l'oeil. Tendre l'oreille.
J'avais pose la boite à côté de moi, sur le siège passager.
Un passager dont la conversation m'avait tenu éveillé sans difficultés.
J'ai commencé à grimper et lorsque je suis arrivé, il était là, évidemment.

Il n'avait pas perdu cette habitude de surgir, comme ça, d'un endroit d'où on ne l'attendait pas alors que lui attendait avec la patience du chasseur. Sûrement qu'il m'avait vu arriver, qu'il m'avait regardé monter. Il était de ceux qui n'ont pas besoin de jumelles.
Il n'avait pas non plus inventé les civilités.
Nous ne nous étions pas vus depuis 28 ans et ses premiers mots furent pour me dire qu'il avait préparé le feu. De fait, regardant derrière lui, j'aperçus de la fumée. Je frissonnai. Je n'étais pas fâché de me rapprocher et de me réchauffer.
La gamelle était là.
J'y versai le cassoulet.
Le café attendrait.
Je regardais alentour pendant que je touillais. Il s'était assis. Nous respirions. Il but de l'eau. Enfin, il avait une gourde. Ne me proposa rien.
J'éteignais dans ma tête les mille et une phrases qui me venaient, parfois dans l'ordre, souvent dans le désordre. Je retrouvais ce langage inconnu. Ce langage oublié.
Il sortir de je ne sais où deux gamelles en fer blanc. Deux couteaux suisse. Il me les tendit. Je versai le cassoulet, veillant à ce que nous ayons chacun une saucisse. Il mangea aussitôt. Je me brûlai. Il sortit du pain. Nous raclâmes en silence. N'en laissant pas une goutte. Pas une miette.
Tout était si loin, de prime abord. Et tout était revenu en une fraction de seconde, en vérité.
Nous mangions ce cassoulet reprenant l'histoire là où elle était restée. Plus une trace de ces vingt-huit années et pendant que je crevais d'envie de les évoquer, ces 28 ans, de nous les raconter, lui essuyait consciencieusement son assiette. Toute cette route pour nous rapprocher, nous retrouver et en réalité nous savoir encore aux antipodes l'un de l'autre.
Les nuages ressemblaient à des ballons de baudruche dont on avait enfin décidé de lâcher la bride.
On voyait devant, maintenant. On voyait dessous, surtout. Je n'avais pas la moindre idée de ce que Guillaume allait faire. Quant à moi, mes idées, elles étaient mortes lorsqu'il avait débarqué. Mes promesses s'étaient volatilisées.
Je repris un bout du pain.
Il m'a dit que Lucie était morte. Il a juste dit ça, comme ça : Lucie est morte.
Il a pris le fusil que je n'avais pas vu et qui était posé à côté de lui. Il m'a dit, on va trouver le salaud qui a fait ça. Il a juste dit : On va trouver le salaud qui a fait ça.
Et puis il s'est tiré une balle dans la tête.
Une fraction de seconde avant, il m'avait lancé un bout de papier. Chiffonné.
Dessus, une adresse.

Musique inspirante

La boite

légende.


J'ai reçu la boite de cassoulet dans mon courrier. Je n'avais pas reconnu d'écriture. Je n'avais pas ouvert tout de suite l'enveloppe kraft. Posée sur le meuble dans l'entrée, je la vis à nouveau quelques heures plus tard. Fin de journée. Presque par hasard. Elle m'était sortie de la tête. Tout me revint d'un coup.
J'ai ouvert. Mon coeur a fait un sprint. Je suis parti dans la foulée.
J'ai roulé d'une traite et je me suis retrouvé sur les hauts de Cornus alors que la nuit n'était pas encore partie. Le jour se levait à peine. Il fallait le savoir. Avoir l'oeil. Tendre l'oreille.
J'avais pose la boite à côté de moi, sur le siège passager.
Un passager dont la conversation m'avait tenu éveillé sans difficultés.
J'ai commencé à grimper et lorsque je suis arrivé, il était là, évidemment.

Il n'avait pas perdu cette habitude de surgir, comme ça, d'un endroit d'où on ne l'attendait pas alors que lui attendait avec la patience du chasseur. Sûrement qu'il m'avait vu arriver, qu'il m'avait regardé monter. Il était de ceux qui n'ont pas besoin de jumelles.
Il n'avait pas non plus inventé les civilités.
Nous ne nous étions pas vus depuis 28 ans et ses premiers mots furent pour me dire qu'il avait préparé le feu. De fait, regardant derrière lui, j'aperçus de la fumée. Je frissonnai. Je n'étais pas fâché de me rapprocher et de me réchauffer.
La gamelle était là.
J'y versai le cassoulet.
Le café attendrait.
Je regardais alentour pendant que je touillais. Il s'était assis. Nous respirions. Il but de l'eau. Enfin, il avait une gourde. Ne me proposa rien.
J'éteignais dans ma tête les mille et une phrases qui me venaient, parfois dans l'ordre, souvent dans le désordre. Je retrouvais ce langage inconnu. Ce langage oublié.
Il sortir de je ne sais où deux gamelles en fer blanc. Deux couteaux suisse. Il me les tendit. Je versai le cassoulet, veillant à ce que nous ayons chacun une saucisse. Il mangea aussitôt. Je me brûlai. Il sortit du pain. Nous raclâmes en silence. N'en laissant pas une goutte. Pas une miette.
Tout était si loin, de prime abord. Et tout était revenu en une fraction de seconde, en vérité.
Nous mangions ce cassoulet reprenant l'histoire là où elle était restée. Plus une trace de ces vingt-huit années et pendant que je crevais d'envie de les évoquer, ces 28 ans, de nous les raconter, lui essuyait consciencieusement son assiette. Toute cette route pour nous rapprocher, nous retrouver et en réalité nous savoir encore aux antipodes l'un de l'autre.
Les nuages ressemblaient à des ballons de baudruche dont on avait enfin décidé de lâcher la bride.
On voyait devant, maintenant. On voyait dessous, surtout. Je n'avais pas la moindre idée de ce que Guillaume allait faire. Quant à moi, mes idées, elles étaient mortes lorsqu'il avait débarqué. Mes promesses s'étaient volatilisées.
Je repris un bout du pain.
Il m'a dit que Lucie était morte. Il a juste dit ça, comme ça : Lucie est morte.
Il a pris le fusil que je n'avais pas vu et qui était posé à côté de lui. Il m'a dit, on va trouver le salaud qui a fait ça. Il a juste dit : On va trouver le salaud qui a fait ça.
Et puis il s'est tiré une balle dans la tête.
Une fraction de seconde avant, il m'avait lancé un bout de papier. Chiffonné.
Dessus, une adresse.

Musique inspirante

lundi 19 décembre 2011

WICKED GAME

A froid, à chaud, comme ça me vient, comme ça me touche, comme ça me touche…
Le décors en 3 lignes… A quelques jours de Noël, de la musique s'échappe des hauts parleurs que la municipalité a dispersés dans les rues de la ville.
L'heure est à la nuit bleue, le froid est sec, les coeurs sans doute un peu plus sensibles que d'habitude.
D'un côté il y a le bazar où tout le monde va chercher, fouiner, une décoration pour le sapin, un cadeau, une idée, un objet inutile ou un gadget précieux.
L'allée qui mène aux caisses. J'ai les bras chargés. Elle vient face à moi, petite, usée, avec son espèce d'anorak que je lui vois porter tous les hivers. Cette année il semble plus lourd, il est plus lourd, moins chaud, il doit faire froid dans son coeur. j'aimerais disparaître et réapparaitre juste derrière elle pour ne pas avoir à lui dire bonjour et puis surtout le "Ca va?" qui vient après. Lorsque nos corps se croisent, elle a encore la tête tournée vers l'arrière, vers celui qui me fait un sourire et qui lui dit "bon courage". Pourtant, nos bonjours s'échangent et mon "ça va?" machinal se fond dans le brouhaha du magasin. J'ai honte de ces mots tout fait, qui sortent bien malgré moi et pourtant oui, je sais, non ça ne va pas… comment ça peut aller en ce 19 décembre.
Le froid me saisi à la sortie, "Wicked Game" me sussure le Chris Isak du Boulevard Marinoni.
Quelques pas, perdue dans mes pensées.. Wiked Game et se sont des souvenirs qui me remontent.
De l'autre côté, à quelques mètres, il est là, lui, avec son blouson clair, je ne lui ai jamais donné d'âge, je sais qu'il doit avoir l'âge de mes parents. Je le vois de loin, mais lui ne me voit pas. Il a le sourire, il court après un ballon, il court après un petit garçon, et là, c'est comme si rien ne s'était passé comme si la vie avait continué alors qu'elle semble s'être arrêtée ce jour de novembre, juste à la porte de Madame, celle de l'allée du bazar et pourtant…..
Il y a moins de deux mois, ils étaient encore parents, aujourd'hui, ils restent grand parents de deux enfants....

Electronique cité

Par moments, envie de musiques électroniques.
D'artifices. De synthétique. Comme un besoin de sons qui n'existent pas dans la nature. Qui se nichent sous nos crânes, dans notre électrique cité, quelque chose comme ça.
Des sons venus de femmes et d'hommes qui voient par-delà les bouches d'égout, sous les routes, derrière les fibres, dans les tuyaux. Des sons qu'ils cherchent, et qu'à certains moments, ils trouvent.
Ecouter ces musiques et voir ce qu'un homme de Cro-Magnon verrait s'il déboulait là, par inadvertance, ou suite à un jeu de pipettes maléfiques, regards hallucinés de scientifiques partis à moins qu'ils ne soient revenus. Sentir ce qu'il sentirait.
Imaginer qu'il aurait beau partir en courant, rien n'y ferait.
Imaginer que peut-être au contraire il aimerait ça, finalement, la surprise passée. Ce serait un grand terrain vague de béton, un parc d'attraction, ce serait rigolo.
Se demander alors quelles seraient ses palpitations de ce monde étrange devenu, qu'il se coltinerait sans notices et dont peut-être n'aurait-il aucun besoin.
Deviner sa solitude immense dans ce fatras de villes et de dédales. Et peut-être son besoin des autres, alors.
Lui souhaiter une main tendue, espérer un langage qui l'aiderait à se calmer, s'adoucir.
A moins que violence soit et qu'il n'ait pas le désir d'aller plus loin ?
S'endormirait-il en souriant ?
Ou pleurerait-il à sa grande stupéfaction, lui qui n'avait jamais pleuré de sa naguère existence ?
Les musiques électroniques nous disent ce que nous sommes, et à la fois ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne sommes plus et ce que peut-être nous serons.

Musique inspirante

Electronique cité

Par moments, envie de musiques électroniques.
D'artifices. De synthétique. Comme un besoin de sons qui n'existent pas dans la nature. Qui se nichent sous nos crânes, dans notre électrique cité, quelque chose comme ça.
Des sons venus de femmes et d'hommes qui voient par-delà les bouches d'égout, sous les routes, derrière les fibres, dans les tuyaux. Des sons qu'ils cherchent, et qu'à certains moments, ils trouvent.
Ecouter ces musiques et voir ce qu'un homme de Cro-Magnon verrait s'il déboulait là, par inadvertance, ou suite à un jeu de pipettes maléfiques, regards hallucinés de scientifiques partis à moins qu'ils ne soient revenus. Sentir ce qu'il sentirait.
Imaginer qu'il aurait beau partir en courant, rien n'y ferait.
Imaginer que peut-être au contraire il aimerait ça, finalement, la surprise passée. Ce serait un grand terrain vague de béton, un parc d'attraction, ce serait rigolo.
Se demander alors quelles seraient ses palpitations de ce monde étrange devenu, qu'il se coltinerait sans notices et dont peut-être n'aurait-il aucun besoin.
Deviner sa solitude immense dans ce fatras de villes et de dédales. Et peut-être son besoin des autres, alors.
Lui souhaiter une main tendue, espérer un langage qui l'aiderait à se calmer, s'adoucir.
A moins que violence soit et qu'il n'ait pas le désir d'aller plus loin ?
S'endormirait-il en souriant ?
Ou pleurerait-il à sa grande stupéfaction, lui qui n'avait jamais pleuré de sa naguère existence ?
Les musiques électroniques nous disent ce que nous sommes, et à la fois ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne sommes plus et ce que peut-être nous serons.

Musique inspirante

Votre neige

Première neige ici en Lorraine. Quelques centimètres.
Un expert de neuf ans m'a dit que c'était de la bonne. De la bonne à boules. De la bonne à bonhomme de neige.
Côté musique, un album s'impose. Aujourd'hui absolument.
Il est signé Kate Bush. Il vient de sortir. Il s'intitule 50 words for snow. On peut lire une critique made by Télérama en cliquant ici.
Je vous invite à écouter ci-dessous un extrait et si le coeur vous en dit, si le corps vous parle, si l'esprit vous murmure quelque chose d'écrire votre neige... en 50 mots :-)

Torrent d'été (3)

Photo Francis Beurrier
Episode 1.
Episode 2.

Maëlle m'appela de la douche. Puis l'eau se mit à couler de nouveau. Nous restions silencieux. C'est moi qui tenait à peine sur mes guiboles et qui m'agrippait à elle, maintenant.
Elle murmura : ne pars pas, ne pars jamais.
J'étais embêté. Je ne répondis rien.
J'avais dit à la grand-mère de Sarah que si elle n'y voyait pas d'inconvénient, j'allais partir quelques jours, que j'en avais besoin, que je voulais de l'air, des embruns, du vent, de l'horizon. Je m'étais dit que comme de toutes façons elle avait prévu de rester chez nous quelques jours, ça ne devrait pas trop poser de problèmes. Elle avait sourit avec connivence. Je la connaissais bien, je savais qu'aussi, elle était heureuse à l'idée d'être seule avec sa petite fille. Sans ma misère qui traînait dans les parages.
Depuis que Sarah était née, depuis que sa mère était partie, elle pensait que j'étais à sa recherche.

Il m'arrivait de disparaître et je ne faisais rien pour la contredire. Je lui rendais service.
A ses réunions, lors de ses achats, elle pouvait entonner le couplet de la pauvre maman qui soutient son pauvre fils qui cherche sa pauvre épouse disparue et que le chagrin empêchait d'accepter la disparition.
J'imaginais la cohorte opiner du chef, dire c'est terrible ce qui lui arrive, vanter ou jalouser cette Thérèse si courageuse ou si marquée par les épreuves, si dignes aussi, si courageuse ! C'était selon.
Quelques heures plus tard, j'étais sur la route. J'avais chargé une clé USB des musiques du moment. Du folk et de la chanson française, mes grognards comme je les appelais, ces voix amies et ces paroles complices d'artistes que je suivais depuis de longues années et dont la créativité sans cesse renouvelée, même déroutante parfois, me ravissait.
Je me faisais penser, découvrant leurs dernières productions, à ce gamin qui dévore des yeux une glace avant de l'engloutir.
Nous étions bien, inch allah, ma musique et moi alors que la voiture défilait dans un décor strictement réduit à un ruban d'asphalte.
On s'ennuyait ferme mais l'avantage, sauf à regarder les noms inscrits sur les panneaux, était qu'on était sûr de ne rien louper du paysage, surtout de nuit. Direction Perpignan, donc, puisque inch allah en avait décidé ainsi. J'avais juste fait une bise à ma fille, une autre ma mère. J'avais chargé un sac et ma clé USB et c'est en ayant fait quelques kilomètres que je m'étais aperçu que la nuit n'allait pas tarder à tomber. Va donc pour une conduite de nuit. Rien ne me retenait. Seul mon portable, installé entre mes jambes, témoignait d'une attente, d'une fébrilité, qu'un auto-stopeur observateur si je l'avais pris à bord aurait remarquée car ma conduite était assez nerveuse.
Elle mit du temps à se calmer. Je fonçais droit au sud et je me faisais fort de dénicher un gîte pour quelques jours. Je ne pensais pas que c'est sur une plage que je trouverais cet endroit et que j'en forcerais la porte pour y pénétrer faute d'avoir trouvé quelqu'un pouvant me renseigner et surtout me louer l'espace. J'avais jeté mon dévolu sur un endroit parfaitement désincarné en ce mois de mars : Toreilles-Plage. Nous nous étions plu tout de suite, ce bled et moi. Les yeux brûlants des piqûres d'une nuit sans sommeil à rouler pied au plancher, j'avais atterri là après qu'Inch Allah m'ait conseillé de me poser quelques instants. Le jour allait se lever. Je trouvais sympathique de poser mon derrière sur le sable, face à la mer. Je venais de baguenauder dans la ville morte en cette saison, cessant de compter les vitrines fermées, notant que les places de stationnement étaient nombreuses dans cette cité et si elles sonnaient le creux, elles allaient à l'inverse claquer sous le poids du trop dans quelques semaines.
Toujours pas de SMS.

dimanche 18 décembre 2011

Après tout


Il m'a dit, ma femme est un sacré mec, tu sais, et disant cela, il  n'afficha pas un sourire qui disait la satisfaction de la formule trouvée, mais sembla plutôt s'engouffrer voluptueusement dans un silence nourri, comme s'il savait l'éternité durable, là, soudain, comme s'il domptait les siècles et n'en faisait qu'un à l'intérieur de lui-même.
Peut-on ainsi être l'Histoire et le Présent et gambader vers Demain ?
Je voyais dans ses yeux mille et une générations céder le passage à tout de suite, s'effacer avec le respect de ce qui est aujourd'hui. De ce qui survient. Inéluctablement. Ses cheveux avaient des airs de frise chronologique. Des fourmis dans les jambes, il semblait pouvoir jaillir de son siège.
Il aurait pu me dire qu'il revenait du Soleil, ou de la Lune. Je n'aurais pas été étonné.

Il m'a dit, il faut sacrément qu'elle se batte, tu sais, et disant cela, il semblait être parti dans des cimes que seuls les regards peuvent parfois trouver, vers ces contrées inconnues et immenses où l'on voit des choses que nul ne voit, que nul n'oserait imaginer, dont on ne parle jamais vraiment et c'est dommage.
Je pensai avec insistance que décidément, chaque être est unique.
Je percevais sous ses tempes l'alchimie qui se nouait. Il était tendu comme on est parfois tourné vers un objectif. Me disant quelque chose, il me disait tellement de choses !
Je pensai à la force de la vie.
On s'était installé dans un café et il n'avait pas l'air malheureux. Il réfléchissait, certes, mais pas comme on est préoccupé. Pas comme on est triste. Il pensait, en vérité. Et aspirant ma boisson avec une paille parce qu'on venait de me refaire les dents de devant avec ce que cela induisait d'obligations de tourner à la purée pendant quelques temps ceci induisant la désagréable sensation d'avoir les joues transformées en ballons qui jamais ne dégonflaient, je le regardais comme on découvre son propre silence.
Le mien était lié aux circonstances. Le sien a un choix.
Il n'avait pas toujours parlé aussi lentement. Il n'avait pas toujours pris ainsi le temps de laisser les mots arriver, respirer, grandir, se transformer. Il était je et j'étais tu. C'était curieux. Il m'embarquait dans son ailleurs et je me sentais voyageur, soudainement. Propulsé dans un pays sans paysages et dont je ne comprenais pas toutes les subtilités de la langue. Je m'en fichais.
Je pensais à sa femme, et ainsi qu'il le désirait probablement, à toutes les femmes. Je voyais  l'échelle du temps et mesurait sans instrument de mesure aucun ce qu'elles vivaient à l'aune de ce qu'elles avaient vécu, ces femmes. Ce n'était pas simple.
Ce faisant, comme lui sans doute, je pensais aussi aux hommes de ce siècle et des siècles précédents. Pas simple non plus.
Je songeai derechef à nos enfants. Les miens, les siens, tous les enfants du monde.
Et alors je luis dis : mais bordel, qu'est-ce qu'on est donc en train de foutre ?
Il me cita un philosophe, me rappela plutôt ce qu'il avait dit, ce philosophe. Que le bazar avait commencé lorsque l'homme avait fait de la nature non sa mère mais sa fille.
J'y perdais mon latin. L'Europe venait de perdre son grec. Je me demandais avec délectation de quoi serait fait demain. Comme si je n'avais plus peur. Après tout.

Musique inspirante

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