mardi 20 décembre 2011

La boite

légende.


J'ai reçu la boite de cassoulet dans mon courrier. Je n'avais pas reconnu d'écriture. Je n'avais pas ouvert tout de suite l'enveloppe kraft. Posée sur le meuble dans l'entrée, je la vis à nouveau quelques heures plus tard. Fin de journée. Presque par hasard. Elle m'était sortie de la tête. Tout me revint d'un coup.
J'ai ouvert. Mon coeur a fait un sprint. Je suis parti dans la foulée.
J'ai roulé d'une traite et je me suis retrouvé sur les hauts de Cornus alors que la nuit n'était pas encore partie. Le jour se levait à peine. Il fallait le savoir. Avoir l'oeil. Tendre l'oreille.
J'avais pose la boite à côté de moi, sur le siège passager.
Un passager dont la conversation m'avait tenu éveillé sans difficultés.
J'ai commencé à grimper et lorsque je suis arrivé, il était là, évidemment.

Il n'avait pas perdu cette habitude de surgir, comme ça, d'un endroit d'où on ne l'attendait pas alors que lui attendait avec la patience du chasseur. Sûrement qu'il m'avait vu arriver, qu'il m'avait regardé monter. Il était de ceux qui n'ont pas besoin de jumelles.
Il n'avait pas non plus inventé les civilités.
Nous ne nous étions pas vus depuis 28 ans et ses premiers mots furent pour me dire qu'il avait préparé le feu. De fait, regardant derrière lui, j'aperçus de la fumée. Je frissonnai. Je n'étais pas fâché de me rapprocher et de me réchauffer.
La gamelle était là.
J'y versai le cassoulet.
Le café attendrait.
Je regardais alentour pendant que je touillais. Il s'était assis. Nous respirions. Il but de l'eau. Enfin, il avait une gourde. Ne me proposa rien.
J'éteignais dans ma tête les mille et une phrases qui me venaient, parfois dans l'ordre, souvent dans le désordre. Je retrouvais ce langage inconnu. Ce langage oublié.
Il sortir de je ne sais où deux gamelles en fer blanc. Deux couteaux suisse. Il me les tendit. Je versai le cassoulet, veillant à ce que nous ayons chacun une saucisse. Il mangea aussitôt. Je me brûlai. Il sortit du pain. Nous raclâmes en silence. N'en laissant pas une goutte. Pas une miette.
Tout était si loin, de prime abord. Et tout était revenu en une fraction de seconde, en vérité.
Nous mangions ce cassoulet reprenant l'histoire là où elle était restée. Plus une trace de ces vingt-huit années et pendant que je crevais d'envie de les évoquer, ces 28 ans, de nous les raconter, lui essuyait consciencieusement son assiette. Toute cette route pour nous rapprocher, nous retrouver et en réalité nous savoir encore aux antipodes l'un de l'autre.
Les nuages ressemblaient à des ballons de baudruche dont on avait enfin décidé de lâcher la bride.
On voyait devant, maintenant. On voyait dessous, surtout. Je n'avais pas la moindre idée de ce que Guillaume allait faire. Quant à moi, mes idées, elles étaient mortes lorsqu'il avait débarqué. Mes promesses s'étaient volatilisées.
Je repris un bout du pain.
Il m'a dit que Lucie était morte. Il a juste dit ça, comme ça : Lucie est morte.
Il a pris le fusil que je n'avais pas vu et qui était posé à côté de lui. Il m'a dit, on va trouver le salaud qui a fait ça. Il a juste dit : On va trouver le salaud qui a fait ça.
Et puis il s'est tiré une balle dans la tête.
Une fraction de seconde avant, il m'avait lancé un bout de papier. Chiffonné.
Dessus, une adresse.

Musique inspirante

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts with Thumbnails