dimanche 11 décembre 2011

Errer Humanum Est*

Il n'a pas titubé jusqu'au lit mais il s'y est effondré. Face contre oreiller. Il s'est réveillé comme ça quelques heures plus tard. Mal au dos. Froid. Vague démangeaison dans un orteil. Un moustique, peut-être.
Il s'est levé. Il a allumé l'ordinateur. Il s'est promené ça et là. Il a bu un café. Il s'est allumé une cigarette. Un autre café. Une autre cigarette. D'autres pages sur le net. Et puis il se lève. Met un blouson. Il part.
Il est monté dans sa voiture. Il l'a démarrée. Ils ont roulé.Contrarié.Surtout lui.
Il n'aime pas ne pas savoir où il va. Il n'aime pas n'avoir aucune raison de tourner là, de se rendre ici.
Alors il décide de faire un jeu.Voir où cela le conduit. Laisser les pensées choisir le chemin. Partir, revenir.Aller, venir. Il verra bien. Il verra surtout ce qui se niche entre les deux.
Maintenant Il roule.

Il se retrouve au Luxembourg, il y achète des cigarettes. Et des gâteaux. Chocolat fraise. Pas de mangue. Il n'est pas encore l'heure pour autre chose. Il a regardé quelques journaux, quelques revues. RAS. Des gens partout, qui se croisent, qui attendent, qui repartent, qui se lavent, qui pissent, qui se regardent, qui se heurtent. Un chien dehors. Se frotte les pattes dans la pelouse humide. Regard fatigué de qui le tient en laisse.
Vaguement, il pense se prendre un café et s'asseoir, regarder cette société. Il se contente d'une pièce d'un euro vingt et d'un gobelet. A défaut, c'est une boisson chaude.
Ca s'anime ensuite.
 Au lieu d'aller tout droit à la bretelle de Bettencourt, il prend à droite.Ses yeux n'en finissent pas de se poser sur des endroits où il ne s'est jamais rendu. Il longe. Il note que le soleil s'éveille. Un peu. Il pleuvait tout à l'heure. C'est mieux. Il trouve que ça lui fait bien, l'air de la découverte. Il a presque envie de mettre cap au nord et d'aller voir la mer.L'idée lui suffit. Il reste sur sa route cependant. Il s'est vu débouler sur une immense plage, avec mer et dunes. Il n'aime pas les stations balnéaires. Surtout en cette saison.
Il se dirige vers l'Allemagne, lui dit un panneau, alors il bifurque et se retrouve devant les énormes cheminées de la centrale nucléaire. Cela ne lui inspire pas grand chose. Il s'en fout. Il sent juste la commune fortunée. Le revêtement des trottoirs, ici, ne sont pas comme ailleurs. Il espère que les pauvres ont droit à plus d'aides qu'ailleurs et espère mieux encore, qu'il n'y ait pas de pauvres. Se dit que s'il y en avait, sûrement qu'on les aurait aidé à partir ailleurs. Des immeubles, là-bas. C'est sûrement ça.
Il est maintenant près de midi. Il trouve un Super U à la sortie de la ville, il a suivi les panneaux, il s'est trompé, il a tourné dans le rond-point, il a trouvé. Il apprécie d'y trouver une boulangerie, boulangère lourdement maquillée, il s'achète un sandwich bourré de mayonnaise, enfin ça il le saura après, pour le mayonnaise, il prend aussi un chausson aux pommes et une boite de jus de pomme. Elle lui glace les doigts.Il n'a pas encore mis de musique et ça l'étonne. Encore moins la radio. Trop de mots. Trop peu de silence.
Il s'arrête finalement non loin de là. Dans un champ. Pas envie, pas besoin mais la mayonnaise dégouline. Il ne peut pas conduire. Manger ou conduire, il choisit de manger.Il tente une sieste à suivre mais l'endroit ne l'inspire pas. Les pensées s'éparpillent dans sa tête. Il fait froid. Il reprend la route. La nuit menace. Elle rôde, en tout cas.
Un panneau indique une cité thermale, un nom se terminant par « les eaux ». Il décide de s'y rendre. Qui sait, il y aura un casino, il fera fortune. Mais il n'a pas d'argent sur lui. Il ne jouera pas. N'ira pas au Casino. N'y va plus. Passons. Il traverse des routes vides et des villages éteints. Puis il arrive dans la cité toute grimée. C'est tout du moins l'impression qu'elle lui donne. Partout des lampadaires colorés et des massifs fleuris. Du pavé. Du granit scintillant. Centre-ville est interdit aux voitures. Il contourne. Pas un fil, tout est enterré. On dirait une ville qui se cache. Mais ce ne sont que trois rues. Des vitrines clignotent. C'est un peu ridicule. Elles clignotent pour qui ? Pourquoi ?Il ne s'arrête pas.
Il longe les terrains de sport en surplomb de la cité et plonge vers la suite.C'est le début du massif des Vosges. Il se sent chez lui. Faut sombre, pourtant. Les routes sont sinueuses. Les forêts de sapins s'étalent. La roche est rouge. Il se sent chez lui et c'est la première information de cette journée. Il rentrera, se dit-il. Il n'en était pas sûr.
Il est surpris, longeant un ruisseau, de découvrir au beau milieu de nulle part une riche demeure estampillée restaurant avec étoiles. Plusieurs voitures haut de gamme sont garées. De l'autre côté de la route, un hôtel high tech a été construit. Il lui semble apercevoir des silhouettes. Il se demande s'il va s'arrêter, se dit que s'il avait joué au casino peut-être pourquoi pas, se souvient qu'il a décidé de rentrer chez lui. Il se promet juste, passant, d'aller jeter un œil sur le net plus tard, pour voir les prix, pour renifler les menus.
Il décide de suivre le ruisseau. Il prend à droite, et se demande dans quelle rivière il va se jeter. Le ruisseau.
Il traverse des villages. Et encore des villages. Ils semblent endormis. Pas éteints.
 Un panneau station verte de vacances l'a prévenu. Ces maisons vides sont sans doute des maisons de vacances. Il essaie d'imaginer les vacanciers qui arrivent, ce qui s'installe, des pêcheurs sûrement, des repas arrosés, des éclats de voix, et s'en repart.La nuit approche. Il suit un chemin qui file dans la montagne. Il décide la sieste, là, maintenant. S'endort en se demandant où il se réveillera.

* Titre emprunté à HF Théifaine. Paroles ici.

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