Photo Francis Beurrier |
Elle regarda furtivement par la fenêtre, touchant à peine les rideaux et vit qu'ils étaient venus. La voir, sans aucun doute. Elle habitait une impasse, et les pavillons alentour semblaient somnoler. Ils n'avaient rien d'autre à faire là, autrement dit. C'était curieux qu'ils soient là, même. Tout semblait assoupi jusqu'à eux.
Alors elle sourit.
C'est vrai que, gauches, ils lui tournaient autour depuis quelques jours maintenant et c'est elle se caressa doucement les lèvres, d'un air alangui pensera-t-elle plus tard.
Elle aima leur audace mais fronça les sourcils.
Dehors, c'était toujours le début de l'été et il semblait faire bon. Ils étaient en short. Son père avait mis sa casquette. Mauvais signe elle pensa. Ils avaient du culot, quand même. Ils s'étaient croisé tout au long de l'année scolaire et ni l'un ni l'autre n'avait esquissé le moindre intérêt pour elle. Elle ne les avait pas remarqué non plus. Elle n'aurait pas pu dire qu'ils étaient inséparables, d'ailleurs.Avec l'arrivée du printemps, les jupes étaient sorties, et dans le car, elle avait surpris les coups d'oeils de l'un des deux.A quelques jours des vacances d'été, ils avaient semblé se réveiller. Ils avaient même fini par trouver où elle habitait. Elle sourit et retourna à son bureau.
Elle ne vit pas venir la gifle après que la porte ait claqué.
Son père avait déboulé dans sa chambre et lui avait collé une claque qui la brûla mais ne la griffa pas. Elles ne la griffaient plus. Elle serra de nouveau les gencives, troublée au creux des reins. Les deux autres étaient partis.
La porte claqua comme une seconde gifle. C'était comme ça depuis que leur mère était partie.
Elle s'ennuyait à mourir dans cette maison qui était devenue sombre. Elle savait que son père continuait d'ouvrir chaque matin les volets pour donner le change au quartier, mais au fond de lui, il s'en serait bien passé. Il serrait les mâchoires, lui qui parlait peu ne parlait quasiment plus. Des taloches tombaient parfois. Elles n'avaient pas le droit de grand chose. Il ne voulait voir personne.
Elle pensait essentiellement à protéger sa sœur lorsque Fabienne était là. Sinon, elle pensait à sa mère et depuis peu, d'ailleurs, ne pensait à rien ni personne. Elle attendrait d'avoir son bac et elle partirait. Elle révisait. Son père appréciait, il la trouvait sérieuse.
Elle rêva d'eux, cette nuit-là. Se réveilla en sueur, une main entre ses jambes.
Elle tendit l'oreille et apprécia la chaleur de l'été, le silence de la nuit.
Elle aurait son bac, oui. Et elle partirait.
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