Photo Francis Beurrier |
Episode 2.
Maëlle m'appela de la douche. Puis l'eau se mit à couler de nouveau. Nous restions silencieux. C'est moi qui tenait à peine sur mes guiboles et qui m'agrippait à elle, maintenant.
Elle murmura : ne pars pas, ne pars jamais.
J'étais embêté. Je ne répondis rien.
J'avais dit à la grand-mère de Sarah que si elle n'y voyait pas d'inconvénient, j'allais partir quelques jours, que j'en avais besoin, que je voulais de l'air, des embruns, du vent, de l'horizon. Je m'étais dit que comme de toutes façons elle avait prévu de rester chez nous quelques jours, ça ne devrait pas trop poser de problèmes. Elle avait sourit avec connivence. Je la connaissais bien, je savais qu'aussi, elle était heureuse à l'idée d'être seule avec sa petite fille. Sans ma misère qui traînait dans les parages.
Depuis que Sarah était née, depuis que sa mère était partie, elle pensait que j'étais à sa recherche.
Il m'arrivait de disparaître et je ne faisais rien pour la contredire. Je lui rendais service.
A ses réunions, lors de ses achats, elle pouvait entonner le couplet de la pauvre maman qui soutient son pauvre fils qui cherche sa pauvre épouse disparue et que le chagrin empêchait d'accepter la disparition.
J'imaginais la cohorte opiner du chef, dire c'est terrible ce qui lui arrive, vanter ou jalouser cette Thérèse si courageuse ou si marquée par les épreuves, si dignes aussi, si courageuse ! C'était selon.
Quelques heures plus tard, j'étais sur la route. J'avais chargé une clé USB des musiques du moment. Du folk et de la chanson française, mes grognards comme je les appelais, ces voix amies et ces paroles complices d'artistes que je suivais depuis de longues années et dont la créativité sans cesse renouvelée, même déroutante parfois, me ravissait.
Je me faisais penser, découvrant leurs dernières productions, à ce gamin qui dévore des yeux une glace avant de l'engloutir.
Nous étions bien, inch allah, ma musique et moi alors que la voiture défilait dans un décor strictement réduit à un ruban d'asphalte.
On s'ennuyait ferme mais l'avantage, sauf à regarder les noms inscrits sur les panneaux, était qu'on était sûr de ne rien louper du paysage, surtout de nuit. Direction Perpignan, donc, puisque inch allah en avait décidé ainsi. J'avais juste fait une bise à ma fille, une autre ma mère. J'avais chargé un sac et ma clé USB et c'est en ayant fait quelques kilomètres que je m'étais aperçu que la nuit n'allait pas tarder à tomber. Va donc pour une conduite de nuit. Rien ne me retenait. Seul mon portable, installé entre mes jambes, témoignait d'une attente, d'une fébrilité, qu'un auto-stopeur observateur si je l'avais pris à bord aurait remarquée car ma conduite était assez nerveuse.
Elle mit du temps à se calmer. Je fonçais droit au sud et je me faisais fort de dénicher un gîte pour quelques jours. Je ne pensais pas que c'est sur une plage que je trouverais cet endroit et que j'en forcerais la porte pour y pénétrer faute d'avoir trouvé quelqu'un pouvant me renseigner et surtout me louer l'espace. J'avais jeté mon dévolu sur un endroit parfaitement désincarné en ce mois de mars : Toreilles-Plage. Nous nous étions plu tout de suite, ce bled et moi. Les yeux brûlants des piqûres d'une nuit sans sommeil à rouler pied au plancher, j'avais atterri là après qu'Inch Allah m'ait conseillé de me poser quelques instants. Le jour allait se lever. Je trouvais sympathique de poser mon derrière sur le sable, face à la mer. Je venais de baguenauder dans la ville morte en cette saison, cessant de compter les vitrines fermées, notant que les places de stationnement étaient nombreuses dans cette cité et si elles sonnaient le creux, elles allaient à l'inverse claquer sous le poids du trop dans quelques semaines.
Toujours pas de SMS.
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