mercredi 29 février 2012

Vu sur le net / Tout le monde participe à l'accélération

C’est l’histoire de deux types qui courent à perdre haleine, comme poursuivis par des démons. A un moment donné, l’un demande : « Pourquoi tu cours ? – Hein ? s’exclame l’autre, mais c’est toi qui sais, moi je te suis ! – Pas du tout, répond le premier, c’est toi qui courais, tu m’as entrainé ! » Après quoi court l’humanité ? Au fond personne n’en sait rien. Une chose est sûre : il est très difficile de rester immobile quand, autour de vous, toute la société court comme une dératée.

Lire le dossiers ici : Tout le monde participe à l'accélération

Vu sur le net / Le problème industriel de la vie intérieure

Il semble que pour les femmes et les hommes de notre temps, la vie intérieure compte de moins en moins. C’est l’idée que développe le juriste Jacques Le Goff dans une tribune (Ouest France). Il décrit notre vie superficielle, liquide, portée vers l’extériorité. Sa réponse à ce vide intérieur?

« Peut-être réapprendre à « méditer », en se souvenant de l’origine médicale de ce mot qui signifie « porter remède ». Et le faire en se désintoxiquant de tant de préoccupations, si souvent frivoles, pour retrouver chez « l’homme sans gravité » que nous sommes, un vrai centre de gravité, dans une vie intérieure où la joie vient avec l’équilibre ».

Lire tout l'article ici : Le problème industriel de la vie intérieure.


lundi 27 février 2012

Deux ou trois cents ans plus tard


L'étrange sensation alors que je déambule dans le château comme si j'étais chez moi.
Le souvenir.
J'avais deux ou trois cents ans de moins.
A l'époque, le château n'était l'apanage que de quelques uns, nantis, autorisés.
Il était ce lieu secret et immense, source de rumeurs et de mystères, où quelques uns venaient se pavaner.
C'était un endroit que l'on observait, que l'on contournait, que l'on redoutait parfois, mais dans lequel on n'entrait pas. Il n'était pas pour nous. Nous n'étions pas de ce monde. Ducs et autres aristocrates s'y retrouvaient, eux. Ils y avaient table. Ils y avaient chambre. Ils se promenaient dans les jardins. Jouissaient des cascades et des bassins. Quelques uns et quelques unes des nous autres y travaillaient.
Jamais je n'aurais pensé que deux ou trois cents ans plus tard, j'y serais un invité, un convié, un possible.
Jamais je n'aurais pensé que deux ou trois cents ans plus tard, chaque pierre me sourirait comme si elle était à moi, que gravissant les marches, que me mesurant aux murs, je tendrais le cou pour déguster les hauteurs et admirer les plafond.
Dans la grande bascule des temps, ce lieu commun avait fini par intégrer le giron des affaires communes.
Deux ou trois cents ans plus tard, ce patrimoine était mon présent et mes enfants pouvaient s'y dégourdir les jambes en poussant des grands cris.
Bel exemple de démocratisation, me disais-je.
Espérant que de bals en conférence et de concerts en évènements, d'autres que moi pourraient en clignant les yeux ressentir cette étrange sensation. Se tailler sa part du château.

dimanche 26 février 2012

Vu sur le net / Les 5 principaux regrets

Une infirmière australienne en soin palliatif a noté les réponses des mourants qu'elle accompagnait, dégageant leurs 5 principaux regrets, étonnamment convergents, que le Guardian a publiés au début du mois.
1. J'aurais voulu avoir le courage de vivre la vie que je voulais mener, pas la vie que les autres attendaient de moi
2. Je n'aurais pas dû travailler si durement

3. J'aurais voulu avoir le courage d'exprimer mes sentiments

4. J'aurais voulu rester en contact avec mes amis

5. J'aurais dû m'autoriser à être plus heureux


samedi 25 février 2012

Aujourd'hui c'est chez "Titi"


Thierry "Titi" Robin est l'un de mes artistes préférés. De ceux que l'on a envie de faire connaître à tout le monde.Un homme du monde qui a des cordes à la place de doigts et parfois de langage.
Un homme qui sait s'entourer pour créer des musiques qui, parce qu'elles n'appartiennent qu'à lui, finissent par appartenir à tout le monde.
Thierry "Titi" Robin est un musicien du voyage. Un gars de l'Ouest de la France qui ne cesse d'élargir son horizon à chaque disque, et avec lui, le nôtre (d'horizon).
Il est ombre et lumière à la fois, chant tzigane, percussion d'Afrique, danse du Rajasthan. Ici un peu d'Inde, là l'Afrique noire, plus loin des voix qui se mêlent, un accordéon, une cornemuse.
Tout cela se mêle, s'emmêle et nous embarque.
Et alors, il fait chaud.
Il fait humainement chaud.
Sans doute parce qu'on sent des coeurs qui battent.
Je l'ai vu plusieurs fois en concert. A chaque fois, j'ai été impressionné par sa capacité à être connecté en même temps avec tous les musiciens qui l'entourent. Et sur certains airs, ils sont une flopée, ces musiciens.
Pour en savoir plus, quelques vidéos ci-dessous.
Et côté liens, vous pouvez aller ici (site officiel), ou encore ici. En prime un carnet de voyages ici.
Bon vent  !

La vache et le candidat




« ILS » iront tous au salon de l’agriculture !

Au-delà des bousculades et des parades  de ce drôle de défilé médiatique, souhaitons que ce soit pour évoquer les vrais problèmes :
Le mal être, l’isolement, le suicide des agriculteurs; les marges scandaleuses des intermédiaires notamment dans l’industrie du lait; les enjeux de l’agriculture française à l’heure de la mondialisation; l’agriculture et le développement durable…

Oui, souhaitons que les vraies questions et des éléments de réponses priment sur la photo du candidat au milieu des bovins !



vendredi 24 février 2012

Vu sur le net / Demain, après la crise, 7 scénarios de rupture …

Après 3 ans de crise, nul ne peut plus douter que nous sommes arrivés au bout d’un système, celui de la modernité où nous pensions tout maîtriser par la raison et le progrès. Sans surprise, ce sont les tenants de l’Internet qui, les premiers, proposent des alternatives concrètes. Ainsi la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) a publié son cahier d’enjeux dans lequel elle dessine 7 scénarios de rupture (sur 19 envisagés) pour demain, après la crise.

Lire l'article ici : Influencia - Etudes - Demain, après la crise, 7 scénarios de rupture …

Vu sur le net / Fonder une nouvelle politique de la jeunesse dans les médias

Fonder une nouvelle politique de la jeunesse dans les médias:

Ensemble nous mettions l'accent sur la nécessité de changer d'échelle en matière d'éducation aux médias, de généraliser la maîtrise critique de l'image comme pédagogie moderne de la citoyenneté et d'y inclure un enseignement sur le fonctionnement économique, iconique et dramaturgique des médias.

Communication

Vu sur le net : vers une France bétonnée ?

Tous les 7 ans, l'équivalent d'un département français est artificialisé, c'est-à-dire transformé en lotissements, en infrastructures de transports et autres zones commerciales.

Lire l'article :
eco-SAPIENS - Vers une France bétonnée ?

mercredi 22 février 2012

Alu attention

Reçu ce mail.
Mérite relais :-)
Une de mes proches amies est très probablement atteinte de myofasciite à 
macrophage
http://fr.wikipedia.org/wiki/Myofasciite_%C3%A0_macrophages

Cette maladie est dûe à l'exposition à l'aluminium. L'aluminium est dans 
tous les produits que nous consommons (aliments tel quel le lait 
infantile, viennoiserie ; cosmétiques ; vaccins,...)

Le documentaire "Aluminium, note poison quotidien" est très très 
intéressant. Il peut être visionné 
http://www.zap-actu.fr/2012/01/30/laluminium-notre-poison-quotidien-documentaire/
Il y est notamment dit que le cahier des charges du "bio" interdit les 
additifs à base d'aluminium.

Je trouve l'information suffisamment importante pour me permettre de 
vous en faire part.

Le caillou blanc

Il tapa dans le caillou qui gicla dans une étincelle et alla cogner le piquet de parc en pleine pénombre. Il alla le cueillir, en tâtonnant, toujours aux aguets. Il faillit se déchirer un morceau de peau au contact du fil de fer barbelé. Il sentit de la mousse et espéra que ce ne fut pas de la bouse. C'était de la mousse.
Quelques minutes plus tôt, marchant d'un bon pas, il criait à la nuit et aux animaux alentour qu'ils n'avaient qu'à venir, qu'il ne se laisserait pas faire.

Terrifié, il hurlait dans ce silence de la campagne nocturne qu'il n'avait pas peur.
Il n'était pas question de fermer les yeux. Des hordes de loups se précipiteraient. Ou des chiens. Il avait peur des chiens. Ceux qui errent. Ceux qui renfilent et parfois grognent. Ceux qui semblent dominer tout l'espace. Il imagina aussi un lynx sur ses pattes de velours. Un cerf qui passait par là. Une buse qui le scrutait de ses yeux perçants.
Dans une meute, je serais le dernier, celui qu'on est prêt à laisser crever, pensa-t-il. Il s'était toujours senti plus faible mais n'était sûr de rien.
Alex se disait, à l'instar de cette phrase qui lui trottait dans la tête depuis qu'il l'avait lue, que l'art de vive est un art du combat. Il pensa à Chateaubriant, aussi, qui estimait qu'on lui avait infligé la vie.
Il avait envie d'en découdre et il marchait le long de la route encore humide, longeant forêts et champs.La lune se taillait parfois une apparition dans les nuages.
Il avait laissé sa voiture dans le fossé.Il avait loupé un virage. Il n'allait pas très vite. La voiture s'était comme déposée, elle avait longé en tout cas le bord de la route et s'était endormie là.
Il tournait et retournait le caillou dans sa main et profitant d'une clarté put voir qu'il était blanc.
Il le nettoya, l'aimant déjà, l'aimant ainsi, écorché, pas régulier, un peu usé et en même tout blanc. Il sentit au toucher qu'il était encore un peu chaud et le mit dans sa poche.
Il avait aimé l'étincelle.
Il avait décoché son tir sans faire exprès et pour lui, une rencontre, ce n'était rien d'autre qu'une foultitude d'événements qui se relient les uns aux autres pour conduire ici, là, maintenant.
Il avait quitté tard ton travail en ne sachant pas qu'il ne reviendrait pas le lendemain. Tout s'était enclenché. Il avait commencé sa semaine un dimanche en sentant que ce serait sans doute la dernière parce que sûrement c'était celle de trop, et même celle en plus du trop d'avant. Mais il ne se murmurait même pas ces pensées. Il luttait contre ses jambes molles et ses maux de ventre. Il bagarrait comme on ferraille pour dénouer un lacet trop serré par les multiples tentatives d'avant. Il n'avait pas eu la force de la conduire au bout, cette semaine, et lorsque la voiture quitta la route pour aller s'endormir dans le fossé, il sut que le moment était arrivé.
Il sut qu'il allait la laisser là, et malgré ses peurs, qu'il allait partir à pied, non au hasard, il suivrait dans un premier temps la route, mais au petit bonheur la chance.

xxx

Quand il est monté dans la voiture, la première chose qu'il a vu, c'est l'heure. 2 h 34. Chiffres verts, gros, démesurés. Elle le regarda regarder. La seconde qu'il retient, c'est l'odeur. Elle claqua la porte en remontant et la première couina quand elle démarra. Elle regardait à peine la route, expliquant qu'elle roulait à l'huile de friture. Elle venait d'ailleurs de finir sa tournée.
Il avait entendu sa carlingue venir de loin et il n'avait pas eu le temps de se planquer que déjà elle s'arrêtait. Une femme sortait de l'étrange véhicule, retapé de partout, le véhicule, un pare-choc tenant par un fil électrique, une ou deux lampes ne fonctionnaient pas, une aile semblait se décoller, pour un peu, les pneus n'étaient pas tous de la même taille..
La femme, toniturante, lui gueula littéralement dessus ne lui proposant pas de grimper, c'était pour elle évidence. Le village arrivait à vive allure. Pour un peu, il leur fonçait dessus car elle conduisait vite. Vite et sûr. Il se sentait curieusement tranquille.
Suzanne, c'était son nom, était du genre à prendre les choses en main et à ne rien laisser filer.
Elle faisait les questions et les réponses.
Elle avait repéré sa Polo dans le fossé. Elle avait décidé qu'elle irait la rechercher demain avec le Raoul et son tracteur. Elle avait indiqué le canapé lorsqu'ils étaient entrés dans une maison où l'ordre régnait. Elle lui avait ordonné de venir l'aider à vider ses litres d'huile dans la réserve. Il s'en était mis partout sur les chaussures. Elle était revenue avec des bottes et un tablier.
Lorsque Alex s'est couché, elle ronflait, il était 4 h 52.
A 7 h 24, Raoul débarquait et elle lui servait un café, le genre qu'il trouva bon alors qu'il ne faisait que cuir dans sa casserole depuis des jours et qu'il avait horreur de ça.
Ils partirent alors qu'il cherchais le sucre et furent de retour malgré le tracteur alors qu'il venait juste de le trouver.
Suzanne annonça que Gilbert allait passer. Gilbert, c'était un peu le garagiste. Il tiqua sur le un peu pendant que Raoul et elles gloussaient en ouvrant une bouteille de vin blanc. Ils évoquaient Daniel, qui était un peu médecin, il avait fait une année pour devenir vétérinaire avant d'opter pour la marine. Il était revenu avec des tatouages, essayant de se lancer là-dedans pour finalement reprendre la ferme familiale. Il soignait les animaux du canton.
Il sentait le caillou dans sa poche.

mardi 21 février 2012

Vu sur le net / Pourquoi le football abîme le cerveau

Cerveau&Psycho - Actualité - Pourquoi le football abîme le cerveau

Fichtre !

Vu sur le net / J'écris ton nom



En savoir plus, télécharger l'album, soutenir le projet : c'est ici.

Ma déclaration...

Mon ami Didier, maître de ce lieu, a publié un billet-lien qui a pris dans ma journée une importance qui me semble peu partageable. Mais je me lance quand même.
L'interview lue grâce à lui, m'a rendu euphorique, voire exalté. C'est un état qui m'a souvent traversé dans ma vie, mais, avouons-le, de moins en moins depuis 2 à 3 ans. Ces dernières années, ce sont les déceptions qui s'enfilaient perle après perle. Oh, je ne m'y résolvais pas et mon combat pour le beau, le juste et l'intelligent, bien que plus discret, continuait, en coulisses, dans mon antre et ponctuellement sur la scène de la vie. Rangé des bécanes et des projecteurs en quelque sorte.
Je viens de recevoir un coup de booster, des lauriers virtuels par la lecture de choses dites simplement par une autre et qui me valaient volées de bois vert et autres tomates pourries lorsque j'osais les proférer sans support universitaire et carte de visite validée.
Réveillé. Je suis réveillé et pourtant je ne dormais pas. Si, c'est possible. C'est en tous cas, ce que je ressens, en l'instant. De nouveau, je me crois généreux, humble et altruiste et suis certain que cette vision de provocateur et d'arrogant, n'appartenait qu'à l'erreur des autres. De nouveau, je suis. Et j'ai l'impudeur de le dire et de l'assumer.
Cela ressemble à une révélation et pourtant rien ne m'a été révélé, juste clarifié et confirmé.
Je reconnais dans cet état, un autre jour, une autre fois. Celle où le même ami Didier m'avait aussi fait découvrir un lien, qui, pour moi, disait tout. J'en avais fait un billet de blog (C'est déjà ça !) que j'ai relu et que je reprends avec bonheur tant j'en ressens force et intensité.
Alors, impudeur pour impudeur, allons jusqu'au bout. Je t'embrasse cher Didier aussi fort que possible. Aussi vrai que possible. Champion du monde des passeurs, aucun buteur ne te vaut. Te remercier ne suffirait pas alors je te charge de m'en trouver d'autres des raisons d'être dans cet état-là, au moins parce que Jamais deux sans trois.

Vu sur le net / Être bête aujourd’hui

Être bête aujourd’hui, c’est ne pas penser par soi-même:


Selon l’essayiste Belinda Cannone, qui publie La bêtise s’améliore, le prêt-à-penser se glisse partout, dans les arts, à la télé, dans nos expressions quotidiennes. Entretien.

:-)

lundi 20 février 2012

Notes de l'hebdomadairité (2)

[écrire un fragment de trois à cinq lignes pour les sept jours passés]


Lundi, mardi, mercredi. A la boite. Le bal des absents. Tout semble plus simple. Plus efficace. Avons-nous besoin en temps normal d'être autant ?
Jeudi, vendredi, samedi. En boites. Huit décennies. Huit thèmes. Huit couleurs coeur. On peut mettre une vie en boites. Sortir de sa boite. Boiter moins. Boire pas trop.
Dimanche. Chacun sa boite à roues. Partir, revenir. Graines de souvenirs plantées dans les prunelles.  Ca déboite.

Notes de l'hebdomadairité (2)

[écrire un fragment de trois à cinq lignes pour les sept jours passés]


Lundi, mardi, mercredi. A la boite. Le bal des absents. Tout semble plus simple. Plus efficace. Avons-nous besoin en temps normal d'être autant ?
Jeudi, vendredi, samedi. En boites. Huit décennies. Huit thèmes. Huit couleurs coeur. On peut mettre une vie en boites. Sortir de sa boite. Boiter moins. Boire pas trop.
Dimanche. Chacun sa boite à roues. Partir, revenir. Graines de souvenirs plantées dans les prunelles.  Ca déboite.

Chouchen*

[Texte régulièrement complété jusqu'au 15 janvier 2013]


Les premiers jours, je pense que nous nous épiions.
Quelque chose de cet ordre-là.
Au Café de la Marée, ils ne m’avaient pas dit grand-chose sur elle. Ils ne savaient pas en fait. Ni quelle était. Ni ce qu’elle faisait. Elle avait débarqué là un beau jour et elle restait. Elle avait pris une chambre à durée indéterminée au gîte des Ajoncs.
Adrienne avait confié qu’elle ne parlait pas trop, le bonjour, le bonsoir ; elle veut pas qu’on l’emmerde, celle-là, mais on n’a pas envie non plus. De l’emmerder, bien sûr.
Ô, avait répondu Daniel, je l’emmerderais bien quand même un peu, mais bon, Adrienne, si tu le dis, je te crois.
Daniel avait la finesse de ceux qui croisent les regards des autres. Et les prunelles d'Adrienne étaient promptes à se muer en braise. Il avait prudemment battu en retraite.  Il s’était vite tourné vers moi, en me disant qu’il comptait un peu sur moi pour creuser l’affaire. Il avait annoncé cela avec son sourire sans dents. Z’êtes un peu les mêmes, il avait ajouté.
Je voyais ce qu’il voulait dire.
On se doute bien que tu ne vas pas l’emmerder, il avait précisé.

xxx

Elle et moi passions des heures l’un à côté de l’autre et à distance raisonnable l’un de l’autre, sur la plage, chacun sur un rocher, ou à même le sable, ou les deux, il arrivait que la marée monte, qu'elle redescende. Entre nous, davantage que quelques mètres. Deux planètes qui se tolèrent. Se frôlent. Se jaugent. Et s'ignorent. Cela ne me semblait déjà pas mal.
Il y avait quelque chose de fascinant à se dire que l’on était quasiment au même endroit en même temps et que ni elle ni moins n’étions au même endroit en même temps. Que chacun chez soi, assurément, on ne voyait  pas les mêmes choses à supposer que l’on voyait quelque chose dans ce décor qu’un regard pressé aurait jugé comme étant immobile, voire inamovible, alors que nous tentions peut-être juste de l’apprivoiser ou de le comprendre. D’en mesurer les battements, en quelque sorte. Comme un écho. Il m'arrivait de mettre ma main contre mon oreille.
Il n’était pas immobile, ce décor. Nous non plus.

xxx

Un jour, nous fîmes le chemin du retour ensemble. A pied. Nos pas vite synchronisés. Elle marchait un peu plus vite que moi. Bras en mouvements. Les miens dans les poches.
Le gîte était situé à quelques centaines de mètres de la maison. Le long du chemin. Il suffisait de continuer tout droit. Elle continua.
Quelques jours plus tard, nous fîmes le trajet aller, aussi.
Lorsque j’étais sorti, bien que ne voyant pas grand-chose à cause du bonnet, elle m’attendait, en tout cas elle se leva et se mit en route alors que j’approchais. Nous nous saluions d’un hochement de tête, ce qui avait le don d’énerver Daniel.
Il me trouvait lent à la détente. Il se demandait, en se resservant un muscadet, où fichtre j’avais pu trouver toute cette lenteur. Cela le taraudait. Il y revenait souvent. Au muscadet aussi. Je lui avais répondu un jour, c’est comme un ricochet Daniel, trop de vitesse trop longtemps.
Il avait levé les yeux au ciel.
Comme un boomerang, plutôt, il avait ajouté.
Il était plus bougon les jours où Adrienne partait sur le continent vendre ses gâteaux et ses confitures. Moi, je lui achetais ses crêpes.
Il n'avait pas tort.
J'allai m'acheter dés le lendemain un boomerang. Ca me changerait des ricochets.

xxx

C’est un jeudi qu’elle troua le silence. Qu’elle se décida de le trouer. Je ne saurais dire. Si ça avait été une éclaircie dans un ciel sombre ou un coup d’ombre dans un ciel gris. Peut-être les deux, de toutes façons, il ne faisait pas très beau, c'était difficile à savoir.
Elle avait dû être boxeuse, ou escrimeuse, je m’étais dit. Elle était probablement gauchère, en tout cas. Je n’avais rien vu venir. Le coup avait porté.
On va dire que je m’appelle Estelle. Et n’oublie pas que tu ne connais rien de mes larmes.
Elle avait dit cela très tranquillement. Très simplement.
J’encaissai tant bien que mal. Je ne m’attendais pas à une voix comme celle-ci, de surcroît.
Surtout, je n’avais rien su répondre. J’avais bredouillé, moi, c’est Jean. Je lui avais tendu la main, un peu bêtement, tout ça. C’était surtout manière d’agir quelque chose.
Elle avait haussé les épaules, aussitôt je m’étais dit que je l’avais déçue. Puis elle avait chantonné du Thiéfaine, et ça aussi, assurément, c’était un coup de gauchère.

xxx

Thiéfaine était l’un de mes dieux vivants, ni plus ni moins. Bien plus qu’un chanteur ou qu’un poète, pour moi. Un frère, un ami, que je n’avais évidemment jamais vu, l’aurais-je seulement osé, qui m’avait maintes et maintes fois rendu visite dans ma vie, présent quand ça n’allait pas, présent quand ça allait mieux, présent quand ça allait bien. Il m’avait tendu la main, expliqué la vie, décrit l’enfer, présenté la mémoire, ouvert les mots, comme on pêcherait des huîtres pour y dénicher des perles. Il m’avait fait rire, aussi, Thiéfaine.
Alors qu’en ce jeudi d’automne, les mains dans les poches, elle se mette à chantonner du Thiéfaine dans cette Bretagne battue par la bruine, c’était comme arracher de nulle part un rayon de soleil et me le tendre.
Il pleuvait des gouttes qu’on ne sentait pas. J’ai murmuré Rock Joyeux, c’était le titre de la chanson. Elle a souri et c’en est resté là.

xxx

Le soir, je cherchais sur le net les paroles, pour bien m’assurer que c’était ce que j’avais en tête.
Elle veut plus que son chanteur de rock vienne la piéger dans son paddock
Elle veut plus se taper le traversin à jouer les femmes de marin
Elle s'en va
Elle veut plus que son dandy de la zone vienne la swinguer dans son ozone
Elle veut plus d'amour au compte-gouttes entre deux scènes entre deux routes
Elle s'en va Rock rock joyeux
Elle lui a dit je change de port mais pauvre débile je t'aime encore
Seulement tu vois c'est plus possible moi aussi je veux être disponible
Elle s'en va
Il a juste haussé les épaules comme si c'était son meilleur rôle
Et lui a dit casse-toi de mon ombre tu fous du soleil sur mes pompes
Elle s'en va
C’était donc bien cela et j’avais mal dormi cette nuit-là.
L’inconvénient avec les artistes qu’on suit depuis des lustres, c’est qu’ils vous multiplient les souvenirs. Et ça avait déboulé suffisamment pour que je m’y perde. Je m’étais relevé plusieurs fois. J’avais même essayé d’écrire. Surtout, je me demandais jusqu’où elles allaient, ses paroles. Comment il fallait que je les écoute.
Et puis je me demandais si elle s’appelait vraiment Estelle.

xxx

Les jours suivants, notre affaire avait repris son train normal. Nous marchions à l'aller, au retour, et nous posions nos épaules le long de l'océan. Parfois, l'un de nous se levait, faisait quelques pas. Elle adorait marcher dans l'écume. Je tentais pour ma part d'apprivoiser le boomerang. Une seule fois sans trop réfléchir je l'avais jeté vers l'eau. Il n'était pas revenu. Moi qui ne me baignait jamais en avait été quitte pour un bain de mer, j'en avais jusqu'aux chevilles, j'avais pas senti venir l'affaissement du sol, j'en avais par-dessus la tête et j'étais gelé en sortant. J'étais rentré aussi sec et m'étonnai en chemin. Elle n'avait pas bougé. Je pariais même sur le fait qu'elle n'avait pas esquissé non plus le moindre sourire. A moins qu'elle les planque quelque part pour les ressortir ensuite.
Je devais pourtant prêter à sourire.

xxx

Un jour, elle toqua à ma porte. Ce n’était pas l’heure. Ce n’était pas le lieu. Je sursautai. J’étais en train de lire. Allongé. Bien au chaud. Cela faisait exactement 36 jours que j’étais ici et pas une seule fois je n’avais eu de la visite. Même le type de l’eau s’était débrouillé. Même la réparation du lave-vaisselle s’était réalisée un jour il était parti et le lendemain il était revenu, j’avais déposé le chèque dans une boite aux lettres.
J’avais débranché le téléphone et oublié mon portable chez Daniel. Il en faisait usage s’il le souhaitait. Il devait juste me prévenir si quelqu’un m’appelait. Il ne m’avait jusque là rien dit. Que la porte annonça la venue de quelqu’un avait de quoi me rendre perplexe, et je l’étais perplexe, ne sachant quoi me mettre en posant les pieds par terre.
Je m’étais cogné la tête contre le velux en essayant de voir qui pouvait avoir frappé. Je n’avais rien vu. Et puis c’était elle. Qui d’autre, finalement ?
Elle me tendit juste un paquet de café. M’annonça ses trente jours. Voulait fêter ça. Avait aussi apporté du saucisson et du pain. Je lui avais confié une fois, alors qu’on se demandait ce qui nous ferait le plus plaisir si on restait coincé sur l’île, que du pain frais, un saucisson et du café me suffiraient amplement.
Je peux entrer ?

xxx

Je crois que c’était la première fois qu’elle me posait une question, et qu’elle attendait une réponse. Je crois aussi que c’est la première fois que je la voyais sourire.
Elle ne bougeait pas du seuil.
Ses yeux me fixaient pendant que les miens faisaient le tour de la terre aller et retour.
Je m’effaçai. Elle passa. Elle fonça dans la cuisine.
Comme si elle avait toujours été là. Comme si elle était déjà venue.
Tu comptes rester habillé comme ça ?
Elle faisait le café et je fus tenté de me laisser glisser au sol le long du mur. J’avais oublié le porte-clés accroché au mur. Il me grimaça le dos. Je restai debout. Je regardai ma tenue. Mes chaussettes d’abord. Pas ragoûtant en effet. Le jean, le pull. Ca irait bien. J’avais juste oublié comme une femme peut rapidement vous dégommer. Comme le doute peut vous envahir et retomber comme un soufflé.
Je décidai de rester debout. De garder mes habits. Pour autant, je ne bougeais pas. J’avais besoin de calme. De décoincer mes mains, de décrisper mon visage. Mon cœur battait trop fort. Trop vite. Il ne semblait pas apprécier cette agitation. J’étais dérangé. J’étais troublé. Je n’en avais pas envie. Je me demandais ce qui lui prenait. Pourquoi elle brusquait les choses comme ça. Nous n’étions pas à trente jours près.

xxx

Je filai près de la cheminée.  Elle déboula dans la pièce principale et alluma le feu.
Elle avait déposé les deux tasses sur la table.
Elle voulut ouvrir les rideaux.
Je fis non de la tête. Elle n’insista pas. Son sourire était parti.
Je fête mes 30 jours, elle confirma. Et je veux te parler.
Je pensais qu’on se parlait tous les jours.
La gauchère ajouta : vraiment te parler.
Je pensais que je n’étais pas certain de vouloir entendre, en fait. Qu’elle aurait pu dire je voudrais, ou je souhaiterais.
Estelle précisa : enfin… commencer… si tu veux bien…

xxx

Quand elle est partie, j’étais épuisé. Laminé.
J’avais réponses. Même à des questions que je n'avais pas en tête. Et maintenant, je ne savais pas quoi en faire.
Non, je ne voulais pas entendre. Je n’avais pas voulu. Mais j’avais écouté. Pendant six heures. Evidemment que je ne voulais pas savoir. Que je préférais le mystère. Les silences. Le rêve, aussi. Mais maintenant, ce ne pouvait pas être autrement. Plus l’être.
Ceci étant, je comprenais qu’elle ait eu besoin de parler et ce qui m’avait semblé être soudain, ce que j’avais pris pour une impulsion, un coup de gauchère,  était en fait quelque chose au long court, qui avait grossi dans son esprit, au point qu’elle ne puisse plus faire autrement.
Au point qu’elle devait parler à quelqu’un. Et que ce quelqu’un, c’était moi.
Je l’ai su tout de suite, elle m’avait confié. Dés que je t’ai vu.
Je m’étais dit, acide, en même temps tu ne vois personne, mais ce n’était pas tout à fait exact, je le compris assez rapidement.
A la longue, ses mains tremblaient moins. Les miennes davantage.

xxx

Ses yeux n’avaient fait aucun trou dans la cheminée, quoi que j’en ai pensé.
Ils étaient pourtant laser, ses yeux, elle l’avait fixée pendant plus de 360 minutes, la cheminée, à se demander qui avait les plus fortes étincelles et qui craquelait le plus. J’avais essayé de me mêler au concert, pliant mes jambes, mes bras, mais mes petits os ne valaient pas grand-chose. Alors qu’elle parlait, la pièce même me semblait avoir grandi.
Je pensai pendant un bref instant à une chanson de Patti Smith, intitulée Gandhi, mais cela ne me fit pas sourire. Je ne comprenais pas l’anglais mais cette chanson me paraissait bien coller avec tout ce que dégageais alors Estelle. Qui, d’ailleurs, ne s’appelait pas Estelle, ainsi que je l’avais supposé. Mais qui désormais et pour toujours s’appelait quand même Estelle, ainsi que nous en avions convenu.
Nous sommes liés toi et moi, maintenant, elle avait expliqué, gênée presque, quoi que ce n’était pas son genre, de me demander si je voulais bien continuer à l’appeler ainsi.
Je ne veux plus rien demander à qui que ce soit, elle avait ajouté, et j’avais pensé qu’elle ne s’inquiète pas pour ça, que je le ferais pour deux. Que j’étais un spécialiste, moi.

xxx

La nuit tombait et la balade me manquait. Mes fesses appelaient les rochers, mes pieds le chemin, je découvrais que mon corps avait un langage. Comme les vieux, il prenait des habitudes. En marchant, j'essayais de trouver quelles habitudes j'avais perdues, du coup. J'étais un convaincu des vases communicants. Ce que l'on gagne d'un côté, on le perd d'un autre. Katia m'aurait dit, et vice versa. J'aurais dit et vice versa.
Nous n’avions pas bougé de la journée, mes fesses, mes jambes et moi. Mes oreilles, mes yeux, mon crâne et mes mains, par contre, n'avaient pas chômé. Nous l'avions écoutée. Et écoutée encore. Je me sentais  ivre, quasiment. Saoulé, certainement. J’avais besoin de vent. Je laissai le boomerang. Il faisait presque nuit. Je n'avais pas l'envie de me rajouter une épreuve. Déjà que je n'étais pas très brillant en plein jour. Il faisait vent, aussi. Non, inutile d'en rajouter. Point trop n'en faut. Il ne me fallait plus rien.

xxx

Je n’avais pas entendu les bulletins météo, et pour cause, je ne les avais pas écoutés. Je n’avais aucune raison de les avoir entendus, d'ailleurs, la télé était dans une armoire et je n’écoutais pas la radio. Je n’allais sur le net que pour chercher des trucs précis, ceux qui me passaient par la tête.
Estelle s'était levée.
Je l’avais regardée se lever, puis partir, elle semblait soulagée, elle était déchargée, elle s’était dit crevée, aussi.
Elle avait juste dit il faut que j’aille dormir maintenant et quand la porte se referma, j’avais pensé il faut que j’aille prendre l’air.
Il n’était pas question que j’aille chez Daniel. L’idée m’était venue pourtant. J'avais une mission, c'est vrai. Faut que je lui raconte, j'ai pensé. Mais c’était idiot. D'autant que j'avais entendu sa voiture passer. Il se rendait chez Adrienne. On était donc vendredi. Elle était rentrée la veille, par le dernier bateau. Je savais qu’il avait pris une douche de bon matin. En sifflant pendant que ses doigts pétrissaient son crâne. Et il fallait ça. Daniel ne jurait que par le savon de Marseille.
Dehors, un vent de fou soufflait. Je marchai tête baissée. Cela me convenait. Je connaissais le chemin.
J’avais en tête des paroles de Bashung.

xxx

À perte de vue des lacs gelés
Qu'un jour j'ai juré d'enjamber,
À perte de vue
Dodelinent des grues, les pieds dans la boue
Qui eût cru qu'un jour nos amours déborderaient
Plus de boulons pour réparer la brute épaisse
Ma pute à coeur ouvert trop de cuirassés
Pas assez d'écrevisses pour une fricassée
Donnez-moi des nouvelles données
Voies d'eau dans la coque du Poséidon
Hamacs éperonnés est-ce un espadon
l'oeuf d'un esturgeon Ou un concours de circonstances

xxx

Sur le chemin, j’avais été doublé par une Méhari de location remplie par des coupe-vent orange et sur la plage, malgré l’obscurité, j’avais croisé Jean-Pierre.
Je ne m’attendais tellement pas à croiser quelqu’un que je ne sus pas quoi lui dire.
Alors je ne dis rien.
Jean-Pierre était de ces gens qui n’ont de toutes façons besoin de personne. Il faisait tout tout seul. Tout, avait précisé Daniel un jour alors que nous parlions de totalement autre chose. Tout conversation incluse. Il parlât donc de je ne sais quoi. Je n'écoutais pas vraiment. J'avais tout donné. J'avais plus un seul gramme de capacité à écouter.
Il me dit à un moment, bouge-pas, et en trombe,  il partit vers sa voiture. Il revint avec un sac plastique. Il me le donna. C’est un bar, il annonça. Je viens de le pêcher. Tu n’as pas bonne mine. Ca va te requinquer. Et sinon, la filasse, du nouveau ? Il souriait, alors. Ce n'était pas courant qu'il donne de sa pêche. D'habitude, le bateau amarré, il filait vers sa voiture et rentrait.
La filasse, c’était Estelle.
Je l’avais oubliée. Un peu. Pendant quelques secondes. Du coup, elle revint fissa. En force.Tout l’après-midi me revint fissa itou et même pour tout dire assez violemment. J’étais harponné par le pêcheur. Il me fixait, soudainement. Il e taisait. Je tremblais. Il me fixait encore plus. Je finis par tomber.
Je me réveillai quelques heures plus tard dans mon lit.
Je n'avais pas vu qu'elle nous observait depuis le sentier côtier. Assise sous le banc de la maison aux volets bleus.

xxx

Les jours suivants, nous avions repris nos habitudes. C’était  insupportable pour moi.
Je ne sais pas comment je faisais avec ce serment à la con. Mais je prenais mon air buté, j'enfonçais mes mains dans les poches de mon pantalon, et j'avançais, en me disant que ça tiendrait tant que ça tiendrait et pour l'instant ça tenait. Les soirs, j'étais juste hagard. Pensif. Perdu dans mes pensées. Evidemment.
Le lendemain de la migraine foudroyante, au matin, j’étais allé au Café de la marée et je pense que m’étais plutôt bien tiré du guêpier dans lequel je m’étais fourré, racontant que plongé dans l’écriture d’un bouquin en ce moment, qu’enfin ça revenait, l’inspiration, que des mois et des mois sans rien, c’était dur; je n’avais ni mangé ni dormi pendant deux jours.
J’étais allé prendre l’air quand Jean-Pierre revenait de la pêche. Ce n’était pas la meilleure idée que j’avais eue, ça c’était sûr. Je le remerciai pour le bar et le couchage. Je payai ma tournée. C'est la moindre des choses. Ils en furent soulagés.
Daniel et lui avaient trinqué à ma santé en me disant de faire attention. Le lendemain, Adrienne déposait devant ma porte du kouign Amann. Je ne cessais d’être épaté par leur gentillesse, la protection finalement dont ils m’enveloppaient. J’étais un peu leur enfant revenu au pays sauf que je n’étais pas du pays. Et que je ne progressais pas vraiment au lancé de boomerang, à tel point que j’en étais revenu aux ricochets, laissant l’instrument dans le garage.
Estelle et moi passions de nouveau nos après-midi à marcher ou à contempler l’océan.

xxx

Ce matin-là, ils ne parlaient que de ça.
Adrienne avait déboulé ventre à terre, ce qui dans sa morphologie n'était qu'à peine une expression, et avait annoncé tout de go que l'autre avait un tatouage énorme dans le dos. Daniel lui avait servi une Dolmen aussi sec et elle avait un peu de mousse sur les lèvres en disant que c'était un drôle de tatouage, quand même, le genre comme dans la bible. J'aurais jamais pensé que la filasse avait assez de dos pour un tels machins, elle avait ajouté.
Tout le monde sirotait sa bière en opinant du chef. Personne n'avait idée sûrement de ce qu'Adrienne voulait dire par la bible, mais ça calmait. Ca en imposait.
Je me contentai de froncer les sourcils.
L'autre, c'était la filasse. Estelle. Qui ne s'appelait pas Estelle mais j'étais le seul à le savoir et je ne devais pas en parler. Je n'en parlais donc pas, quoi qu'il m'en coûtât. Au fil des jours, je commençais à sentir dans mes épaules que c'était bien lourd à porter, tout ça. Surtout que je n'avais pas plus de raisons que ça. Je n'avais pas remarqué le tatouage.
Daniel annonça que ça changeait rien, que lui, il en avait des tatouages, qu'il aimait bien ça.
Jean-Pierre trouvait que c'était pas fait pour les femmes. C'est comme leurs trucs, là, sur le nez, sur la langue. Ca ne devrait pas exister, ces choses-là.
Adrienne lui répondit qu'il comprenait rien aux femmes, de toutes façons, et qu'elle plus jeune, elle aurait pas dit non. Mais pas un aussi gros. Pas un qui fait peur.
Daniel ricanait. Ca l'amusait, le pas assez de dos. Il regardait ses mains en demandant si Adrienne pensait qu'il s'ennuierait. Jean-Pierre se marrait aussi. Ils me réchauffaient, tous.
Il était grand temps de passer à la belote.
Jean-Pierre fit sa réponse habituelle. Je ne peux pas, désolé, je vais pêcher, il avait dit, et comme à chaque fois, c'était le signal. Tout le monde se tourna vers Denez, qui était dans son coin, qui écoutait et ne disait rien, qui fit son gêné, son j'ose pas et qui se leva pour prendre sa place.
Il se frottait les mains. Nous pouvions commencer. Je me demandais ce qu'il pensait du tatouage et je commençais à me dire que si ça se trouvait, plein de gens avaient des tatouages, et qu'on le savait pas.
Je n'avais pas envie de jouer. Je n'ai jamais aimé perdre et je n'ai toujours pas compris comment s'y prenaient Daniel et Adrienne. Ils trichaient, j'en étais sûr.

xxx

Estelle était rentrée et n'était pas rentrée. Elle était allée marcher, en fait, autant pour ébrouer son corps que pour digérer ce qui s'était passé. Essayer de digérer. Commencer à digérer. Elle même n'en revenait pas. Elle était sentiments mêlés. Contente d'avoir osé, inquiète de l'avoir fait. Peur et désir, décidément, complices, toujours.
Elle ne pensait pas à Jean. Elle ne pouvait pas. Elle avait trop de choses en tête. Elle marchait et avait aperçu Jean-Pierre dans son bateau. Elle avait pris le sentier côtier. Celui qui semblait dessiner un arc de cercle autour de la maison bleue, comme disait Jean. Celle qui le faisait tant rêver.
Elle la regarda, cette maison. Elle s'assura que personne n'y habitait. De fait, elle était vide. Elle y entra. Elle en profita. Pour ôter de son dos le tatouage. Elle avait laissé la porte entrouverte. Elle avait vu Adrienne dans le miroir. Elle l'avait entendue partir. Se rendre au café, sûrement. Raconter, probablement.
Elle fredonnait Des Roses, une ritournelle entêtante inconnue de Cornu. 

xxx

Je ne pensais plus qu'à cela. A tout ce qu'elle avait dit. J'essayais de ranger, je crois. J'avais perdu à la belote. Jean-Pierre était parti en râlant et en boitant. Adrienne m'avait dit, ne t'inquiète pas, il est content quand même. Daniel et elle se regardaient en souriant. J'étais rentré. Elle avait parlé comme si elle avait lu les pages d'un bouquin qu'elle aurait apprises par coeur.C'était ce que je m'étais dit pendant que je tortillais sur le fauteuil, luttant contre mes crampes et cette lancinante douleur dans la fesse qui m'attaquait cet après-midi là. Etrange scène : je me dandinais. Elle fixait la cheminée. Ses mots dégoulinaient. Comme jaillis d'une plaie. Elle bougeait pas toute à sa fusion intérieure. Je me dandinais glacé dans mon immobilité. Elle avait dit à un moment, commentant nos après-midis passés au : Tu vois, nous sommes les deux faces de la plage. Toi, tu es le petit rocher, le sable où vient s'échouer la mer. Moi, je suis l'eau de l'océan, je n'en finis pas de venir et revenir vers la plage, c'est un mouvement sans fin, éternel quasiment.Je m'étais découvert rocher. Petit rocher. Je ne voyais plus la plage du même oeil. J'y retournais, pourtant. Mais je ne parvenais plus à la laisser me gagner comme avant. Il me semblait ridicule, ce rocher. Tout petit. parfois même recouvert par l'eau. Battu par son écume.

xxx
J'avais passé plusieurs nuits sur le net à mener une enquête dérisoire quand le téléphone a sonné. J'ai émergé comme j'ai pu.
C'était Guillaume.
Il l'était l'un des rares à avoir mon numéro de portable. Il venait aux nouvelles. Comme convenu, il précisa. Comment ça comme convenu ? Je t'avais dit que je t'appellerais le soixantième jour. On y est, vieux. Alors comment tu vas ?
Je baragouinai je ne sais quoi, la conversation ne s'éternisa pas, heureusement. Je n'avais pas dit un mot sur Estelle. Penser son prénom suffisait maintenant à me glacer le sang. Tout l'intérieur, comme congelé, d'un coup. On continuait à aller se balader mais on n'échangeait pas de mots. Cela m'arrangeait. Il lui arrivait de me regarder, parfois. Je n'étais pas à l'aise.
Daniel m'avait dit qu'il trouvait que la filasse avait changé. Un je ne sais quoi, il avait ajouté, en m'adressant un clin d'oeil. Adrienne aussi a trouvé. Par contre, toi...
Je me demandais bien ce qu'ils avaient trouvé.
Je suis allé me faire un café, l'oeil dans le vague.
Je n'avais pas aimé cette intrusion. Guillaume n'y était pour rien. Il m'avait replongé dans un bain bouillant et je cuisais de l'intérieur. Je fus tenté d'aller la voir, d'entrer au gîte, de faire pareil, de causer et de causer encore. A la place, j'allai sur le sentier côtier.
J'aimais décidément ce hors-saison. On y avait la certitude de n'être pas troublé. Pas risque de hordes déboulant de nulle part. Pas risque de promeneurs équipés Decathlon ou de familles rassemblées affichant un bonheur démenti par des ados boudeurs. Pas risque de coup de soleil, non plus. Un ciel blanc s'était installé, de ces blancs qui appellent le sombre, non de ces blancs qui scandent la paix.
De toutes façons, c'était la guerre.

xxx

Je pensais à cette chanson de Dominique A, Elle parle à des gens qui ne sont pas là. Je m'en récitais quelques paroles.
C'est elle qui est venue à moi, me demander si elle pouvait s'asseoir un matin, à côté; j'ai vu de près ses yeux qui souriaient ses ridules, ses beaux cheveux plaqués et d'emblée, elle m'a dit : "je parle à des gens qui n'sont pas là". 
"Si je dois faire le compte de ceux qui restent en moi, si je m'arrête à trois, trente vont débarquer, et ne partiront pas avant d'avoir causé, tous ces gens qui n'savent pas que je les ai quittés... ... Je n'les ai pas quittés, mais je n'le savais pas et ça les amusait, ils étaient bien en moi, et il faut leur parler, à tous, un mot gentil et il y en a assez pour causer toute la vie : je ne parle qu'à des gens qui n'sont pas là". 
Elle m'a dit qu'avec moi c'était facile pour elle que je n'étais pas là, que c'était pain bénit un corps comme le mien avec toute cette absence un sexe avec des mains bâti sur du silence un édifice désert facile d'y entrer, facile d'y revenir, et facile à quitter, quelqu'un à qui parler même quand il n'est pas là puisqu'il n'y était pas quand on l'a rencontré. Elle ne parle qu'à des gens qui n'sont pas là. À ceux qu'elle ne voit plus et ceux qui sont comme moi. 
J'en frissonnai.


xxx


J'avais du mal à encaisser. J'essayais beaucoup. Je marchais, tournait en rond, dormait, lisait, écrivait, me baladait sur le net, mettait de la musique, et même de la musique classique, allait au café. Je parvenais peu. Je ne savais pas quoi faire de tout ce qu'Estelle m'avait raconté. De tout ce que, depuis, elle ne disait pas. Je voyais que quelque chose avait changé en elle. C'était indéfinissable.
Quelques jours après, elle m'avait juste dit : maintenant, n'oublie pas que connais tout de mes larmes. Il n'y avait aucun risque. Que j'oublie. Non, aucun risque. Je me trouvais seulement un peu trop petit pour accueillir tout ça. Il m'arrivait de me demander ce qu'elle ferait des miennes. Sûrement qu'elle prendrait pas. Ou qu'elle balancerait ça aux orties. Ce que je devrais faire. Et puis non, elle ne ferait pas ça. Elle n'avait pas assez de place. Elle avait dit que parfois, même l'air lui bousculait le crâne.
Je faisais confiance aux jours qui passent même si j'avais quelques doutes. Plus de nouvelles du tatouage, non plus.
Au café, ils trouvaient que j'avais un air bien mystérieux. Adrienne pensait que j'avais une maladie grave. Elle me gavait de kouign a man. Son regard me soupesait autant qu'il me pesait. Elle me suggérait le chouchen, aussi. D'un air entendu. Je jetais l'un sans lui dire. Je ne buvais pas l'autre. J'en versais quelques gouttes de temps à autres sur une fougère, en me demandant comment elle allait évoluer.
Adrienne faisait elle-même son miel. J'étais allé regarder ses ruches, une fois. J'avais aimé la passion avec laquelle elle m'avait expliqué le fonctionnement de cette communauté.
Jean-Pierre me donnait régulièrement du bar. Il se dandinait lorsqu'il venait m'en déposer, disant à chaque foi, quand on a une faim de loup, le bar, y'a rien de mieux. Il le disait maintenant sans sourire.
Je ne jetais pas le bar. Je le laissais aux chats.
J'avais de plus en plus de mal à passer mes heures à côté d'elle.

xxx

C'est le troisième jour que j'ai commencé à sérieusement m'inquiéter.
Estelle était partie du gîte en disant qu'elle laissait des affaires, qu'elle reviendrait dans quelques jours.
Je ne pensais pas que son absence allait à ce point me faire quelque chose. A dire vrai, ça avait été plutôt l'inverse quand je pris connaissance du mot qu'elle avait glissé sous ma porte. J'étais content qu'elle parte. Elle me rendait un peu d'air. Je soufflais. Je me sentais plus libre.
Mais au fil des heures et des jours, je commençais à baisser pavillon.
A me sentir moins bien.
Puis carrément mal.
J'avais peur.
Qu'il lui soit arrivé quelque chose.
Qu'elle ait fait une connerie.
Qu'elle soit retournée en prison.
Elle m'aurait sûrement dit, de quelle prison tu parles, la mienne, la tienne, celle des gens ?
Je n'aurais rien répondu.
Je n'étais pas encore prêt à lui dire quoi que ce soit. Je savais qu'elle attendait. Qu'elle n'attendait que cela.
Et sans doute que moi aussi.
Mais quand ?

xxx

Quelques jours plus tôt, j'étais rentré content. J'aimais bien quand Daniel était seul. On pouvait plus facilement parler, il baissait le masque en quelque sorte, il m'étonnait même.
Cet après-midi là, nous n'étions que tous les deux.
C'est lui qui avait lancé la discussion.
Mettant le doigt, sans le savoir, ou peut-être en le sachant très bien, sur ce qui me taraudait alors.
Je traînais le paquet déposé par Estelle, définitivement j'avais décidé de l'appeler ainsi, et ça tournait et tournait dans ma tête, j'étais incapable de m'en défaire et tout autant incapable d'en faire quelque chose.
Ce n'était pas comme un disque rayé, plutôt comme une ritournelle qu'on a en tête. Ou une idée qu'on a sur le bout de la langue et on cherche, on cherche, sans que ça vienne.
Cela faisait juste un paquet de jours que j'avais ça sur ma langue, au bord des lèvres. Mais ça ne venait pas.
Je m'interrogeais sur le hasard. J'avais fini par comprendre cela.
Je me demandais pourquoi elle, pourquoi moi, pourquoi ici, pourquoi maintenant.
Selon les moments, je convoquais la malchance. Ou, plus rarement c'est vrai, la chance. Mais je n'étais pas convaincu. Je souhaitais comprendre. Mais aussi me convaincre.
Que tout cela ne relevait pas du hasard. Que les improbables circonstances de notre rencontre, que ce qui l'avait amenée ici, ce qui m'avait conduit là, que tout cela avait un sens, quelque part.
Je ne le trouvais pas. Je n'avançais pas. Je n'écrivais pas, d'ailleurs.
Je pensais à mon boomerang qui ne revenait pas. A mes ricochets qui ricochaient.
Je cherchais l'inspiration sur des bouts de rochers.
Et là, Daniel me lance, à propos du hasard, une de ses phrases dont il a le secret. Il m'avait avoué un jour que si ça donnait l'impression de tomber comme ça, c'était rarement le cas. Il cachait son jeu que ses yeux perçants, lorsqu'on y prêtait attention, ne cachaient pas.
Il était fin observateur. Il avait fine connaissance des femmes et des hommes, de leur coeur, des secousses de leur âme. De ce qu'ils trimbalaient, visible ou invisible. Il n'en profitait pas. Il souriait parfois. Ou se crispait.
Il m'avait dit, tu sais, la filasse, elle a quelque chose à expier. Et toi aussi. C'est pour ça que vous vous entendez si bien. 
Nous étions seuls. Il n'avait pas eu besoin de partir sur des sentiers graveleux.
Nous étions seuls et j'avais pu prendre le temps de réfléchir.
Nous étions seuls et il avait laissé ce temps s'écouler.
Je lui avais dit qu'il avait probablement raison.

xxx

Un soir, elle était réapparue. Elle était venue directement chez moi. Elle avait changé.Je ne saurais dire quoi.Elle avait apporté de quoi manger. J'eus quelques peines à avaler ces denrées-là.J'avais faim, pourtant. J'étais soulagé qu'elle soit revenue. Mais je connaissais la provenance de son argent. J'étais moins regardant sur la provenance du mien.De toutes façons, là n'était pas le propos.Je continuais à me taire. Incapable d'enchaîner. Elle avait parlé il y a plusieurs semaines. Nous n'étions pas revenus là-dessus. J'avais l'impression qu'elle m'attendait.
Elle m'annonça tout de go qu'elle connaissait mon secret et je me mis à trembler.
Je n'avais pas peur qu'elle me dénonce. Non. De ce côté là, je ne craignais rien. J'avais peur de moi, comme d'habitude.
J'avais peur que ma mémoire, qui rôdait je le savais bien, me rattrape. Pour de bon.
J'avais peur que ce que je retenais depuis que j'avais déposé mes valises ici ne me fasse m'effondrer.Je n'en étais pas bien loin. Et je n'écrivais toujours rien.
Je ne fus même pas surpris qu'elle sache.Je ne vérifiai d'ailleurs pas.
Rien ne me disait qu'elle savait.
Je ne lui posai aucune question. Je crois que d'une certaine manière, j'étais content. Pas soulagé, plutôt moins seul. Et j'appréciais.

xxx

Je n'eus pas besoin de lui proposer de venir habiter chez moi. C'est elle qui, le lendemain, se proposa de venir habiter ici. Elle avait juste dit, en déboulant avec ses sacs : c'est con de payer une location pour le gîte. Et elle avait ajouté : et puis, franchement, Adrienne, elle me court sur le haricot. Toujours à me loucher en croyant que je ne la vois pas, à fouiller dans mes affaires quand je ne suis pas là.Comme elle avait décidé de rester ici encore quelques temps, elle trouvait logique qu'on vive ensemble.
Si je n'y voyais pas d'inconvénient.
Je n'y voyais pas d'inconvénient.

xxx

Je connaissais ses larmes même si ce n'était pas réciproque. Elle ne connaissait pas les miennes. Quoi que je n'étais pas très sûr de les connaître tant que cela. Très vite, tout prit une tournure à laquelle je ne m'attendais pas.Elle m'avait raconté le coup du tatouage et nous avions fait l'amour. Je pensai d'ailleurs à Daniel et à tous les autres. A leurs sourires en coin. A tout ce temps qu'il nous avait fallu, elle et moi. Je me demandai si nous avions reculé l'échéance, ou si nous avions laissé le temps au temps, ou si.... Mais quelle importance ?Je lui avais parlé du boomerang alors que mes doigts dansaient le long de ses jambes. Sa peau était étonnamment douce. J'imaginais du cuir, quelque chose de plus rêche, tanné par les vents et les épreuves. Mais non. Pouvions-nous ainsi épargner des bouts de nous-même, malgré les épreuves, les forts vents, les inondations ? Il semblerait que oui. Sa peau était douce et je n'envisageais pas de porter plainte. Au contraire.Elle avait ôté son pull, me montrant son dos immaculé, elle riait de sa blague, alors qu'elle avait vu Adrienne par le miroir. Je ne l'écoutais plus. Je regardais ses seins, les trouvant plus pleins que dans mon souvenir, ce qui ne manquait pas de m'étonner alors que nous faisions seulement connaissance.L'idée que je puisse avoir déjà vécu ce moment-là me territifait.Je reculai. La regardai. Elle me regardait la regardai. C'était beaucoup pour moi et ma main approchant tremblait Mes doigts tremblaient. Mes yeux vibrillonnaient. Mon coeur était menaçant, je songeais à un volcan, une éruption. Cela devait se percevoir. Elle tremblait aussi. Mais pas pareil. Elle avait peur et c'était pour moi révolution. Je ne pensais pas qu'elle puisse avoir peur. Pas elle. Elle s'était retournée. Elle ne riait plus. Je me souviens seulement d'un silence. Extraordinaire. Presque parfait. Un silence pur. Dangereux, peut-être. Un aimant. Je tombai à genou. Le contact avec sa peau me transportait, je voyageais, du bout des doigts. Elle n'avait pas laissé un homme entrer en elle depuis plus de vingt ans, c'est ce qu'elle m'avait dit.Je comprenais cette durée en me demandant si des femmes étaient entrées.

xxx

 Lorsqu'elle m'avait raconté son histoire, elle avait eu cette phrase qui longtemps se promena en moi. J'y voyais capacité de liberté à un point que jamais je n'aurais soupçonné. Elle n'avait pas dit qu'elle était entrée dans une prison. Elle avait dit que c'était la prison qui était entrée en elle, qu'elle l'avait laissée entrer, qu'elle l'avait choisie en quelque sorte. Elle n'avait jamais pris la parole lors des interrogatoires puis lors du procès. J'avais décidé, elle m'avait précisé. J'avais décidé que ce serait plus simple comme cela. Elle avait pris vingt ans comme on prend connaissance d'une nouvelle étrangère. Vingt ans, ça m'allait, elle avait précisé. J'avais 20 ans à l'époque. Je sortirais à 40. C'était très bien comme ça. Elle commença une autre vie.Elle avait décidé de reprendre ses études. Ou plutôt de les prendre. Je quittais le monde des vagabonds. Des errants. Je n'avais pas de but précis. Mais je n'étais plus en lutte. J'avais lâché prise. Chaque jour était un bonus. La prison, je ne la voyais même pas. Le temps était pour moi, avec moi.


xxx

[à suivre]


A propos du Chouchen : On dit que les effets du chouchen étaient autrefois très violents car le miel utilisé contenait souvent des abeilles. Le venin présent dans le chouchen rendait la boisson assommante. [source ici]

dimanche 19 février 2012

D'un dimanche l'autre

Un panneau au centre de la base Vostok en Antractique © DR


Alors, quoi de neuf entre dimanche dernier et aujourd'hui, qu'ai-je noté dans ma boite à liens ?

D'abord cette étude, qui se demande si les bonbons rendent aimables. L'adepte de la fraise tagada que je suis ne pouvait que se demander s'il y avait un rapport de cause à effet ;-) C'est à lire ici.
Ensuite une phrase, jolie, dénichée là. Il est notamment dit ceci : « Il me faut des torrents, des rochers, des sapins, des bois noirs, des montagnes, des chemins raboteux à monter et à descendre, des précipices à mes côtés qui me fassent bien peur ».
Notons, en attendant, qu'au coeur de l’Antarctique, des foreurs russes auraient pénétré le lac sous-glaciaire Vostok, enfoui à plus de 3 750 mètres sous la calotte de glace. Une prouesse technique qui soulève de nombreuses interrogations. C'est là.
Beaucoup aimé en passant cette idée : Jérémy Rifkin éclaire la gauche française. Son credo : transformer tous les immeubles et bâtiments publics en autant de mini centrales de production électrique (éolien, solaire, géothermique, déchets…) dont le surplus pourrait être revendu. Cette production locale annoncerait une troisième révolution industrielle, aidée en cela par l’Internet, puissant outil d’une organisation collective rénovée.
Du côté du village monde, fascinant réquisitoire d'une terre oubliée. Bande annonce :
Il y a plus de 10 ans, le village de Las Palmas a été vidé par les paramilitaires, sous ordre de grands propriétaires terriens. Abandonné et envahi par la végétation, il est tombé dans l’oubli. Après la guerre, les habitants ont commencé à revenir et redonner vie à leur hameau d’origine. Mais malgré l’appui du gouvernement, Las Palmas peine à renaître. Rencontre avec les palmeros le jour de leur fête annuelle.
D'ici là, la question que faire ? Contre l'oligarchie, la finance, les médias. Par les temps qui courent, de la lecture utile quoi que pas toujours fastoche. Des choses à glaner, en trois tomes. C'est là.
On peut aussi revenir sur le mot civilisation. En cliquant là. L'auteur précise : « Il a dit civilisation, mais il aurait pu dire gouvernement ou système politique, ce n’est pas le plus important. Ce qui compte c’est l’idée ».
On peut donc également se demander comment faire pour sortir d'un bocal à cons. C'est ici.
Tout ceci ainsi lié doit bien conduire quelque part, du côté de chez soi.
Pour finir, de l'artistique avec un détour avec et chez Dominique A. C'est à lire ici et ça tourne autour de cette jolie présentation
Vingt ans. Oui, il fait entendre sa voix blanche, son lyrisme de possédé, sa tendre froideur depuis vingt ans. Et pourtant, il ne fait toujours pas partie des meubles – non, Dominique tu n’es pas une armoire normande ! Compositeur exigeant avec lui-même, il n’a besoin que les doigts d’une seule main pour compter les chansons dont il est totalement satisfait. Archiviste maniaque de son œuvre, il refuse de s’abandonner à une quelconque nostalgie, persuadé que le meilleur arrive.
Et enfin, amis des objets, une bonne adresse. C'est le Tiers-Livre et le prologue naissant de l'autobiographie des objets de François Bon. A découvrir ici. Et tant qu'à être sur place, lire aussi traverser Pierre Patrolin à la nage.

samedi 18 février 2012

Aujourd'hui, c'est chez Jacques

Depuis quelques jours, je replonge de temps à autres chez Jacques Higelin.
Peut-être parce que ces temps-ci,  on évoque Arthur H, son fils, et Izia, sa fille.
Jacques Higelin est un vieux compagnon de route pour moi que je connais en fait assez peu. Quelques chansons cultes, surtout depuis l'album Aïe, le live à Bercy (je lui dois ma rencontre avec la musique Africaine) et Tombé du ciel. Suivi à distance par la suite mais sans plus.
Il y a plusieurs Higelin, en fait.
Celui des premiers albums, un peu déjanté.
Celui qui donne dans une forme de sagesse, de morale, évoquant les drapeaux de la colère, disant que ce qui est dit doit être fait, etc.
Celui plus "brut" des premiers albums.
Sur la bio de son site, j'aime assez comment les choses sont présentées. Par exemple le fait que Higelin est"  l'un des derniers à avoir construit son succès sur le spectacle. Alors qu’il était peu présent dans les médias, Higelin triomphait chaque soir dans de petites salles qui, mises bout à bout, finirent par constituer un public considérable. Le succès discographique vint bien plus tard".
Jeune, Higelin découvre le jazz, puis Ferré et Brel. D'abord révolté puis idéaliste, il côtoie la chanson engagée de la fin des années 60, avec Catherine Ribeiro et François Béranger. Etc.
Et si vous souhaitez (re)faire plus avant connaissance avec le gaillard, voici quelques liens. Vous pouvez cliquez ici, ou encore ici.
Ci-dessous quelques vidéos.

Les pigeons du dimanche

Récurent et énervant, revoilà avec les présidentielles 2012 la question du travail du dimanche. Un billet écrit en 2009 :




Un dimanche après-midi d’hiver sur la Côte du sud d'un pays, la France. Un ciel d’azur après les dernières journées de mauvais temps. Ciel et mer se confondent sur l’horizon tant tous deux sont bleus ! Touchant presque le bord de mer..., un immense parking.
Sur la promenade, des humains, des oiseaux.

Des humains qui se promènent, lisent, jouent, se baignent…profitent du soleil. Des "seul", des "à deux", des parents, des grands-parents, des enfants...Des "à la terrasse", des "sur la plage" des (pas beaucoup mais...) dans l'eau. Des gens tout simplement qui profitent du repos dominical. Nous les avons croisé et sans besoin de se parler, bien senti et ressenti ce plaisir partagé.

Les oiseaux aussi semblent apprécier, surtout les mouettes et les cygnes. Tiens, les pigeons sont absents, bizarre !
Sur le grand parking, des humains, des oiseaux…Des humains nerveux, hargneux, impatients mais bien obligés d’attendre pour se garer qu’un autre congénère libère une place. Il y a aussi quelques mouettes tout là-haut et plus bas, tiens, « mes » pigeons ! Ils semblent ne vouloir pas en perdre  une miette  de ce drôle de spectacle. Et à l’intérieur puisque vous aurez compris qu’il s’agit d’un centre commercial, il pourrait bien en avoir quelques uns qui se font pigeonner! Ceux qui se bousculent aux caisses et salons d’essayage pour quelques prix en baisse et des affaires qui n’en sont pas toujours.
Et parce qu’ils n’ont pas le choix,  pour d’autres, obligation légale de travailler . Ces derniers n’auront pas vu beaucoup ce beau soleil d’un dimanche de janvier.




...Et dans 10 ans
Dis Papa (ou Papy).
C'était comment quand les gens ne travaillaient pas le dimanche?


vendredi 17 février 2012

En février de cette année-là...

L'autre jour, je me suis demandé. Ce que ça racontait 140 ans de mémoire familiale. Mon père était allé se recueillir sur la tombe de son père. J'avais trouvé cela vachement émouvant.
Demain, je me demanderai. Ce que 120 ans de cette mémoire prolongée de quelques autres générations produiront comme effet. J'espère que ce sera émouvant.
Il y a des moments, comme ça, où le temps s'étale plutôt généreusement sur la grande tartine chronologique de la vie.
Ce samedi, nous fêtons les quatre-vingt ans de mon père.
Nous avons imaginé 80 objets qui tous racontent une histoire et espérons que le patriarche sera en veine pour les narrer. Anecdotes qui croustillent et qui, je l'espère, feront chaud dedans plutôt que chapelet qui égrenne les années mortes.
Son épouse, ses trois fils, quelques uns de ses petits enfants seront réunis.
Depuis quelques jours, nous sommes quelques uns à voyager dans cette vie qui fut la sienne, dans ce que nous savons de lui. Et c'est assez épatant d'écouter un poème de Robert Lamoureux, de penser cochonnet et pétanque, d'évoquer des lieux, de regarder une R 16 bleue, de plonger aussi dans cette année 1932, année de naissance, où au détour de quelques pages d'histoire, on note en passant qu'en ce temps-là, par exemple, il est dit que "à partir de 1931, la crise financière mondiale se fait ressentir en France en plongeant lentement l’économie du pays dans un profond marasme. Les difficultés touchent l’agriculture qui souffre de surproduction. Puis l'industrie dont les exportations diminue. En 1932, cette crise économique se trouve doublée d’une crise financière et les rentrées fiscales diminuent, provoquant un déficit de 1 milliard de francs en 1933. Cette situation entama rapidement la stabilité du franc. A tous cela s’ajoute une crise morale qui se caractérise entre 1928 et 1934 par plusieurs scandales politico-financiers. Ces scandales contribuent au développement de l’antiparlementarisme".
Comme si finalement tout cela ne prenait pas une ride...

jeudi 16 février 2012

Présidentielle, le jour d'après

Les (terrifiants) chiffres du quinquennat Sarkozy : Les bas-fonds de Sarkofrance. Voilà le genre de "thèse" que je n'aime pas. Billets "à charge" que je trouve "facile".
Et ce qui vaut chez les uns vaut chez les autres.
Pour moi, la politique, ce n'est pas se postillonner à la gueule. Ce n'est pas, quand on est de droite, démonter la gauche et quand on est de gauche, démonter la droite.
Je comprends le jeu, bien sûr. Mais je trouve qu'il prend trop de place. Laissons les enfants jouer dans la chambre. Laissons la chambre n'être qu'une chambre, et ouvrons les fenêtres de la salle de séjour.
Pour n'importe quelle élection, n'importe quel candidat sortant, on peut ainsi trouver ce qui ne va pas, ressortir des phrases de ce qui n'a pas été fait, etc.
Le débat est constamment ramené vers ce genre d'arguments. De cette manière là. Je trouve cela dommage. Je trouve cela pollution.
D'autant que le brouhaha est une des armes des uns et des autres.
La République des petites phrases et des grandes peurs est lassante, par moments.

Cette élection 2012 est passionnante en ce qu'elle est révélatrice des idéologies des uns et des autres. Ils ont beau continuer à se cacher, pour certains, nous sommes de moins en moins dupes.
Pour moi, le plus choquant, il est dans ce système installé qui justement, nie le peuple. Il le méprise, même, par moments, ce peuple. Et maintenant, il vient lui demander sa main.
L'aplomb est fascinant. Le culot itou. Les relayeurs relaient. 

Il y a effectivement un monde à essayer de comprendre, une nouvelle société à appréhender, des difficultés à ne pas cacher, mais il y a aussi des perspectives à du coup ne pas gommer.
On a bien compris sur quoi le président sortant candidat entrant allait se positionner. Il va surfer sur la crise. Danser sur les peurs. Tenter de ringardiser ceux qui disent pas comme lui. 
Et notamment ceux qui pensent que le "service public" (au sens large) est une réponse à la crise (et je ne parle pas de l'état nation en disant cela, nous sommes dans une république décentralisée).

Je crois que le vrai clivage, aujourd'hui, est là.
C'est l'enfant du "non" européen.
Il y a ceux qui votent "public".
Et ceux qui votent "privé".
Nerf de la guerre, l'argent.
Il y a ceux qui pensent qu'il doit venir de la contribution de chacun et former ainsi un "tout" qui sera ensuite mis au service du pays.
Et ceux qui pensent que cette notion du "tout" est une utopie et qui donnent les clés aux "entrepreneurs/entreprenants".
Ceux qui pensent qu'il y a des droits et des devoirs.
Ceux qui pensent qu'il y a des devoirs et des droits.
Ceux qui sentent qu'un pays doit la jouer collectif et prendre des initiatives pour créer de la richesse.
Ceux qui pensent que la richesse créera de la richesse.

En 2007, ces derniers étaient plus nombreux. J'espère qu'en 2012, ce sont les autres qui le seront. Pour voir.

mercredi 15 février 2012

Vu sur le net / Virtuel

Je dirais aujourd'hui, en tenant compte du fabuleux pouvoir d'attraction des médias sociaux, qu'il faut considérer le virtuel comme l'habitat des jeunes et les orienter vers le réel selon une pédagogie semblable à celle qu'utilisait Socrate pour éveiller les jeunes athéniens aux Idées. Un livre comme celui de Frédéric Cros sur la marche leur convient parfaitement. Il faudra aussi tenir compte du fait que l'enfermement dans le virtuel est tel pour beaucoup de jeunes que ce qu'ils vivent sous forme de contacts physiques tient plus du virtuel que du réel. Ils sont en représentation même en présence de l'autre. Il faut alors inventer une pédagogie pour les aider à sortir de la représentation, ce qui ne peut se faire que par l'intégration de la souffrance à la vie.
Lire le texte sur l'Encyclopédie de L'Agora | Virtuel

mardi 14 février 2012

Un clic pour les Restos du Cœur




Vous aimez les légumes ?
D’autres aimeraient en manger !
C’est pourquoi je relaye ici le courriel reçu d’une amie et qui m’invitait à cliquer.
1 clic = 2 kilos
20 000 clics = 40 tonnes offertes aux Restaurants du Cœur



rivière 7

Elle rougit. Baissa les yeux. Il entra. Demanda s'il pouvait s'asseoir. Elle s'excusa. Bredouilla. Reprit ses esprits. Ils parlèrent. Elle aima ses questions, et mit du temps à se remettre du moment. Soudainement épuisée. A deux doigts de prendre son après-midi. Plus bonne à rien. Ou plutôt égarée dans son ailleurs qui ressemblait de moins en moins à un nulle part. Elle redoubla d'attention sur le net. Elle voulait le connaître. Elle avait désormais l'impression d'être sur ses talons. Sandra levait les yeux au ciel désormais. Elle accepta sans mal que son amie la traite de cinglée et de psychopathe que j'aime quand même et elle rit avec elle. Se tartina l'intérieur de ce rire, cherchant à quand remontait la dernière fois, ne trouvant pas, tout était si loin, si endormi, si réveillé soudain. Elles burent un Porto.
Quelques semaines plus tard, ils s’étaient retrouvés autour d’un café. Arrivés en même temps, il fut galant, elle engagea la conversation. C'était plus simple, plus évident désormais.
Une autre fois, il l’avait appelée pour demander un renseignement. Ce qui était vai mais ne l'empêcha pas de l'inviter à boire un café, je vous dois bien ça, il avait précisé. 3
Un autre jour, elle le lui rendit, en précisant, à mon tour cette fois. Elle restait calme le temps de leurs échanges, et cuisait de l'intérieur. Elle aimait cette chaleur, se sentant vivante, plus que jamais.
Tout cela restait strictement professionnel et si Sandra s’impatientait, bouillait, même, Audrey continuait de boire le lait de cette histoire qui lui appartenait enfin.
Si ça continue, on va y passer deux siècles, soupirait Sandra. C’était sa semaine sans Porto.
Et toi, tes amours ? lui clignait de l’œil Audrey.
Ne m’en parle pas !
D’accord, je ne t’en parle pas.
Si, si, s’il te plaît, pose-moi des questions

Un jour, Audrey croisa Eric à la boulangerie. Comme elle, il achetait son repas du midi. Ils se sourirent. - Vous n’allez pas à la cantine ? - Non, jamais. Je n’aime pas ça. Pas la bouffe, hein, je ne sais pas comment elle est, je n’y mets pas les pieds en fait. Je n’aime pas rester là le temps de midi, croiser tous ces gens du boulot, encore et encore. Je préfère prendre l’air. - Moi aussi. Ils sont toujours dans la voiture. Ils savent maintenant l'un et l'autre que quelque chose va se passer mais ils ne savent pas quoi. Pas quoi exactement. Ils savent que ça leur pend au nez depuis pas mal de temps. Ils sont un peu surpris que ça ait pu durer si longtemps. Platon avait semblé s'être glissé entre eux. Audrey déboutonne alors sa chemise et s'approche de lui. Il ferme les yeux. S'approche de cette poitrine offerte. L'embrasse. Il y a un parfum de récolte, après avoir tant semé. Il y a un air de déluge, de calme avant la tempête. Elle ferme les yeux, caresse sa nuque. Ce moment a tellement existé dans son esprit, ses rêves et même parfois ses réveils que rien ne la surprend pendant que lui embrasse, embrasse encore, ose l'autre main sur l'autre sein. Elle ne le sent pas mais il a le cœur qui bat. Qui bat comme jamais. Qui n'est pas loin d'éclater. Comme si la vendange était trop tardive. Comme si le fruit était trop mûr. Le voilà qui recule, qui a peur. Qui est comme éteint, embrasé, embarrassé. Et elle est là, pantelante, chemise ouverte, têtons tendus comme jamais. Des années que son corps n'a pas été parcouru, fusse alors juste une esquisse. Des années qu'elle n'a pas vibré ainsi, transpercée, parcourue. Elle prie pour qu'il revienne avec sa bouche. Il ne revient pas. Ils se croisent. Elle quitte son nulle part, il arrive dans son ailleurs. Il murmure quelque chose. Elle s'approche. Elle tend l'oreille. Il croit qu'elle veut sa bouche. Ses seins ne sont pas loin d'exploser tellement ils sont emplis de désir. Il murmure à nouveau. Elle se méprend, s'accroche, s'approche. C'est le réveil qui sonne. Le réveil qui dit que c'est l'heure. Ils ferment les yeux, tous les deux. Elle sourit quelques secondes plus tard, il s'allume une cigarette. Il n'ose pas la regarder. Il a mal, une douleur terrible, entre les jambes, et dans la poitrine aussi. Il a peur, soudain, mais une autre peur, pas la même. Il a l'impression qu'en quelques secondes, il a croisé la vie et plus que la vie puis la mort et presque la mort. Il serre ses doigts sur le volant. Cerveau ivre, cerveau vide. Il ne sait pas quoi dire. Audrey a reboutonné sa chemise. Se disant comme il est incroyable que ce qui s'est produit se soit produit précisément aujourd'hui. Le seul jour où elle n'a pas mis de soutient-gorge. Elle sourit. Elle est heureuse. Il en pleurerait. Elle lui dit juste de démarrer. De ne pas se prendre la tête. Il a peur de l'avoir perdue. Et lui avec. Elle ne lui dit pas qu'elle l'a gagnée un peu plus. Et elle avec.

Au bord de la rivière (6)

Episode 1 là.
Episode 2 ici.
Episode 3 ici.
Plusieurs semaines s’étaient écoulées. Un dépannage changea tout. Accéléra les choses, plutôt. Généra son lot de relances et de vapeurs.
Il avait rendez-vous avec une Audrey.
Elle travaillait au service des ressources humaines. Elle est chez nous depuis quelques mois, lui avait-on indiqué, comme si cela était d'une quelconque importance.
Elle conduisait une mission sur la gestion des compétences avec logiciel et tout et tout. Le logiciel merdait.  Ce n'était pas Eric qui devait intervenir mais son collègue était malade. Il le remplaça au pied levé et sentit une sueur électrique gicler dans son dos lorsqu’il entra dans le bureau. Comme une griffure, faisant tache d'huile. Un point et aussitôt une inondation. C'était elle.
Audrey pas mieux fut comme pétrifiée lorsqu’elle le vit, lui, qui entra ce matin-là dans son bureau à elle.

Elle ne s'y attendait pas. De mauvaise grâce, son chef ne lui avait pas donné le choix, elle avait accepté de rencontrer un type de l'informatique et elle l'attendait. Il venait pour le logiciel. Elle avait préparé son affaire. Parler n’était pas son exercice préféré, elle qui optait facilement, souvent et simplement pour le hochement de tête et la compréhension encourageante. Cela suffisait la plupart du temps, tellement les gens ont juste besoin qu'on appuie sur un bouton, celui du je te comprends, tu es unique, je te le promets. Ils démarrent alors facilement, il n'est qu'à relancer de temps à autres, ils s'épanchent, hors sentiers balisés bien souvent. Son chef lui avait dit que c'était important, que le service avait à y gagner, une rallonge budgétaire peut-être, c'était son travail et elle allait en causer.
Le papier glissé sous ses yeux dans l'impeccable bureau n’avait pas pour objectif de la rassurer. Elle n’était pas inquiète. Il avait pour but de l’aider à trouver des choses à dire au cas où. Pas une seule seconde elle ne pensa se retrouver face à Eric. Pas une seule seconde elle n'avait imaginé qu'il puisse frapper, ouvrir la porte et entrer. Il entra.
Elle le connaissait un peu mieux, désormais. Ils n'avaient fait que se croiser ces derniers mois, ne s'adressant jamais véritablement la parole, du bonjour, après vous, ce genre de choses. Elle savait juste qu'il ne prenait jamais ses repas au restaurant de l'entreprise. Le coup de poignard jaillissant à chaque fois qu'elle le voyait et c'était suffisant pour arrimer sa patience.
Elle avait juste mené sa petite enquête. Discrètement. Profitant de sa place à la direction des ressources humaines, se renseignant de ci, de là. Sans en faire trop. Elle savait l'essentiel de toutes façons. Même si un soir, elle céda à la tentation d'internet. C'était chez elle, et elle osa plonger dans les moteurs de recherche. Etonnée par son audace, culpabilisant tout de même un peu en même temps, elle était limite à se retourner pour s'assurer que personne ne la voyait, prête à sursauter, un chat sur ses gardes.
Elle avait pianoté sur son clavier. Elle découvrit ainsi qu'il avait un profil facebook, et un site internet, il était également présent sur quelques réseaux sociaux. Plusieurs fois, elle alla de l'un à l'autre, se nourrissant de lui, des bribes qu'il laissait sur la toile. Confuse et attirée. Elle en savait donc un peu plus quand il ouvrit la porte.

lundi 13 février 2012

L'heure de ce quart d'heure

Un petit jeu ?
Vous voulez ?
Alors jouons.
A quoi ?
A nous raconter... un quart d'heure. Un quart d'heure, celui de notre choix, de cette journée du 13 février.
Un quart d'heure que nous racontons. Parce que ce quart d'heure-là, et pas un autre.

Vous jouez ?

dimanche 12 février 2012

Notes de l'hebdomadairité (1)

[écrire un fragment de trois à cinq lignes pour les sept jours passés]


Lundi : réveil polaire. Porte entrouverte. Je convoque l'oubli, le vent. C'est en réalité un voleur. Dérobe l'argent de poche des enfants. Faut-il rembourser ?
Jeudi : participation à une grand'messe professionnelle. On nous propose de réfléchir. Toutes les réponses seront dûment consignées. Quelle est la question ?
Vendredi : énièmes corrections dans un document qui perd peu à peu son sens. Déjà, il n'en avait pas beaucoup au départ. On dirait un squelette sans os. 
Samedi : dans un temple du tourisme. Bedaines et seins bas. Enfants qui jouent. Pique-nique proscrit. Consommez, s'il vous plaît. Il ne nous plaît pas. Nous consommons.
Dimanche : repas en famille. Belote. Rivière gelée. Le froid dure. Couvrir les paroles des invités par les siennes plus fortes. Ramener de la salade et du pain.
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