dimanche 5 février 2012

Né un cinq février

Je me suis retrouvé dans les rues endormies parfaitement éveillé la paupière étrange, à gambader, à me dire, ça y est. Ca y est. Ca y est !
C'était au terme d'une nuit improbable, attendue, redoutée, finalement passée muscles endoloris entre un fauteuil amer et du mauvais café, de ceux qui tombent dans des gobelets après qu'on ait inséré des pièces. Madame était pour sa part entrée dans une sixième dimension, la peur jouant avec la douleur, l'inquiétude comme tatouée d'un embryon d'espoir, d'envie de voir enfin sa bouille et crainte qu'elle ne fut pas... Disons-le : elle fut.
C'était une nuit passée à tenter de se décontracter dans l'attente des contractions, l'oreille parfois collée au portable, échangeant avec les uns, prévenant les autres, les loins surtout. De ces nuits qui s'écoulent comme les gouttes d'une perfusion,  lentement s'étirent, aiguilles de l'horloge comme figées. Temps suspendu.
Alors aussi on arpente des couloirs médicalisés pendant que se mêlent des relents de soupe et d'éther, parfois quelques grincements, portes qui se ferment, bip bip, ronflements. Il en va ainsi des silences à plusieurs. De ces nuits navette, où l'on va jeter oeil interrogatif à la chambre, scruter, demander, deviner, aller, venir, s'étirer, s'époumoner.
De ces nuits où l'on ne trouve pas le sommeil parce qu'on ne le cherche pas. Il est inutile.Il n'est pas de saison.Envahi par l'événement qui est là, à fleur de peaux, à portée de ventre.
Niché, encore, et petit à petit enclin à sortir la tête.
Je me souviens que des heures durant, il se passa cette attente qui échappait à toute échelle rationnelle du temps et soudain, tout s'accéléra; comme on bascule dans une septième, huitième, dixième dimension. Je fus devant, je fus derrière, j'étais nulle part, j'étais partout. La vie s'invitait. Nous avions rendez-vous avec elle. Nous l'attendions comme un soleil à venir.
N'en louper pas une miette. Je notai tout et ne retint rien. Tout fixer dans la bobine, imprimer que dalle. Langage du coeur au pays des corps.
L'enfant né, je m'étais retrouvé plus tard dans les rues, hurlant ma joie, brandissant ma fierté, hagard, totalement ailleurs, bien dans cet ailleurs.
Je sautillais d'un pied sur l'autre, je ne me souviens même plus du temps qu'il faisait, la cinquième saison s'était installée. J'esquissais juste une danse improbable, connue seulement de moi-même, issue des siècles précédents sans doute.
J'étais ici, j'étais ailleurs, j'étais la terre, l'enfant était venu, il était là, tout s'était "bien" passé.
Il faisait doux, évidemment. Né un cinq février. Fier comme artaban.








4 commentaires:

  1. Quel joli message.. Je vous découvre par Françoise et suis très touchée.. Pour mon rejeton né le 5 février, je me suis contentée d'un diaporama photos, sans doute parce que je n'ai trouvé de mots assez forts pour décrire l'émotion de sa naissance..:)

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  2. Bon bah, journée smileys alors : ;)

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