lundi 13 décembre 2010

Un bon plan

Elle lâcha le plan de la ville comme on lâchait son mouchoir autrefois.
C'est du moins ce qui vint à l'esprit de François lorsqu'il se pencha pour le ramasser. Il lui tendit l'imprimé et répondit à son sourire avant de reprendre son chemin. Un millième de seconde de remords lui fit tourner la tête en arrière. Il n'aurait pas aimé que son attitude sérieuse et détachée passât pour de la goujaterie.
Mais, ce fut le quart de tour de trop.
Le soleil en profita pour éclairer le visage de la dame au moment où les rondes et hautes pommettes trahissaient l'émotion. La parole vint au secours et marmonna un charmant Merci au r effacé.
C'était fini. Le François était pris au piège. Le Français s'éprit de la belle Anglaise.
Il leur fallu combler ce silence épais, gênant et explicite. Il proposa de l'aide. Et le plan touristique devint rendez-vous des yeux. Comme toutes les femmes, elle tourna le plan pour l'orienter dans le sens de la géographie. C'est pas gagné pensa-t-il, c'est international ce truc !
Il baragouina quelques mots scolaires et n'alla pas plus loin que church, way, town et street. Sa maladresse était palpable et peut-être séduisante. Devoir accompli et chamade enfouie, François salua et se promit de filer droit.
Au feu, le petit bonhomme rouge c'était lui, bouillant, figé, tendu. Mais avant qu'il ne devienne vert, il entendit dans son dos, My name is Diana.
Foutu ! Il était foutu.
Obligé d'en voir plus, d'en savoir plus, il détailla la touriste comme on caresse un coucher de soleil, lentement, délicatement. La trentaine avancée, un mufle aurait dit qu'elle était mignonne. La vérité dit qu'elle est très, très belle. La simplicité structurelle et la beauté définitive ne faisaient qu'une ; une puissance que seuls les cœurs purs décèlent. Les autres passent et n'entendent que ce qui sonne creux.
La princesse n'était pas un hasard mais le cadeau de sa vie, sa recherche du Graal s'arrêtait là, sur un trottoir, devant une église. C'est un bon plan pensa-t-il en baissant la tête sur les mains qui tenaient toujours l'objet. Alors, il décida de se rendre. Il lui prit la main sans la lui demander. C'était son jour de naissance.
Un pas sur le passage protégé alors que le petit bonhomme était redevenu rouge valut à François une mort soudaine et heureuse. Les roues du car de touristes britanniques imprimèrent sans effort une histoire d'amour éphémère sur un bitume clouté, place de l'Île-de-Beauté.
L’Anglaise garda sa main dans la sienne quelques secondes, puis décida de prendre le large et le deuil.

5 commentaires:

  1. La force de la seconde vécue et la loi des enchaînements de circonstance.
    On se dit qu'il est passé de l'autre côté heureux.
    La pauvre.

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  2. Pas compris. Kezako, syndrome Giscard ?

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  3. Souviens-toi que Giscard s'était vanté dans un roman d'avoir séduit Lady D.

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