jeudi 5 avril 2012

L'improbable émotion, l'un possible

A la suite de ce billet...

Peut-on, en ces temps où le virtuel emplit les poches de nos yeux, éprouver une émotion en achetant une revue papier, qui plus est le numéro 1 d'une revue papier ? Ce sans paraître gêné le moins du monde. Au contraire. Eprouvant fierté.
De ces émotions indéfinissables parce qu'enfouies, sans doute, et indéfnissables par ce qu'il est des mots dont on a probablement perdu l'usage. Mais pas la mémoire.
Peut-on, d'un doigt qui ne serait pas tactile, aimer la rugosité de ce papier ?
Frotter ce doigt. Déceler l'odeur. Aimer cela ?
N'être pressé de rien.
Se dire qu'on a enfin le temps pour soi, avec soi ?
Peut-on, d'un oeil, se surprendre à déguster l'apparente absence de mise en page ? Se dire, même, tiens, il est encore des endroits où les mots peuvent pousser l'espace, s'étaler, les photos dépasser des cadres voire même occuper tout l'espace ?
Peut-on parcourir une revue et vivre cette traversée comme une aventure incroyable ?
A l'impossible nul n'est tenu, dit-on.
Mais, derechef ai-je envie d'ajouter, il est des impossibles qui vous tiennent, et non seulement c'est possible, mais en plus, c'est souhaitable.
Et puis tout est dit, lorsque dans Libération, Michel Butel sort l'âme de son caveau et clame qu'on ne peut informer sans émouvoir. Bordel ! Mais c'est bien sûr ! Bon sang !
Alors tout prend place dans le puzzle.
Tout s'éclaire à défaut de s'illuminer.
On tourne les pages et déjà l'on regrette que tant de gens vont passer à côté.
Parce que franchement. Une revue, par exemple, qui vous dit ça, ça le fait, non ?
L’information est morte, c’est-à-dire illisible, inaudible, invisible, si elle n’est pas animée-ranimée par les mots, par une langue, par un style, par une pensée, inédites. Un journal doit être un événement, au sens radical de ce mot, dans la vie de chacun. Il doit troubler. Il doit inquiéter. Il doit émouvoir. Il doit transmettre l’énergie vitale sans quoi nous nous effritons de jour en jour. Ainsi, drogue entre toutes bienfaisante, il créera une addiction.
Il est donc encore possible d'ouvrir des espaces où les mots ont un sens, où l'être le dispute au paraître, où le fond nique joyeusement la forme, non qu'il s'en moque, mais plutôt qu'il la dépasse, la transcende, la transperce.
Alors pour cela tant mieux.
Et pour tout le reste merci.
D'avance.

2 commentaires:

  1. ...et merci pour l'interview de Libé.

    Si je gagnais au Loto, (et si je jouais...)je mettrais l'Impossible sur tous les bancs publics!

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