lundi 8 novembre 2010

L'embouteillage

L'embouteillage était monstre. La capitale azuréenne avait un air de fête et de défaites. Deux présidents s'étaient donné rendez-vous sous les ors de la Côte, les flashs des journalistes et le plus naturel des projecteurs. Le reste de la ville grouillait et bouillait d'être à la merci d'un spectacle qui ne lui rapportait rien. Il savait aussi que demain, une autre mascarade battrait le pavé entonnant un chant du cygne ridicule et inutile. Le reste de la ville subissait les restrictions et les embouteillages.
Mais, à quelque chose malheur est bon et l'inextricable désordre allait nous le prouver avec une délicatesse infinie.
La Micra ne bougeait plus depuis dix bonnes minutes. Sa propriétaire, coude à la portière et yeux dans le vague était également figée. Absente, résignée, elle était plantée là et ailleurs en même temps. Sur la voie d'en face le motocycliste observait. C'était son métier, observateur. Scrutateur même, disaient certains et inquisiteur ajoutaient les moins assurés. Qu'importe, son regard ne pouvait plus quitter cette bouche généreuse, ce nez parfait, ces yeux noirs, ce visage fatigué, triste et chiffonné, cette main aux doigts de reine soutenant un front frangé. La Cléopâtre du boulevard Carnot était trop belle pour rester triste et trop triste pour rester seule.
Il osa : Bonjour Madame, puis-je vous offrir un Doliprane ?
Il avait fait mouche. Le visage laissa apparaitre une éclaircie et, déjà, la brasserie du carrefour déroulait le tapis rouge.
Un Perrier-citron et une conversation douce firent office de paracétamol et une heure plus tard le monde avait changé.
Les bouchons, les présidents et les maux de tête avaient disparu comme par enchantement. Les Micra et les deux-roues s'étaient laissés pousser des ailes. La conversation avait fluidifié la vie prouvant que l'échange était huile essentielle.

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