samedi 7 avril 2012

Ballon rond et fond de l'air

Ca m'a fait quelque chose, de lire cet article sur Rue 89 consacré au foot rural. C'est bon de souhaiter du bonheur aux autres, se remémorant, se disant, devriez vivre ça.
Ce foot des samedis et des dimanches, qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il fasse soleil, qu'il gèle, qu'il neige.
Ce foot des terrains mal tondus parfois en pente, ce foot des vestiaires parfois aménagés dans des anciens camions frigoriphiques, où l'on s'entasse pour se changer, se camphrer les cuisses.
Ca fait toujours quelque chose quand quelque chose qu'on a connu, qu'on a aimé a tendance à se faner.
Lire l'article et c'est voyage pour qui a baigné dans ce foot-là.
Ces matches qu'on ne savait pas si on arriverait à les jouer faute de combattants.
Ces tôles qu'il nous est arrivé de prendre.
Ces terrains improbables nichés dans le moindre bled où toujours se produisait l'alchimie des rencontres, qui sur le pré, qui autour de la main courante, et bien sûr, à la buvette.
Ces bénévoles qui entourent les équipes, tondent, tracent, conduisent en voiture, arbitrent parfois. 
Gamin, j'allais renifler l'odeur du foot rural. 
Je partais de chez moi, par les champs, derrière, et j'arrivais au stade. Parfois, j'avais le droit de taper le cuir avec les "grands". Comme j'étais fier ! Comme j'étais serviable, aussi : prompt à leur ramener la balle lorsqu'elle passait derrière les buts, et même parfois carrément de l'autre côté des hangars situés en contrebas.
Les ballons me semblaient bien durs et bien lourds.
Plus grand, passé du côté des joueurs pouvant endosser la verte tenue officielle, je faisais taxi et c'était parfois méritoire car nous jouions le dimanche matin, tôt pour ceux qui occupaient leur samedi soir dans d'autres vapeurs. 
Je garde souvenir ému de ces jeunes qu'on allait tirer du lit, qui déboulaient hagards, et qui, quelques minutes plus tard, se retrouvaient en short dehors à courir derrière un ballon.
Relisant cet article, du haut de ma carrière d'une vingtaine d'années, je me rends compte à quel point j'ai finalement peu de souvenirs de victoires et de défaites. Parce qu'on s'en fout.
A la place, des moments, des visages, des grimaces. Les reprises après l'été, comme elles étaient difficiles. Les lundis après les matches, comme la démarche était claudiquante. Les entraînements le soir, comme il fallait cavaler pour être à l'heure.Les fou-rires dans les vestiaires, comme ils étaient sympa. Et ces discours pour se motiver, ces paroles pour éviter de s'engueuler, ces tranches de vie qui venaient parfois percuter le seul domaine du sport.
Ce n'est jamais évident de mesurer ce qui vous fonde. Sauf à sourire avec tendresse et alors c'est évident.

2 commentaires:

  1. C'est ton billet que je trouve très émouvant. Émouvant et sentimental sans être pleurnichard ou nostalgique. C'est ce que j'aime, le constat froid et la mémoire intacte. En tous cas, c'est comme ça que je l'ai lu.
    J'ai tout connu aussi de ce que tu racontes. J'ajouterai les déplacements incertains dans des bleds improbables que même les GPS d’aujourd’hui s'y perdraient je crois, le goût du citron de la mi-temps coupé au Laguiole personnel du dirigeant bénévole tant aimé, les terrains (plus qu'en pente parfois) pas tracés ou même la ligne de côté des 18 mètres à 50 cms de la ligne de touche. Enfin, voilà, on sait de quoi on parle.

    Voilà que ça me ramène aux "mains d'or", à aux Arcelor, à Lavilliers, à Mélenchon.
    Parce que ce que je ressens de cette fraternité, de cet engouement, de cet espoir n'est pas feint. Il est. Je le prends comme force et énergie. Mais je le sais comme temps fini. Riche mais fini. C'est l'heure d'autres défis, d'autres outils. Le foot rural était, on inventera autre chose. Aussi beau. Plus beau peut-être. La luttes des classes, c'est fini. Inventons d'autres lendemains. Encore plus beaux. Allez, c'est le coup d'envoi. On est une équipe, faisons notre part.

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  2. Plaisir de lire un billet.
    Plaisir de lire un commentaire.

    On ne sera pas trop d'une équipe pour inventer "autre chose".

    Salut à vous, ne soyons pas frileux malgré le dicton d'avril que j'ai volontairement détourné.

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