mardi 19 octobre 2010

Mémoire de grève(s)

L'autre jour, j'essayais de me souvenir.
Quand j'avais 13, 14, 15 ans, comment je "voyais" les événements, l'actualité, tout ça ? Comment je vivais cela ? Est-ce que cela "impactait" ma vie de l'époque ? Comment je vivais tout cela ?
J'ai froncé les sourcils. Haussé les épaules. Car rien ne me venait. Pas grand chose, disons. Des jeux, des pensées ados, ce genre de trucs. Joie de l'enfance, insouciance de l'adolescence, à moins que ce ne soit l'insouciance de l'enfance et la joie de l'adolescence : en vérité, je m'en fichais comme de l'an quarante, de toutes ces affaires de "grands", de "vieux".
Et pour cause : tout cela ne me "parlait pas".
Sûrement parce que c'était silencieux.
Tu.
On en parlait pas des sujets qui fâchent.
Ô, il y eut bien quelques joutes verbales lors de repas de familles ou entre amis, mais vite éteintes par une résolution partagée : terminé, on ne cause plus politique. Bref, loin s'en faut, je ne me suis pas nourri de paroles enflammées et de militances exacerbées. Ni d'explications. Ni de sensibilisation.
Je trouvais cela bien. Je n'en suis aujourd'hui pas aussi sûr.
Culture du on ne dit pas les choses.
Me manquent parfois des clés de lecture. Certes, j'ai vaguement senti que mon père avait une vie militante (il adhérait à un parti politique, était syndiqué, préconisait les mutuelles et les coopératives, s'impliquait dans la vie municipale). Certes, certains soirs, il se rendait à des réunions, tenait le bulletin de vote, allait certains week-ends coller des affiches.
Mais c'était comme un jardin secret. N'en parlions pas. Ou sur le mode anecdotique.
Il y eut bien, plus tard, les manifestations étudiantes de 1986.
Mais, vestiges des joies et insouciances de l'enfance et de l'adolescence, je pris davantage cela comme un jeu, un amusement, une expérience. J'aimais les grèves : elles évitaient les cours. J'aimais le blocage de la Fac : ça permettait de n'y aller pas et de se concentrer sur le bénévolat et le foot, mes loisirs de l'époque. J'aimais les cortèges et les manifestations : c'était occasions de rire, d'échanger, de rencontrer. D'ailleurs, je ne savais pas trop pourquoi on manifestait.
Cette indolence ne me semblait pas suspecte. Aujourd'hui, je mesure comme je me suis construit sur elle, cultivant un détachement certain, une sorte de non conscience, un non intérêt, plutôt. Cela m'a longtemps accompagné. Jusque dans ma manière de lire la presse et de "prendre" les infos. Plein de sujets me laissent indifférents. De plein de choses j'ai tendance à ne penser rien.
L'autre jour, je regardais mes fils. Je me demandais comment à 8 et bientôt 13 ans on vit notre époque.

4 commentaires:

  1. Et si tu demandais à celui de 13, de nous pondre un petit billet en réponse

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  2. Je vais lui proposer.
    Tu demandes à ta fille de ton côté ? :-)

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  3. Mon avis : Je pense que si j'avais des enfants encore jeunes, je ferais comme j'ai toujours fait. J'essaierais de les convaincre qu'ils peuvent avoir confiance dans leur potentiel pour voir la beauté des choses et la joie qu'est la vie. Je leur rappelerais que ce bonheur qu'ils y découvriront n'a que faire des agitations extérieures et des élucubrations de l'époque, qu'ils sont les seuls responsables de leurs succès et de leurs échecs. Et que ce faisant leur coeur aura les bras très larges pour embrasser la multitude de leurs prochains. Je ne leur parlerais ni d'argent, ni de retraites et surtout pas de sécurité. Mais, je leur parlerais d'amour et de poésie, de détachement et de générosité, de savoir et d'effort.
    Et j'espère que, comme ceux qui sont passés avant eux, ils pourront dire que j'ai été un bon père, parce que je ne me suis attaché qu'à l'intemporel. La gueule collée au goudron n'élève personne. L'espoir c'est vers le soleil qu'il est. Et j'espère qu'il chargeront leurs batteries des possibles que donne l'amour et le pédalage permanent.

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  4. Commentaire presque visionnaire, Claudio.
    Avons acheté un vélo avec fils de bientôt treize ans, cet après-midi.
    Suite aux vols de biclous d'avant l'été.
    Et nous voilà à parler rebonds, lui et moi, lui étant très inquiet à l'idée que le nouveau vélo s'envole, moi lui disant que c'étaient pas des petits voleurs qui allaient nous empêcher de vivre, que la peur conduisait au vide, que l'important ça serait nos balades à venir, l'idée de nos balades à venir, tout ça.

    Sinon, Barbara, je lui ai causé et lui ai demandé son avis. Pour lui, y'a grève de l'essence et c'est cool parce que les profs sont pas là, donc on est en congés presque. Globalement, il s'en fout, du pourquoi du comment. Je n'ai ni cherché à lui faire rédiger une rédac, ni cherché à le contredire :-)

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