mercredi 19 octobre 2011

Impressions Tunisiennes 3/6


"C'est la démocratie !"
45 minutes de course ce matin et j'ai changé de parcours. J'ai grandement bien fait. J'ai bien croisé quelques trous d'égouts mais rien de bien méchant. On les avait sans doute placés là pour tester mon attention. La plus grande partie du parcours était parfaitement sécurisée car j'ai couru le long de routes en travaux. Les flèches automobiles sur la nouvelle route et la cible coureur sur l'ancienne. Chacun à sa place.

La traversée de la ville de Tunis offre peu de changements. Des touristes rares, des commerçants résignés qui hèlent le chaland plus par réflexe que par conviction et quelques véhicules blindés encerclés par des centaines de mètres de rouleaux de fil barbelé. Rien de plus. Tunis, dans la photographie qu'elle m'offre à cet instant, est quasiment la même. La place du 7 novembre s'est transformée en place du 14 janvier. C'est peut-être symbolique, mais c'est sans importance. En vérité, cela m'apparait même ridicule. Les artisans continuent à travailler. Leurs ateliers grouillent de mouvement, l'accueil légendaire n'a pas subi de révolution et c'est tant mieux. La seule différence est qu'il nous faut faire le premier pas quand l'hôte le faisait spontanément avant.
Pour se frotter un peu plus à la réalité, "la vraie vie" disent certains, nous décidons de prendre le train plutôt que le taxi, afin de rejoindre La Marsa, ville balnéaire dans la banlieue nord de la capitale, considérée plus huppée. Les wagons dignes des pays les plus sous-développés entassent des résignés dignes des métros les plus occidentalisés. Le laisser-aller est visible, flagrant. Fenêtres bancales, rouille, morceaux de ferraille saillants, tension. L'atmosphère colorée et conviviale que j'ai connu jadis a laissé place à la crasse au sens sale comme au sens figuré. Des dizaines de jeunes gens, censés être sur le chemin du lycée, bravent la vie sur le chemin de la mort : portières ouvertes, ils défient les lois de la physique, se penchant, se lâchant, sortant, criant. Certains s'installent entre les wagons, d'autres s'accrochent aux fenêtres. L'ambiance est tendue. Il y a peu, l'autorité d'un adulte aurait remis de l'ordre en cinq secondes. Aujourd'hui, les rares qui osent intervenir se font rabrouer avec agressivité par des gamins de quinze ans semblant sous emprise. Ils sont nerveux, leurs mains tapent, bougent, frappent sur tout et n'importe quoi. C'est la débandade ! Aucune autorité officielle (contrôleur, policier...) ne fera d'apparition pendant le voyage. Le plus costaud des excités ira jusqu'à asséner un puissant coup de poing sur la porte séparant deux wagons. Il la fracassa et en profita pour fracasser sa main. Il repartit fier de lui, main en sang et laissa sur la porte une cassure ressemblant au logo de la Compagnie locale de gaz et d'électricité. J'en souris...
On m'expliquera plus tard que leur compréhension du mot "démocratie" avait quelques ratés au démarrage. Car leur réponse est toute faite aux reproches d'incivisme qu'on leur fait : "C'est la démocratie !"
Une inquiétude flotte dans l'air.
(à suivre)

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