vendredi 25 novembre 2011

Tour d'ivoire

Photo : Francis Beurrier - Texte : Didier Jacquot.

Le plus compliqué, finalement, ce n'est pas de tomber de haut. C'est de remontrer la pente.
C'est un étrange moment, celui juste après la chute.
Pas loin de la perfection.
Tout semble en mouvement, et tout semble figé.
Il règne un silence qui ne ressemble pas au silence.
J'avais beau tendre le bras pour tenter d'appeler de l'aide parce que les mots avaient décidé de ne sortir pas de ma bouche, rien n'y faisait. Il me fallait me rendre à l'évidence. M'y résoudre. J'étais au fond.
Au fond du trou.

J'étais même sans forces quand une lance sembla me transpercer. Venue de derrière. Sans un bruit.
L'eau qui perlait dans mon dos n'était pas liée aux parois mais bel et bien à moi.
Je cessai aussitôt de balancer mes bras vers le ciel, clouant le bec à ce geste dérisoire auquel même moi je ne croyais pas.
Quant à l'eau qui me brouillait la vue, elle exprimait finalement plus la honte et la rage qu'un quelconque chagrin.
Je me surprenais à penser qu'il était temps que ça sorte, tout ça.
Personne pour me répondre. Je me demandai comment un muet faisait pour hurler.
J'esquissais mon pas de danse pour moi seul, désormais, et alors que je contemplais la margelle invisible de ce puits que j'étais devenu à moi-même, alors que je cherchais vainement à trouver des prises pour amorcer ma remontée, alors que regardant partout alentour, je ne voyais rien qui puisse me tirer vers le haut, je fis le choix de m'asseoir et de laisser couler. J'étais devenu liquide. Sombre en bas et blanc en haut.
Les larmes et la sueur furent mes seules compagnes pendant un moment. J'étais incapable de dire combien. Combien de temps. Car toute notion du temps m'avait quitté.
Ce furent peut-être des secondes. Peut-être des minutes. Peut-être des heures.
J'étais assis-là, à regarder les mille et une cases de mon maintenant, ne sachant plus où était mon passé, où se nichait mon futur. Toutes ces portes ne demandaient sans doute qu'à s'ouvrir mais j'étais en fuite et à la seule idée d'essayer d'en ouvrir une, une seule, je me sentais à bout de forces.
Mon corps pesait alors des tonnes.
Je contemplais l'escalier de ma vie à venir, incapable pour l'instant d'emprunter la première marche.
Seule la lueur du ciel allait me guider désormais.
J'étais en vie.
Et je n'étais plus immortel.
Je trouvais que c'était une bonne idée.

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