mercredi 12 janvier 2011

Le plafond du sentiment

Depuis quelques temps, il enfilait les déceptions comme on enfile des perles. Même geste, même mouvement. Il s'emmerdait à le faire tout autant que ça l'emmerdait de le faire. Chaque perle devait être la dernière. Il le souhaitait, l'espérait, le programmait.
Pourtant. Comme un shadock pompant, le collier s'allongeait, s'allongeait, s'allongeait.
De déceptions en déceptions, il en venait, inévitablement, à courber un peu l'échine. Un peu seulement. Habitué à tout triturer de ce qui ne se malaxe que de façon abstraite, il continuait à le faire, jour et nuit. Torture mentale aux yeux de certains, cet exercice était pour lui, méditation, devoir et nécessité absolue, cohérence et altruisme, chemin de croix et élévation.
A labourer sans relâche, on triomphe sans doute. Et, toujours, la persévérance désintéressée est récompensée.
Bien entendu, les autres ne s'étaient pas ligués pour le décevoir. Tout cela n'était que lucidité concentrée de sa part. Avait-il trop attendu ? Avait-il sur-estimé ? S'était-il sous-estimé ? Une conjonction de planètes ou d'éclairages nouveaux lui faisait prendre conscience d'une vérité, qu'il savait désormais, amèrement, incontournable.
Son humilité naturelle souffrait de la découverte jusque dans sa chair. Les symptômes psycho-somatiques assaillaient ses organes et ses combats de volonté n'en venaient pas à bout facilement. Tous ses outils, et ils étaient nombreux, ne suffisaient plus. Il lui fallait en trouver d'autres. Apprendre, apprendre toujours. C'était son credo. L'occasion lui en était offerte encore.
Accepter et repartir.
Accepter que ces êtres appréciés, aimés, adulés parfois, soient limités. Limités par le plafond du sentiment.
Il l'avait perçu chez lui en son temps, ce plafond frustant et limitant. Mais, il l'avait percé sans scrupules. C'était vital. Et ce fut explosif, vivifiant, divin.
Bâton de pélerin en tête, il se mit à vouloir rendre gigantesque, et pourquoi pas universelle, la confrèrie des perçeurs de plafonds.
Non, non et non ! Il lui fallait se rendre à l'évidence, les plus nombreux de ses frères d'humanité défendaient leur plafond.
Le combat que d'autres ambitieux avait perdu avant lui valait la peine d'être mené, mais son issue s'avéra sans surprise.

Il posa son bâton, déposa les armes et referma sa porte... jusqu'à la prochaine fois.

1 commentaire:

  1. Joli testament ;-)
    Une fin possible :
    Alors il retourna dans sa grotte méditer loin de ses frères, cultivant sa conviction, comme on change de perle avec le même fil, une conviction elle-même devenue en quelque sorte un plafond que d'aucuns nommeraient ciel...

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